






Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Bonjour Laurent ! Pour commencer pas de soucis pour le tutoiement;)
Ensuite, je vais être un bon soldat et répondre point par point.
Merci à toi !
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Alors petit CV en quelques mots : ben j’ai un parcours un peu chaotique (pas vraiment de voie royale). Je dirai que j’ai un parcours de PJ de jeu de rôle. J’ai l’âge d’un gars qui a joué à Stormbringer et Hawkmoon version oriflamme, un gars qui a été cuisinier, charpentier, skipper, auteur de jeu et chef de projet dans une maison d’édition, carrière en cours (je valide les dernières améliorations de la profession et je change de branche, peut-être contrebandier ou cheminot).
Pour le compte offshore, c’est prévu dans la prochaine carrière.
Enfant, quel joueur étais-tu et quels étaient vos jeux de chevet ?
Déjà dit plus haut, Warhammer et Bloodbowl en plus.
N’as-tu jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier t’a-t-il fait basculer dans le jeu de société moderne ?
En vérité, il y a eu une pause : à l’âge où les filles, les soirées sont largement prioritaires. Puis tout à fait par hasard, je suis tombé sur des petits jeux de société « modernes », Wanted et Citadelle, au milieu des années 2000. Je me suis à nouveau vite intéressé au sujet en acquérant Caylus dans la foulée … Depuis je n’ai pas laché l’affaire.
Devenir auteur de jeu, était-ce un rêve de gosse ?
Je ne pensais pas que ça pouvait être un job, par contre je crois que je l’étais un peu chaque week-end quand je masterisais et que j’écrivais mes scénars.
Si tu devais expliquer le Jeu de Rôle à ma grand-mère, que lui dirais-tu ? Ne vous inquiétez pas mamie! Ce qu’en a dit Mireille Dumas est un brin caricatural. Tous les amateurs de jeu de rôle ne sont pas schizophrènes suicidaires. C’est juste un jeu de théâtre d’impro.
Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier d’auteur ?
Ce qui me satisfait le plus je crois, c’est de voir le jeu vivre sans moi maintenant. Les gens se sont appropriés le jeu, y jouent et répondent même à des questions de règles que d’autres posent.
Bien sûr, il y a aussi le plaisir de voir son idée être bien accueillie, de se faire une petite notoriété dans ce milieu, de rouler en Cadillac, d’abandonner sa chère et tendre pour une bimbo de 20 ans et d’ouvrir un compte aux caïmans.
Les difficultés : elles sont nombreuses. C’est le parcours du combattant pour être édité, surtout un premier jeu. J’imagine qu’après, quand on est le James Cameron/ Di caprio du jeu, ça doit se fluidifier mais pour moi… quelle galère.

A la lecture des règles de La Bête, Traque en Gévaudan et à la façon dont chacun des mécanismes sont au service de la thématique, on te devine passionné par le sujet… Comment est née l’idée du jeu et quels en furent les premiers rouages ?
Alors oui le sujet était clairement le projet initial du jeu, j’ai cherché la mécanique ensuite.
Je procède d’ailleurs comme ça pour tous mes jeux (j’en ai fait plusieurs, certains vont rester sous la poussière et d’autres voir le jour).
Pour la Bête, je n’avais qu’un lointain souvenir d’une légende rencontrée quand j’étais môme. Je me suis sérieusement documenté d’abord. Une fois compris qu’il s’agissait à la fois d’une traque qui a duré 3 ans et en même temps d’une affaire policière non résolue ; je me suis demandé comment la mettre en scène. Le squelette du jeu m’est apparu assez vite ensuite. Le un contre tous aussi d’ailleurs.
Est-il une anecdote particulièrement surprenante que tu aurais appris en travaillant sur l’histoire et la légende de la Bête ?
Oui, la théorie que Jean Chastel (le chasseur qui a abattu la Bête vraisemblablement) serait le maître de la Bête. Certains historiens (me souviens plus lesquels) pensent qu’il a sévi durant trois ans jusqu’à ce que sa Bête s’en prenne à une petite fille dont il était proche et que, anéanti, il s’est tourné vers Dieu. On le voyait désormais prier tous les dimanches. La mise à mort de la Bête a été décrite par certains comme une ceci: La Bête docilement s’est rendu devant Jean Chastel, s’est assise et attendu placide. Il l’a ajustée avec son fusil et l’a abattue.

A quel moment le concept de traces qui s’estompe avec le temps s’est-il faut jour ?
Ce procédé est vite devenu assez évident, d’abord en regard du thème (les traces dans la nature ca disparaît au bout d’un certain temps) mais aussi en terme d’équilibre : il fallait laisser une chance à la Bête !
A quel moment l’idée des saisons générant des évènements aléatoires s’est-elle fait jour ?
Rapidement, pour réduire l’aspect tactique et augmenter la part de récit. D’ailleurs mon compère qui a participé au développement le préfère sans les événements. Il le trouve moins hasardeux. C’est pourquoi on propose la variante où on les drafte pour plus de contrôle.
Intéressante variante il est vrai… Mais il faut clairement avoir pratiqué le jeu classique avant de s’y lancer !
Le jeu a-t-il connu des changements notables entre le prototype présenté à l’éditeur et la version finale ?
Honnêtement très peu, je ne sais pas quels sont les standards en termes de développement, mais là il est très proche de la version que j’ai signée.

