Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Avec plaisir!
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Aucun problème pour moi.
Merci bien…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
J’ai 34 ans et je suis instituteur depuis maintenant 12 ans. Je suis marié et j’ai deux adorables filles de 3 et 6 ans J’ai un petit côté touche-à-tout: tir à l’arc, pétanque, guitare, harmonica, dessin, lecture, musique, menuiserie, pédagogie, cuisine, badminton, vélo, sculpture, bricolage … Bref, un peu de tout mais jamais rien jusqu’au bout
Je n’aime pas me tenir à un horaire fixe pour une activité récréative. Avoir une activité chaque semaine le même jour à la même heure me décourage avant même d’y penser. J’aime pouvoir m’investir à fond quand j’en ai envie puis passer à autre chose quand le besoin s’en fait ressentir.
A travers toutes ces lubies, il y a quand même quelques « passions » qui ont marqué mon parcours et qui le marquent toujours. J’ai été très actif dans l’animation et la formation dans les mouvements de jeunesse: 16 ans de ma vie qui sont maintenant derrière moi mais qui me laissent un souvenir impérissable. J’apprécie beaucoup peindre des figurines. Pour finir, il y a évidemment les jeux de société.
Enfant, quel joueur étais-tu et quels étaient alors tes jeux de chevet et quels sont-ils aujourd’hui? N’as-tu jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier t’a-t-il fait irrémédiablement basculer dans le jeu de société « moderne » ?
Mes parents m’ont éveillé aux jeux de société quand j’étais assez jeune. J’ai beaucoup joué à Billabong, une sorte de jeu de dames avec des kangourous.
Par contre, petit, j’étais extrêmement mauvais perdant. J’ai donc peu à peu abandonné cette activité jusqu’au jour où je suis rentré dans un magasin Games Workshop. Là, ce fut un véritable coup de coeur: un côté créatif, un jeu exigeant, passionnant, beau, … mais qui demande un investissement conséquent en temps et en argent. Je me suis donc dirigé vers le jeu de société moderne plus accessible et plus fédérateur autour de moi.
Es-tu plutôt ameritrash, eurogame, LIdJA ?
Eurogame, définitivement. Mais je ne suis pas contre un bon jeu ameritrash qui peut mettre une bonne ambiance autour de la table.
A quel moment l’idée de travailler dans le monde du jeu germée ? Cela a-t-il été aisé ou cela a-t-il au contraire relevé du parcours de combattant ?
Cela fait une dizaine d’année que je bricole des jeux. D’abord pour l’animation en mouvement de jeunesse puis simplement pour le plaisir de créer.
Lorsque je suis arrivé au bout de la création de Cookie Addict (qui s’appelait Azimut à ce moment-là), j’étais très content du résultat et je me suis dit qu’il était peut-être temps d’essayer de le faire éditer.
Je suis donc allé en festival avec des boîtes sous le bras et quelques rendez-vous avec des éditeurs. L’accueil fut très bon et plusieurs d’entre eux sont repartis avec un prototype. J’étais aux anges!
Puis, j’ai appris quelle qualité première devait avoir un auteur: la patience
Je ne m’attendais pas du tout à recevoir certains retours 4 ou 5 mois plus tard. Entre temps, mon prototype fut sélectionné pour le concours de créateur au festival des Fous du jeu à Rouen et j’ai remporté le premier prix. Peu après, Lubee édition me proposait un contrat.
Entre la signature du contrat et son édition, le jeu a-t-il connu des modifications ?
Très peu. Quelques tuiles spéciales ont été modifiées mais le jeu est à 95% le même que celui qui a été signé.
Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier d’auteur ?
Je n’ai qu’une maigre expérience dans le domaine car c’est loin d’être mon métier. Je dirais que les moments les plus grisants sont les moments de pause, où je ne travaille plus sur un jeu et qu’une super idée surgit de nulle part alors que je cuisine, sous la douche, avant de m’endormir, …
Etant très perfectionniste, il est fort compliqué pour moi de me dire que mon jeu est terminé et qu’il est assez bon pour être montré à un éditeur.
Comment est née l’idée de Cookie Addict, ton premier jeu publié qui voit deux bestioles rivaliser d’audace et d’inventivité pour chiper des cookies au nez et à la barbe des gardiens du zoo ?
Après avoir donné une leçon en classe où mes élèves devaient chercher des informations dans un tableau à deux entrées, j’ai voulu créer un jeu de récolte dans un tableau de ce genre.
Peux-tu, en quelques mots, revenir sur sa genèse et la façon dont les différents mécanismes (coordonnées, leurres, gardiens…) se sont imbriqués pour donner naissance au jeu que l’on connaît ?
J’ai essayé pas mal de mécaniques de croisements et de déplacements dans ce tableau de tuiles. Dès le départ, je voulais un jeu simple pour deux joueurs où on récoltait des ressources/Pv tout en évitant des pièges. Toutes ces mécaniques étaient plus complexes que ce qu’est Cookie Addict maintenant sauf pour les pièges (gardiens) qui étaient de simples jetons placés dans le tableau et qui empêchaient toute récolte.
C’est en voulant simplifier le jeu que la mécanique de croisement actuelle s’est imposée. La règle était plus simple et la réflexion était immédiate. Peut-être un peu trop. J’ai donc créé une nouvelle ressource qui permet de déplacer les pièges.
Une fois que cette base fut validée, j’ai créé quelques tuiles avec des pouvoirs spéciaux.
Le thème s’est-il d’emblée imposé ou est-il venu bien après la création de la mécanique du jeu ?
Au départ, le jeu se déroulait dans l’univers des pirates, des corsaires, des trésors, des mutineries, du rhum, … Le thème n’est pas vraiment venu après les mécaniques mais plutôt en second plan. Cookie addict est un jeu abstrait donc les mécaniques priment selon moi.
En discussion avec l’éditeur, nous avons opté pour un thème différent, plus humoristique… La chasse aux cookies!
Qui a eu l’idée (savoureuse) de glisser la recette dans la boîte ?
J’ai envie de dire que c’est moi mais ce serait un odieux mensonge. Mon éditeur m’a fait la surprise lorsque j’ai présenté le jeu sur le stand de Blackrock au dernier festival de Cannes.
Comment s’est passé le travail avec Martin Maigret et Alexandre Brull qui ont signé les superbes et toonnesques illustrations du jeu ?
Très bien. C’est avec Martin qu’on a abordé le thème des cookies pour la première fois. Pour les illustrations, je n’ai pas eu grand chose à dire: j’ai tout de suite aimé leur travail.
J’ai plus été attentif à la lisibilité et à l’ergonomie des symboles sur les tuiles.
As-tu d’autres projets sur le grill, si tant soit est que tu puisses en parler ?
J’ai effectivement quelques projets en cours qui ne sont pas signés donc j’ai totalement le droit d’en parler.
Je travaille sur un jeu familial de rapidité et coopératif où les joueurs devront piocher des pièces de formes spécifiques dans un sac afin d’ouvrir des portes qui mènent à des trésors.
Je travaille également sur un jeu de course que je refonds totalement pour le moment.
Et enfin, j’ai un jeu un peu plus conséquent où les joueurs vont créer des connexions dans un tableau de tuiles afin d’effectuer des chaînes d’actions. C’est un jeu où on incarne une IA qui contrôle des robots qui préparent la venue de l’humain sur une nouvelle planète.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
L’exposition hyperréalisme à la Boverie à Liège.
Le dernier tome « Open Bar 2 » de Fabcaro.
Quel jeu recommanderais-tu à quelqu’un désireux de découvrir le jeu de société « moderne » ?
Les aventuriers du rail sans hésiter. C'est simple, accessible, amusant et je termine chaque partie en silence, me rongeant les ongles et grimpant sur la table... Bref, un bon moment relaxant
.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
J’aime beaucoup les jeux d’Antoine Bauza.
Qu'est-ce qui te plait dans les créations d'Antoine Bauza?
J'aime beaucoup cette sorte d'épure qu'il atteint dans ses jeux. Les mécaniques s'imbriquent par-faitement et n'alourdissent jamais le jeu.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD: Blacksad (on peut rê-ver…)
un personnage mythologique: Achille
un personnage de roman: Sov Sevcenko
une chanson: L’école de Joe
un instrument de musique: une guitare
un jeu de société: l’auberge sanglante
une découverte scientifique : le paracétamol
une recette culinaire: les pâtes aux cèpes
une pâtisserie: une tranche de cake
une ville: Liège
une qualité : réfléchi
un défaut: réfléchi
un monument: le pont du Gard
une boisson: une cuvée 800
un proverbe: qui ne doute de rien ne se doute de rien…
Un dernier mot pour la postérité ?
Si vous jouez à Cookie Addict, j’espère qu’il vous plaira.
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
De rien.