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Entretien avec Benoît Dellac
Interview accordé aux SdI en septembre 2022


Bonjour et merci de te (re)prêter au petit jeu de l’entretien...

Les romans de Michael Moorcock mettant en scène le Champion Eternel ont profondément marqué des générations de lecteurs. Après la remarquable adaptation d’Elric, c’est au tour de Hawkmoon d’avoir cet honneur... Comment as-tu croisé la route de Dorian Hawkmoon, duc de Köln ?

Tout simplement à la demande de mon éditeur qui a pensé à moi après que mon travail sur Serpent Dieu a été montré à Michael Moorcock.

À la base, je n’étais qu’encreur sur le projet et Didier Poli s’occupait de la partie graphique.

Cependant à cause de son emploi du temps, Didier a dû nous quitter et nous avons relevé le challenge avec Jérôme en duo.

L’univers d’Hawkmoon a servi de cadre à un jeu de rôle fantastique créé par Kerie Campbell-Robson et publié par Chaosium au milieu des années 80... As-tu toi-même pratiqué le JdR ?
Je n’étais pas un joueur de jeu de rôles à part pour les figurines Warhammer avec les copains : parties endiablés et peinture à gogo smiley

Cependant, Jérôme est un très grand joueur de rôle et je me suis donc reposé sur ses connaissances pour être fidèle. Jusqu’à la fin, nous avons échangé sur les designs pour se rapprocher le plus possible d’un univers atypique et cohérent.

Comment as-tu rencontré Jérôme Le Gris, scénariste de la série à qui l’on doit notamment Horacio d'Alba ou, plus récemment, le somptueux Lord Gravestone ?
Nous travaillons ensemble depuis 2013 sur Serpent Dieu aux Éditions Glénat également. C’est par le biais de Morgan Tanco (La gloire de mon père, Siorn etc.. ) que nous avons été mis en contact.
Hawkmoon, recherche de personnages © Dellac
Comment aborde-t-on graphiquement une série déjà bien ancrée dans l’imaginaire collectif ? A-t-il été facile de mettre en image cet univers médiévale futuriste dominé par la maléfique Granbretanne ?
C’est assez déroutant. Il vous faut être le plus fidèle à ce que les gens attendent tout en amenant quelque chose de nouveau.

Donc beaucoup de recherches documentaires sur les univers de jeu de rôles, illustrations, films, concept afin de se nourrir et créer ce qui fera, l’espère, honneur à l’univers créé par Michael Moorcock.

Beaucoup de questions aussi parce qu’il a fallu en faire une adaptation visuelle. Pour exemple, les Granbretons portent souvent des masques ou des casques dans le livre. Mais pour faire passer les émotions via le dessin, voir les expressions et les visages est très important. Il a fallu donc choisir un parti pris afin d'identifier les Granbretons : les casques seront portés lors des batailles et des vêtements typiques avec les visages à découvert pour les autres séquences.
Hawkmoon, rough d'une planche de l'album © Dellac / Gris
Est-ce angoissant de se charger du dessin d’une tel récit ?
Je serais certainement en partie soulagé quand le bouquin sera sorti smiley

Cela fait un peu plus de quatre ans que nous sommes dessus.

Comment s’est organisé le travail à quatre mains sur le dessin avec Didier Poli ?
Comme dit précédemment, Didier devait s’occuper des designs, crayonnés et boards, et moi de la partie encrage.

Après son départ, nous avons tout mis à plat avec Jérôme (quoi garder, quoi changer). Et on est reparti pour reprendre l’intégralité de ce qui avait été fait. Un long travail... usant mais qui a porté ses fruits. Du moins ça aide pour la motivation smiley

Comment avez-vous construit l’apparence de Dorian ? S’est-elle rapidement imposée ou est-il passé par différents stades avant de revêtir l’apparence que l’on sait ?
L’apparence de Dorian a été définie par Didier et Jérôme au tout début du processus. Par la suite, je l’ai travaillé avec mon graphisme afin d’être à l’aise lors de la réalisation des planches.
Hawkmoon, du rough au crayonné © Dellac / Gris
Quel personnage vous a donné le plus de fil à retordre et pourquoi ?
Le personnage qui me donne le plus de retord est toujours le féminin , ici Yisselda. Cela demande beaucoup plus de grâce et de douceur dans les traits. La subtilité est aussi demandée contrairement aux méchants qui sont toujours agréable à trouver.

Quel personnage avez-vous pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Il y en a beaucoup, c’est difficile de choisir. L’empereur est assez fun à mettre en scène, on ne va pas se le cacher smiley

Concrètement, une fois les recherches effectuées, comment s’est organisé le travail sur les planches de l’album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles sont les différentes étapes de l’album ?
Le travail avec Jérôme est assez différent des autres scénaristes étant donné qu’il n’y a pas de découpage défini, juste un séquencier de base sur lequel travailler. Je commence par réfléchir à la pagination, voir si les séquences de Jérôme vont prendre la place nécessaire et s’accorder avec la pagination finale de l’album. S’ensuit beaucoup d’échange pendant l’étape de story board. Des scènes peuvent être réécrites, modifiées voire supprimer.

Puis vient l’étape crayonné puis encrage. Les designs ont été posé avant mais à cette étape voir même à l’encrage des modifications ont été apporté.

En bref, sur cette série rien n’est arrêté jusqu’à la toute dernière minute. C’est motivant et enrichissant, mais cela demande aussi beaucoup d’énergie. J’espère que le lecteur appréciera smiley

Planche de l’album, Work in Progress
Hawkmoon, rough d'une planche de l'album © Dellac / Gris Hawkmoon, crayonné d'une planche de l'album © Dellac / Gris Hawkmoon, encrage d'une planche de l'album © Dellac / Gris


Comment s’est opéré le choix de Bruno Tatti sur la couleur ? A partir de quelles indications a-t-il mis tes planches en couleur, en ombre et en lumière ?
Le choix de Bruno Tatti a été un choix de Jérôme. Nous nous sommes partagé le travail avec Jérôme pour éviter de donner trop d’avis différents à Bruno. Jérôme s’est occupé de tout ce qui était ambiance, période de journée etc, tandis que moi, j’étais plus focalisé sur le côté technique et graphique. Et nous sommes tous très satisfait du résultat final !!!
Benoît Dellac, dans l'atelier de l'artiste...
Quelle étape vous a procuré le plus de plaisir ?
L’encrage, toujours l’encrage. C’est à cette étape que je donne vie au dessin

En combien d’album la série est-elle prévue ?
Pour le moment, il y a un cycle de quatre tomes de signé. Vu que chaque roman est découpé en deux bandes-dessinées, si les dieux le veulent, le second cycle sera de la partie


Hawkmoon, recherche © DellacNous ne pouvons que l’espérer !

Venons-en à la (somptueuse) couverture… Pouvez-vous nous expliquer quelles contraintes ont guidé vos choix lors de son élaboration ? S’est-elle rapidement imposée où existe-t-il plusieurs versions ?

Tout d’abord merci smiley

C’est la toute première proposition que j’ai présenté à Jérôme et l’éditeur. Même s’ils l’ont trouvé intéressante, ils souhaitaient explorer d’autres pistes. Et c’est là que cela devient drôle (comme assez souvent smiley) : après pas moins d’une dizaine de pistes explorer dans tous les sens, j’ai poussé de mon côté cette version . Et au final, on peut dire qu’elle s’est imposée… et tant mieux !

Dans quel environnement sonore as-tu travaillé pour réaliser cet album ? Musique de circonstance, silence monacal ? radio ?
Il y a toujours du bruit quand je travaille, que ce soit des bandes originales de films, des films ou des séries TV. Le silence très peu pour moi smiley

Aurais-tu une B.O. à conseiller pour accompagner la lecture de l’album ?
Allez soyez fou, mettez à fond MAD MAX FURY ROAD !!!!! Le sang pulse à chaque fois et se marie bien avec la grandeur de cet univers !

Etais-tu un fervent lecteur de Moorcock et de ses variations autour du Champion Eternel et de son Multivers ?
Pour être honnête, à part Elric, je ne connais pas grand chose à son œuvre. Peut-être que cela m’a permis d’avoir une vision « vierge » de l’univers afin d’en donner une version plus personnelle à Jérôme et moi.

Merci pour tout, y compris pour ce superbe album qui a pour moi le goût d’une madeleine de Proust !
C’est moi qui te remercie smiley

Rien de mieux qu’un lecteur satisfait !!!
Hawkmoon, page double encrée © Dellac / Gris
Le Korrigan