L’équilibrage du jeu entre la Bête et les Chasseurs a-t-il nécessité de longues phases de test et d’ajustement ? Y-a-t-il selon toi un rôle plus difficile à endosser qu’un autre ?
Clairement, équilibrer les deux camps ça été le plus gros du boulot. La Bête en première partie est peut-être plus dure à jouer, elle requiert du bluff et de la prise de risques. On peut perdre la partie très rapidement avec elle sur une erreur de jeu. Les enquêteurs sont plus rationnels à jouer et partagés entre les joueurs, la défaite est moins douloureuse quand elle est partagée.
Pour avoir joué au jeu avec des publics divers et variés, du joueurs occasionnels aux joueurs réguliers en passant par les joueurs compulsifs, c’est avec des vétérans rôlistes que l’ambiance fut la plus fascinante et immersive… La dimension « rôle » était-elle dans un coin de ta tête lorsque tu as créé le jeu ?
Je voudrais te dire que oui, parce que ça a l’air d’être ce qui te tient à cœur, mais non je voulais juste faire un jeu sur le sujet qui tourne bien. Maintenant, je pars toujours du thème pour créer un jeu, donc de l’histoire. J’imagine que mettre toujours le sujet au centre du jeu et la mécanique de jeu au service de l’histoire me vient du JdR.
Côté matériel, difficile de ne pas être impressionné par la formidable travail éditorial réalisé sur le jeu (je suis pour ma part tombé raide dingue du plateau)… Comment le choix s’est-il porté sur Ann&Seb, talentueux dessinateur bicéphale à qui ont doit les somptueuses illustrations qui posent avec art l’atmosphère oppressante du jeu ?
Là c’est l’éditeur que tu devrais interviewer.

Serait-il possible de voir des photos du proto pour visualiser la « matière » de départ ?
Voici la map qu’un pote (l’excellent Christian Rubiella) avait fait pour mon proto. Elle est assez proche du rendu final je trouve.
Les cartes Enquêteurs que j’utilisais, il y avait 3 envoyés du Roy. On en changeait chaque année, comme dans la vraie histoire. Le capitaine de dragons, puis le louvetier et enfin le porte-arquebuse.
Peux-tu nous parler de tes projets présents et à venir et plus particulièrement de ton prochain jeu ou est-ce encore classé secret-défense ?
Oui tout à fait!
Je serai à Cannes avec plusieurs de mes prochains projets.
Il faut savoir que j’ai une double casquette, auteur et éditeur.
Je présenterai le
Grand Voyage, un jeu familial sur le thème de la migration des oiseaux. Chaque joueur incarne une espèce migratrice, guêpier, huppe, cigogne etc. et doit réussir sa migration en affrontant tout un tas de périls différents. Celui-ci est déjà édité et sera visible à l’espace pro.
Pour cette même boîte je présenterai
le Renard Roux, un jeu pour enfants où les joueurs incarnent de jeunes renards qui quittent le terrier familial en quête d’un territoire où s’installer.
Ces deux projets se font dans le cadre de mon boulot, responsable édition jeu dans une maison d’édition de livres naturalistes. Donc toujours un thème sur la biodiversité.
En tant qu’auteur, je présenterai deux autres projets:
Kauri, il s’agit d’un jeu sur l’invasion récente (quelques siècles) de la Nouvelle Zélande par les mammifères. Chaque joueur incarne une faction différente avec des objectifs distincts, Kiwi, Possum, Anglais, Maori.
Krach29: un jeu d’ambiance sur l’effondrement boursier où les joueurs incarnent des traders en 1929, il s’agit d’un jeu d’échange frénétique en temps réel, le but étant de ne pas se défenestrer, seul celui qui a le moins perdu au terme des 4 manches que compte le jeu (4 jours qu’à duré le krach) y parvient.
Y-a-t-il un auteur avec le qui tu rêverais de travailler ?
Franchement, aucune idée, c’est affaire de rencontres je crois. Quelqu’un de purement mécanicien peut-être. J’arrive avec mon thème et lui voit rapidement le moteur à mettre sous la carrosserie.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Arf, je vis dans une grotte.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Là ca me vient pas.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…

un personnage de BD : Arianne de Troil (7 vies de l’épervier)
un personnage de roman : Frédéric Moreau (l’éducation sentimentale)
une chanson : Mr Bojangles (Nina Simone)
un instrument de musique : piano bien sûr
un jeu de société : Trône de fer jeu de plateau (meilleur asymétrique de tous les temps)
une découverte scientifique : l’eau chaude
une recette culinaire : lasagnes
une pâtisserie : charlotte aux fraises
une ville : Toulouse
un monument : la forêt primaire
une boisson : le vin
un proverbe : « Tout passe, tout lasse sauf la trifougnasse »
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !