Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Le « tu » me va bien
Me voilà soulagé, merci à toi…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Je suis historien de formation (DEA d’histoire contemporaine à Paris X Nanterre). Mon métier depuis longtemps est iconographe pour la presse, je suis surtout spécialiste des archives photographiques militaires et des fonds historiques dans leur ensemble. Je fais beaucoup d’interview d’historiens ou d’anciens combattants pour Guerres et histoire ou ma chaine Youtube (), j’écris sur le tourisme de mémoire, le polar et évidemment sur la bande dessinée.
J’ai créé avec Thierry Lemaire, le seul site consacré à la BD historique en 2015, . Je suis aussi musicien (chanteur lyrique et clarinettiste).
Ah ! C’est donc toi ! Un excellent site que Cases d’histoire ! Enchanté…
Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
Une grande place mais pas que. Je lis beaucoup de livres d’histoire et surtout des polars.
A quel moment l’idée de devenir un acteur du monde de la bande-dessinée a-t-elle germée ? Une rencontre ou un évènement particulier a-t-il suscité cette vocation ?
A la création de Guerres et histoire, j’ai proposé de mettre une page BD et voilà comment les choses ont commencé. Puis la rencontre avec Nicolas Gras Payen qui dirige Passés Composés s’est fait autour d’un projet de bd historique qui n’a pas marché. Nous en parlions souvent, jusqu’au jour où il m’a dit, « on y va ».
Combien de temps s’est-il écoulé entre l’idée et sa réalisation ?
Deux ans et demi, entre nos premières discussions et la sortie des deux premiers albums.
Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Aucune difficulté et surtout ce n’est pas un combat mais un apprentissage. Passer de la position de critique, de commentateur, à celle d’éditeur, oblige à se former sur les aspects techniques, commerciaux, de marketing, de communication… Mais l’équipe qui est autour de Nicolas Gras Payen chez Passés Composés a toujours été là avec indulgence et enthousiasme et tout s’est passé dans le dialogue et l’apprentissage réciproque. J’ai apporté ma connaissance du milieu de la bande dessinée, eux tout le reste et c’est beaucoup.
Quelle est l’idée directrice de cette nouvelle maison d’édition ?
Ce n’est pas une nouvelle maison d’édition. C’est une maison d’histoire qui vient à la BD avec une vraie envie et une ligne éditoriale pour ce média. Passés Composés est aussi une maison qui accorde une très grande attention à l’écriture de l’histoire dans le fond comme dans la forme et la bd s’inscrit dans cette préoccupation. La collection s’appelle Biopic, chaque histoire est fondée sur un personnage. Soit un personnage réel comme Severiano de Heredia, soit un personnage imaginaire mais qui aurait pu exister et qui s’inscrit dans un contexte parfaitement documenté comme pour Cutshin Creek. Si le côté historique est important, nous accordons beaucoup d’importance à l’aspect romanesque des récits, nous racontons des histoires sans pour autant faire une leçon d’histoire. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas cahier documentaire en complément. Le lecteur, s’il le veut, peut se documenter, chercher plus de choses.
Tu sèmes des graines d’historiens
Quelles sont tes références en matière de BD historiques ?
Les albums de Fabien Nury, de Kris, Olivier Jouvray, Valérie Mangin, Vincent Brugeas, Dobbs. Ce sont des scénaristes. Pour le dessin, la liste est beaucoup trop longue.
Outre de nombreux essais, les deux premiers albums sont signés par de talentueux auteurs… Comment Isabelle Dethan, Antoine Ozanam, Séverine Gauthier ou Benoît Blary ont-ils rejoint l’aventure ?
Il n’y pas eu de nombreux essais.
Ils sont arrivés facilement après un coup de téléphone. (rire)
Je connais le travail de Benoit depuis longtemps et je le considère un des meilleurs dessinateurs français. Je sais que son style peut déranger mais j’en connais peu qui ont sa science du cadrage, des couleurs, sa faculté à faire basculer un découpage dans la violence ou au contraire dans la poésie la plus merveilleuse. Je sais aussi depuis la parution du superbe Virginia (Casterman) qu’il travaille bien et en confiance avec Séverine Gauthier, le tandem était évident. Par son métier, ce qu’écrit Séverine sur l’histoire américaine est sérieux et documenté et ses histoires sont nettes, efficaces, sans fioritures. Ses personnages sont bien écrits et puissants. Les planches quasi muettes de Cutshin Creek sont de grands moments de lecture.
Pour Severiano, c’est Antoine Ozanam qui me l’a proposé. Il avait ça dans ses cartons depuis longtemps. J’ai découvert son travail avec son adaptation du Journal d’Anne Franck (Delcourt). Il avait donné de ce récit archi connu une vision très personnelle tout en respectant l’œuvre d’origine. Il avait commencé à travailler sur Severiano avec Isabelle Dethan qui avait déjà dessiné les 4 premières planches, celles qu’on a dans l’album. Tout naturellement, c’est avec elle que nous sommes partis. Pour ces premiers albums, il fallait commencer avec des auteurs confirmés. Je les remercie tous les quatre pour leur engagement et la confiance qu’ils m’ont fait et qu’ils ont fait à toute l’équipe de Passés Composés.
Qu’est-ce qui t’a a séduit dans Cutshin Creek ou Severiano de Heredia ?
Je suis grand fan de western, comme Benoit Blary d’ailleurs, alors quand Séverine Gauthier me propose une fable sur la crise économique des années trente, dans un contexte que personne ne connait, un personnage féminin puissant avec tous les codes du western…. Comment résister ? Le trait et les couleurs de Benoit ne pouvaient que se glisser parfaitement dans un tel récit.
Pour Severiano, c’est le personnage qui est séduisant. Totalement oublié, visionnaire et plein de contradiction, là aussi, on ne peut pas résister au fait d’en savoir plus. L’envie des auteurs compte aussi beaucoup. Découvrir qu’Isabelle et Antoine avaient commencé à travailler, que des planches existaient déjà était un argument supplémentaire qui prouvait leur implication et leur désir d’aller au bout de cette histoire. Partant de là, je n’ai pas été très difficile à convaincre.
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Peux-tu lever le voile sur les prochains albums que vous allez publier ?
Il va être question de conquête spatiale avec l’histoire de Leonov, le premier homme à effectuer une sortie extra véhiculaire et de Vésale, un grand médecin anatomiste appelé au chevet du roi Henri II. Le premier est scénarisé par Dobbs avec Antonello Becciu au dessin, l’histoire de Vésale est une idée de Laurent Frédéric Bollée accompagné au dessin de Fawzi Baghdadli.
Avec quel scénariste ou dessinateur rêverais-tu de travailler ?
La liste est interminable.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le dernier disque de la chanteuse de jazz, Estelle Perrault Dare that dream.
L’exposition Botticelli
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !