Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Je suis pour le tutoiement !
Merci à toi …
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Né en 1973, j’ai publié mon premier livre, un roman, en 1999, après des études de lettres.
Depuis, j’ai écrit et publié près de 80 livres dans des domaines variés, dont un grand nombre pour la jeunesse : albums, scénarios de bande dessinée, documentaires, romans.
Je suis passionné par la littérature et la musique. Je m’intéresse aussi à l’enfance et au lien qu’on garde avec elle une fois adulte, à la différence, à la folie et à l’écologie.
Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Enfant, j’ai lu avec beaucoup de plaisir Sans famille de Hector Malot et Vipère au poing de Hervé Bazin. La bande dessinée n’occupait pas une place centrale dans mes lectures même si j’ai aimé des héros comme Gaston Lagaffe et Benoît Brisefer, par exemple. Un peu plus tard, j’ai découvert Fluide Glacial : Binet, Edika, Foerster, Gossens, etc.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Un auteur en particulier t’a-t-il donné envie de devenir scénariste ?
Ce n’était pas un rêve d’enfant. C’est la proximité avec le cinéma qui m’a donné envie de devenir scénariste, et mon incapacité à dessiner. Raconter une histoire avec des images, je trouve ça très puissant. J’ai failli développer un projet avec Édith, une dessinatrice que j’admire, notamment pour l’intensité avec laquelle son dessin restitue l’enfance. Je lui ai demandé de m’envoyer quelques exemples de scénarios sur lesquels elle avait travaillé, pour voir comment ils étaient construits. J’ai acquis ensuite un peu de vocabulaire technique et hop, je me suis lancé.
Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
J’aime l’idée d’imaginer une histoire dans ces grandes lignes puis de la découper. Je trouve ça intéressant de m’interroger pour savoir quels seraient les plans les plus adaptés quand je veux faire passer telle ou telle idée. Les difficultés sont rarement d’ordre technique, c’est presque toujours un plaisir d’élaborer un scénario. Elles sont bien d’ordre matériel. En faire un métier et pouvoir en vivre, quand on n’a pas sorti de best-sellers, ça reste périlleux. Mais on y parvient.
Comment a germé l’idée de base des Ambassadeurs ?
L’écologie est un de mes sujets de prédilection parce que je suis très engagé dans ce combat. Depuis quelques années, j’ai beaucoup réfléchi à la place que devrait occuper l’humain dans son environnement pour ne pas que la planète devienne rapidement invivable. Comment faire pour mieux cohabiter ? J’ai écrit de nombreuses histoires pour la jeunesse. Logiquement, j’ai eu envie d’imaginer une histoire pour les adolescents qui leur parlerait de ce sujet. On a beaucoup discuté avec Laurent à propos de l’histoire. Trouver un mode narratif haletant, mettre en scène des adolescents acteurs pour le futur, des activistes fermement décidés à agir, sans que cela sombre dans quelque chose de violent, de destructeur. Voilà comment a germé l’idée de ces ados mutants, de leurs super-pouvoirs.
Comment vois-tu la lutte actuelle que mène la jeunesse pour défendre notre planète ? Selon toi, Pourquoi les gouvernements successifs semblent faire si peu cas de la sauvegarde de la nature ?
La jeunesse actuelle est pour partie engagée dans les luttes liées à l’écologie parce qu’on ne lui laisse pas le choix. Il y a une urgence absolue à réagir. Les gouvernements successifs n’entreprennent aucune action significative parce qu’ils placent toujours les intérêts économiques à court terme et la logique libérale en avant. Savoir si la Terre sera vivable dans 30 ou 40 ans, ce n’est pas une de leurs préoccupations.
Prenons un seul exemple pour mesurer l’urgence… Il en existe des dizaines.
On a perdu en France une moyenne de 70 à 80 % des insectes en moins de 40 ans. Leur disparition est liée à l’activité humaine, notamment à l’utilisation des produits chimiques dans l’agriculture conventionnelle. Si les insectes disparaissent, nous disparaissons. Voilà.
Un autre ?
C’est déjà très éloquent… hélas…
Comment as-tu rencontré Laurent Richard qui en signe les dessins ?
En 2008, les éditions Milan ont proposé à Laurent d’illustrer une histoire pour la jeunesse que j’avais écrite pour un roman première lecture, Le pirate tête-à-claques. Nous nous sommes rencontrés peu après sur un salon. Le courant est bien passé et nous avons eu envie de poursuivre. Albums jeunesse et bandes dessinées jeunesse mais aussi adulte, nous avons aujourd’hui mené plus de dix projets de livres ensemble.
Comment s’est organisé le travail à quatre mains sur cet album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de ton travail avec Laurent Richard ?
Nous sommes habitués à travailler ensemble. Je tente de trouver un équilibre pour fournir à Laurent une matière première détaillée, un cheminement narratif clair, et en même temps, je veille à conserver de beaux espaces de liberté, afin qu’il prenne, trouve sa place dans le déroulement du récit. Nous sommes dans un dialogue permanent. Je ne sais pas dessiner. Il m’arrive de demander des choses impossibles. Laurent recadre tout cela, retraduit au besoin, adapte.
Quel effet cela fait-il de voir ton histoire prendre forme sous ses crayons ?
Grâce au dessin, l’histoire prend tout son sens. Il y a toujours un côté magique à voir surgir les personnages, les scènes, à considérer aussi les adaptations que propose Laurent par rapport au scénario, les idées qu’il apporte. Après l’arrivée des premières images, je réécris en partie ce qui va venir. Un véritable dialogue s’instaure entre Laurent et moi même si le scénario préexiste, dans ses grandes lignes.
A partir de quelle « matière » a-t-il créé l’apparence des différents personnages ?
L’apparence des personnages a été définie par l’animal qu’ils allaient en partie devenir.
Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Aucun personnage n’a ma préférence. On a tenté de mettre en place une équipe composée d’éléments représentatifs de la jeunesse contemporaine.
Comment la couverture a-t-elle été abordée ? D’autres versions étaient-elles envisagées avant que le choix ne s’arrête sur celle-ci ?
Laurent a fait plusieurs propositions et nous avons décidé ensuite avec l’éditrice. La difficulté était de ne pas tout dévoiler dans la couverture mais de donner envie. C’est le propre de toutes les couvertures mais le défi était compliqué à relever pour Les Ambassadeurs.
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Je viens de terminer le texte d’un album sur le thème du pouvoir des enfants à s’échapper du quotidien morne que les adultes leur proposent parfois. Je finis en même temps ma première année de Master Lettres et humanités à Rennes 2. J’ai repris mes études, après une petite interruption de pas loin de 30 ans. L’été approche et c’est le moment où je vais me poser pour déterminer mes prochains projets, en fonction des envies, des réponses des éditeurs, etc. Je m’aperçois que mes deux « possibles » seraient à développer avec Laurent Richard, comme par hasard. Un roman graphique sur une figure fabuleuse et tombée dans l’oubli de la chanson des années 30… et pourquoi pas une suite à tenter du côté des Ambassadeurs. Mais concernant ces derniers, nous sommes tributaires de l’engagement de notre éditeur et donc des chiffres de ventes...
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
David, le premier roman du merveilleux André Dhôtel, paru dans les années 50 et réédité cette année par L’Arbre Vengeur. Et du côté des mangas Solanin de Inio Asano.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Je ne vois pas...
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Benoît Brisefer
un personnage mythologique : Perséphone
un personnage de roman : Jean Rezeau
une chanson : Dreams never end de New Order
un instrument de musique : La voix
un jeu de société : Le Uno
une découverte scientifique : ?
une recette culinaire : Il en existe trop de succulentes
une pâtisserie : Le Paris-Brest et la Tropézienne
une ville : Rennes
une qualité : La générosité
un défaut : L’impatience
un monument : La Tour de Pise
une boisson : La bière
un proverbe : « Qui trop embrasse mal étreint »
Un dernier mot pour la postérité ?
Ni Dieu ni maître !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !