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Entretien avec Julie Dutois
interview accordée aux SdI en décembre 2020


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

Non, tout va bien.

Merci à toi… Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Je suis prof de français et j’approche inexorablement de la quarantaine. J’ai donc fait des études de lettres, mais j’ai longtemps été attirée par toutes les voies possibles avant de faire mon choix. J’aime tout ce qui touche à la création et aux arts : la danse, le théâtre, la peinture… Je suis curieuse et ma curiosité m’a poussée à découvrir tour à tour et parfois en même temps le hockey sur roller, la dentelle aux fuseaux, la danse contemporaine, l’escrime et le piano…

C’est très éclectique !
Je te rassure, je ne fais pas tout cela en même temps… mais je regrette toujours de ne pas avoir le temps de tout faire et de ne pas pouvoir tout découvrir. Je milite pour des journées de 36h.

Magic Rabbit, visuel © Lumberjacks StudioIl faudra qu’on fasse un club… je milite aussi dans mon coin depuis des lustres pour les journées de 36 heures smiley

Enfant, quelle joueuse étais-tu et quels étaient alors tes jeux de chevet ? Quels sont-ils aujourd’hui? N’as-tu jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier t’a-t-il fait irrémédiablement basculer dans le jeu de société « moderne » ?

Enfant, j’étais celle qui supplie ses parents de bien vouloir faire une partie de quelque chose, n’importe quoi pourvu qu’on joue, j’adorais les dimanches pluvieux. J’ai des souvenirs de nombreuses parties d’ «Hôtel », de « Café international » et de Tarot. J’ai toujours aimé jouer, mais cette passion a rebondi il y a 7 ou 8 ans quand nous sommes venus nous installer à Niort et que j’ai pu me rendre régulièrement à la Ludothèque et au FLIP.

Peux-tu expliquer ce qu’est le FLIP aux joueurs occasionnels ne connaissant pas les manifestations ludiques ?
Le FLIP, c’est formidable ! Pendant dix jours, toute la ville de Parthenay dans les Deux-Sèvres se met à jouer. On passe d’une rue à l’autre, du palais des congrès au gymnase du collège, des tables de jeux de société aux matchs de Troll Ball… Beaucoup de choses se passent en extérieur et l’ambiance est très familiale, il y en a vraiment pour tous les goûts !

Si tu devais conseiller un jeu à une personne désireuse de découvrir le jeu de société « moderne » et de remiser à la cave son Monopoly Games of Thrones et son Yahtze, quel serait-il ?
C’est dur ! Quand je joue avec des proches qui ne sont pas des habitués du jeu, je vais vers des jeux qui ne demandent pas deux heures d’explication : « Cubirds », « Battle sheep » ou « Code names » sont les boîtes que je promène avec moi en ce moment.

Etes-vous plutôt ameritrash, eurogame, LIdJA ?
Désolée, je ne parle pas cette langue !

Magic Rabbit, Julie, l'article de la Nouvelle République © Nouvelle RépubliqueCe n’est pas bien grave smiley
Comment est né Magic Rabbit, qui est, à notre connaissance, votre premier jeu édité ?

Magic Rabbit est né au FLIP en 2018. Avec Ludovic Simonet et Cécile Ziégler, qui sont des copains et collègues, nous avions décidé de participer à la JAM FLIP. Il fallait créer un jeu en 24h sous contraintes. Romaric Galonnier était notre coach. Nous avons remporté la JAM avec un jeu qui s’appelait déjà Magic Rabbit et dont la mécanique était déjà en place.

Créé en 24 heures ? Impressionnant…
Pour moi, c’est le meilleur moyen de créer, que ce soit pour des jeux ou pour l’écriture, la mise en scène… Au quotidien, il m’est difficile de me ménager du temps pour cela. Alors que là, on laisse de côté tout le reste, c’est un jeu, il faut finir dans les temps. Bon le lendemain on n’est pas super frais c’est sûr ! Les contraintes aussi sont source de créativité.

Quelles étaient alors les contraintes créatives de ce JAM Flip ?
Le thème de la magie, un jeu coopératif et familial. Nous avions trois autres équipes face à nous, chaque équipe avait un coach issu du monde du jeu.

La thématique s’est-elle d’emblée imposée ou êtes-vous passé par différentes étapes avant de vous arrêter sur la magie ?
La thématique de la magie était une des contraintes de la JAM FLIP, les autres contraintes étaient de faire un jeu coopératif et familial. Ce qui est amusant c’est que Ludovic est aussi magicien, ce thème était fait pour nous.

Magic Rabbit, l'équipe des créateursQuel genre de magie pratique-t-il ?
En plus d’être prof de maths, et de pratiquer l’improvisation théâtrale, il fait des spectacles de magie pour tous types de public, il crée aussi ses propres tours. Il y a quelques jours [avant d’être confinés], nous nous sommes retrouvés dans le magasin de jeu de notre ville natale pour une présentation de Magic Rabbit, Ludo en a profité pour faire quelques tours aux tables de joueurs. Cartes, balles, foulard, cordes… son matériel était très traditionnel mais je suis fan de sa façon de présenter ses tours.

Ça devait être excellent comme mixte !
Combien de temps s’est-il écoulé entre sa conception et sa publication ?

Deux ans. Nous avons retravaillé le jeu jusqu’au festival de Cannes où Romaric, devenu co-auteur, a pu présenter le jeu à plusieurs éditeurs. C’est à ce moment que l’idée du temps limité a été trouvé. Parallèlement, nous avions inscrit le jeu au trophée créateur du FLIP. Nous avons signé chez Lumberjacks en juillet 2019, en même temps que nous remportions le trophée.

Magic Rabbit, Julie, photo du protoLe jeu a-t-il connu de gros changement entre le Jam FLIP et la version que nous connaissons ?
Le principal changement réside dans l’arrivée du sablier. Au début la mécanique était là, mais il nous manquait le fun ! D’ailleurs, lors du trophée fLIP nous étions dans la catégorie réflexion. Ce qui plaît toujours quand on parle du premier prototype, c’est que nous en avions fait une version en 3D, Cécile a passé sa soirée à découper et à peindre des chapeaux ! Nous avions quand même prévu une version avec des tuiles, car nous savions que c’était plus pratique pour l’édition.

Comment vous est venue l’idée des enveloppes proposant ces délicieuses variantes assurant un excellent renouvellement des parties ?
Magic Rabbit, Julie, photo du protoUne fois que la mécanique de rapidité est apparue, il fallait renouveler le jeu au fil des parties. Nous avons donc cherché des variantes, que nous avons testé, retesté… L’idée des enveloppes est venue des Lumberjack’s… je soupçonne Antoine Roffé d’avoir toujours rêvé d’être facteur !

Comment le jeu a-t-il atterrit chez Lumberjacks Studio dans leur collection aux boites rigolotes (la gamme Coffee Break)?
Antoine Roffé avait testé le jeu à Cannes, il aimait la mécanique et le format du jeu qui allait bien avec ce qu’il recherchait pour Coffee Break. Ils ont fait un énorme travail d’édition !

Comment le jeu a-t-il évolué entre le prototype testé par Antoine Roffé et la version éditée par Lumberjacks Studio ? Avez-vous été associé à son développement ?
Magic Rabbit, Julie, photo du protoL’évolution s’est faite en lien avec l’éditeur, quand Lumberjack’s a testé le projet, le sablier était encore en germe. Nous avons pu suivre tout le développement, c’était vraiment formidable pour nous, les trois niortais, qui n’avions aucune expérience dans le milieu de l’édition. On adoré suivre toutes les lapins, voir arriver les premières illustrations, donner notre avis sur le choix des lapins, partager ensemble les résultats de nos tests. Tout cela s’est fait de manière virtuelle, nous n’avons jamais rencontré les Lumberjack’s en vrai, seul Romaric les a rencontré.

Quel effet cela fait-il de voir son jeu disponible sur les étals ?
C’est génial ! Le jour de la sortie en juillet, j’étais à Toulouse et je suis entrée dans une boutique juste pour le plaisir de le voir, au moment où je suis entrée deux vendeurs étaient en train d’en parler, c’était irréel !
Magic Rabbit, aperçu du matériel © Lumberjacks Studio
Travailles-tu déjà sur de nouveaux projets ludiques ?
J’ai des tas de pistes à l’état de croquis qui je peine à mettre sous la forme de prototypes pour les tester. Je manque de temps pour m’y mettre et je travaille mieux à plusieurs et sous contraintes. Nous avons prévu de refaire une session de travail bientôt avec les copains niortais (probablement à distance...)

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Magic Rabbit, l'équipe des créateurs
Côté jeu, je suis à fond dans The Crew et Trek 12 en ce moment.

Côté BD, c’est L’Arabe du futur, j’attends avec impatience la sortie du nouveau.

Côté arts, j’ai visité en septembre le formidable « Street Art City » à Lurcy Levi, c’est un ensemble de bâtiments désaffectés qui ont été transformés en terrain de jeu pour les artistes. Tous les murs extérieurs sont peints et changent régulièrement, il y a aussi un ancien hôtel qui comporte plus de cent chambres qui ont été attribuées à des artistes différents. Tous les styles se côtoient, on passe d’un univers à l’autre avec plaisir.

Musicalement, je ne peux que conseiller le nouveau Casse Gueule, qui tourne en boucle dans la voiture – mais qui n’est pas encore sorti. Bon, je ne suis peut-être pas très objective, puisque mon mari est un des membres du groupe, mais le destin de cet album et Magic Rabbit sont intimement liés, il y avait challenge à la maison : qui sera signé en premier ? qui vendra le plus d’exemplaires ? qui aura le plus d’articles ? qui gardera les enfants pendant que l’autre ira faire un festival ?

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Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?

Je souhaite rassurer les défenseurs des animaux, aucun lapin n’a été maltraité pendant les tests. Mais nous réfléchissons sérieusement à une version plus sportive du jeu, avec de vrais lapins et de vrais chapeaux.
Magic Rabbit, visuel © Lumberjacks Studio
une chanson: Chocapic de Blair
un instrument de musique: le piano
un jeu de société: le mah jong
un mécanisme de jeu de société: la programmation
une découverte scientifique: la relativité
une recette culinaire: le porc au caramel et au gingembre
une pâtisserie: un flan
une ville: Niort
une qualité: la bienveillance
un défaut: la gourmandise
un monument: la Fondation Louis Vuitton
une boisson: une ginger beer
un proverbe: ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué

Un dernier mot pour la postérité ?
Merci d’avoir lu mes élucubrations.

Merci à toi surtout, pour le temps que tu nous as accordé (et pour ces heures de jeu à courir après les lapins !)
Le Korrigan