Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferai violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Bien sûr, aucun problème !
Merci à toi !
Pouvez-vous nous parler de vous en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Pour faire court : J’ai passé trente ans à travailler dans la BD et c’est ce que j’aime faire par-dessus tout. Depuis que je suis gamin, j’ai toujours rêvé de devenir dessinateur de BD mais je n’ai jamais fait aucune école d’art car j’ai toujours pensé que ce n’était qu’un rêve. Alors j’ai fait des études d’économie.
Puis j’ai vu
Le Château dans le ciel de Hayao Miyazaki et ça a été le déclic : raconter des histoires et les dessiner était la seule chose que j’avais réellement envie de faire.
Sinon, j’aime aussi la musique : je joue de la guitare et m’essaye au saxophone.
Enfant, quel lecteur étiez-vous et quels étaient vos livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
J’ai appris à lire avec les comics strip de Mickey Mouse que me lisait ma maman.
Bien sûr, la BD a toujours occupé une place à part : ma grand-mère m’offrait un Astérix à chaque Noël ! Et puis vinrent Spiderman, L’Incal, Valérian… Trop de séries pour toute les citer… je me rappelle qu’à chaque fois qu’on partait pour un long voyage, je préparai une pile de bouquins à lire pour que j’en ai assez durant tout le périple.
J’ai toujours beaucoup lu et pas seulement des BD ! Enfant, les Trois Mousquetaires était mon roman favori… Plus tard, je me suis pris d’une passion pour les romans de science-fiction de P.K. Dick qui restent sans doute aujourd’hui mon auteur préféré.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Un auteur en particulier vous a-t-il donné envie de faire ce métier ?
Comme je l’ai déjà dit j'ai une grande dette envers Miyazaki… Mais j'ai eu de nombreux béguins : Barks, Gottfredson, Cavazzano, Ditko, Romita, Pazienza, Moebius, Toppi, Tardi, Mezieres, Mignola… Beaucoup trop pour nommez-les tous. Comme je n'ai jamais vraiment eu de professeur, c’est d’eux que j’ai appris. Je leur ai en quelque sorte volé les briques « lego » du dessin.
Quelles sont selon vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier de dessinateur ?
Le plus grand cadeau que le dessin m'ait donné est la compréhension du monde. C’est la clé qui me permet de le comprendre et parfois j'ai l'impression que cela peut me donne une relation plus profonde et plus vraie avec lui. C'est comme une petite révélation, parfois, quand je vois que j'ai fait quelque chose de bien… Et après que tu aies eu cette première révélation, tu es totalement accro !
La plus grande difficulté pour moi a été de m’être cru capable de faire ce métier. De nos jours, ce qui est le plus compliqué à gérer, c’est que c’est un métier de solitaire. L'art est une maîtresse assez dure avec une laisse courte.
Comment avez-vous rencontré Jordan Mechner qui signe le scénario de Monte-Cristo ?
C’est Olivier Vatine qui m’a contacté pour me demander si j’étais intéressé pour participer à ce projet chez ComixBuro. Ensuite, j’ai rencontré Jordan et nous avons tous deux pensé que ça pouvait fonctionner. Et c’est le cas, presque trois albums après !
Ça a été génial ! Je dois aussi avouer que j’avais passé des heures à jouer à Prince of Persia et que j’avais hâte de rencontrer l’homme qui se cachait derrière le jeu. Ça a sans doute joué dans ma décision de travailler avec lui
…
Connaissiez-vous le personnage avant de vous lancer dans l’adaptation d’un des chefs d’œuvre d’Alexandre Dumas ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans la transposition scénaristique qu’à fait Jordan Mechner du roman de Dumas ?
Bien sûr ! J’avais adoré le livre quand je l’avais lu il y a de nombreuses années…
Je pense que Jordan a fait un travail brillant en adaptant le comte et en restant fidèle à l’original. Bien sûr, c’est une histoire de vengeance et d’amour, mais il y a aussi en filigrane une critique de la société et du monde contemporain que Jordan a comprise et brillamment adaptée… Mais je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler le lecteur ! Allez acheter les livres
As-tu facilement trouvé « ton » Comte de Monte Cristo ou est-il passé par différentes étapes avant de revêtir l’apparence que l’on connaît ?
Trouver l’apparence d’un personnage pour une histoire est toujours un moment délicat. Je peux avoir une idée qui me vient mais en général je dessine de nombreux visages jusqu’à ce que je le « reconnaisse ». Il m’arrive parfois de changer d’avis alors que j’ai déjà dessiné plusieurs planches et je dois revenir en arrière pour modifier son apparence.
Sam / Victor proposait un défi supplémentaire : il s’agissait de faire deux versions de lui et pas seulement de le faire plus vieux mais non immédiatement reconnaissable par ceux qui l’ont connu lorsqu’il revient.
Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Danica je pense. J’adore les héroïnes.
Comment s’est organisé votre travail à quatre mains sur l’album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles sont les différentes étapes de l’élaboration d‘une planche ?
Je travaille tout d’abord en lisant le script de Jordan. Je planifie le découpage de chaque planche, le placement des bulles et le rythme du récit. Travaillant entièrement en numérique, je dessine directement sur le storyboard.
C’est la règle, plus ou moins. Mais je n’arrête pas de changer d’avis et de réajuster certaines choses jusqu’à ce qu’arrive la deadline et qu’on me retire les pages…
Pour moi, une planche n’est jamais terminée et je la reprends sans cesse. Vous pouvez demander à Claudia Palescandolo qui a fait les couleurs sur Monte Cristo à quel point je peux être pénible !
Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Le storyboard…. Ce moment où vous imaginez la façon dont vous allez raconter l’histoire est vraiment le plus intéressant. J’apprécie aussi beaucoup le crayonné et l’encrage mais c’est plus de la technique, ça ne procure pas autant de plaisir que le storyboard.
Dans quelle ambiance sonore travailles-tu généralement ? Silence monacal ? Musique de circonstance ? Podcast ? Radio ?
Dans mon atelier, je travaille toujours avec de la musique. J’écoute surtout du jazz mais je suis un omnivore musical. J’écoute rarement des chansons et jamais en italien, ça risquerait de me distraire…
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Je travaille actuellement sur le troisième tome de Monte Cristo qui conclura la série. Je n’ai pas encore de projet clairement arrêté mais ça pourrait bien être de la science-fiction, ça me manque énormément.
Au cours d ces deux dernières années, j’ai commencé à travailler sur des films et des jeux, en travaillant surtout sur des storyboards. Mais je ne peux rien dire, car aucun des projets n’a encore été publié ou annoncé…
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
La guitare jazzy de Jonathan Kreisberg. Je l’ai découvert récemment alors que j’écoutais du Dr Lonnie Smith… Et je ne peux depuis plus m’empêcher d’écouter ce qu’il fait… ça m’a donné envie de recommencer à travailler la guitare !
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Rien qui ne me vienne de suite…
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
C’est tellement difficile… Je ne me construis pas par rapport à des person-nages ou des héros. Ça sera plus ce que j’aimerai être… Essayons…
Si tu étais…
un personnage de BD : Valerian
un personnage mythologique : Ulysse
un personnage de roman : bien évidemment Gandalf !
une chanson : Firth of Fifth (Genesis)
un instrument de musique : la guitare
un jeu de société : le Risk
une découverte scientifique : les rayons X
une recette culinaire : la moussaka
une pâtisserie : le Sacher Torte
une ville : Londres
une qualité : la patience
un défaut : trop direct parfois
un monument : le robot du Château des Etoiles qui se trouve au sommet du Musée Ghibli
une boisson : une Ichnusa (bière) non filtrée
un proverbe : rien ne me vient, désolé
Un dernier mot pour la postérité ?
Soiyez gentil !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Merci à toi !