Chapitre 50 : La bande-dessinée au féminin
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
Alors que je m’apprête à conclure ce feuilleton des 30 ans, je dois bien recon-naître que je ne vous ai pas parlé de beaucoup d’autrices… J’ai pourtant travail-lé, tout au long de ma carrière, avec quelques-unes d’entre elles, d’Annie Goet-zinger, Edith, Dodo, Catel, Catherine Meurisse, Zelba, aux jeunes diplômées d’Estienne. Mais il est vrai que lorsque j’ai commencé, la bande dessinée était majoritairement masculine. Depuis une quinzaine d’années, cette tendance a fortement évolué ! Je ne regarde pas à la lecture d’un projet si celui-ci est écrit par un homme ou une femme, je crois au talent et à l’originalité du propos. Mais je dois dire que ces dernières années, les projets ou les livres qui m’ont le plus surpris étaient écrits et dessinés par des femmes. Futuropolis se féminise d’ailleurs de plus en plus !
J’ai d’ailleurs eu envie, pour ce dernier épisode (avant l’épilogue de demain) de parler aussi bien des autrices avec qui j’ai travaillé que des livres qui m’ont épa-té récemment, publiés ailleurs.
Toutes ces autrices ont en commun de prendre à bras le corps des sujets forts, et qui parlent de préoccupations d’aujourd’hui : du racisme ordinaire de «Ce qui nous sépare» d’Hélène Aldéguer, à la relecture du mythe américain par le prisme des minorités de «Black-out» de Loo Hui Phang (avec Hugues Micol), à l’engagement citoyen de «Flipette et Vénère» de Lucrèce Andreae. Elles s’y ra-content souvent avec beaucoup d’honnêteté et de sincérité, comme Zelba avec «Dans le même bateau», «Mon premier rêve en Japonais» de Camille Royer ou encore «Pucelle» de Florence Dupré-Latour, et «Saison des roses» de Chloé Wary.
Graphiquement, leurs styles sont très personnels, à l’image du travail pictural d’Aude Samama ou de Camille Jourdy.
Catherine Meurisse a publié l’un des livres les plus drôles de Futuropolis (d’accord, il y en a pas tant que ça!) : «Moderne Olympia». Cette autrice, deve-nue l’une des figures les plus marquantes de sa génération, allie érudition sa-vante et drôlerie irrésistible. Cette féminisation dans la création s’est doublée d’une féminisation du lectorat, lorsque la bande dessinée est sortie de l’ornière du divertissement pour aborder des thèmes plus adultes, et c’est heureux!
par Sébastien Gnaedig