Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Pouvez-vous nous parler de vous en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Depuis mon enfance aucune pièce de papier ne restait blanche. A l’école, quand j’avais 9 ans, j’avais un enseignant révolutionnaire pour l’époque… Disons un peu hippie… Il m’a beaucoup motivé à développer mon talent pour le dessin. Chaque vendredi avant la fin de l’école il improvisait une histoire à suivre et moi j’étais toujours en train de dessiner. Nous en avons fait une première BD… Lui (Marc de Bel) est devenu un écrivain de livres pour enfants très connu en Flandre et moi j’ai eu la chance d’illustrer ses premiers livres.
Après j’ai fait et fini des études d’ingénieure-architecte… Mais la profession d’architecte n’était pas mon truc… Trop de paperasse administrative, trop calculatoire et tout ça... Donc je me suis relancé dans ma vraie passion.
Depuis 2000, je suis donc je suis illustrateur (de livres et BD) en Flandre et depuis 2019 aussi et surtout en France !
Enfant, quel lecteur étiez-vous et quels étaient vos livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Ce n’est que depuis mon adolescence que j’ai découvert des livres classiques (
1984,
brave new world, ... et les livres de Michel Tournier et tout ça)… avant c’était juste des BD de familles populaires en Flandre à ce temps (
Bob et Bobette,
Chevalier Rouge,
les Stroumph,
Gaston,
Lucky Luke…). À 10 ans déjà mon enseignant m’a déjà fait découvrir les BD de Moebius et Francois Boucq, Loisel … Ce sont toujours mes auteurs préférés… mais aujourd’hui j’ai aussi un faible pour Blain et Sfarr, … Disons, la nouvelle vague.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Oui… Ma famille, mes amis et mêmes mes enseignants m’ont toujours complimenté pour mes dessins et j’étais donc toujours très motivé. J’avais confiance en moi. Pourtant mes parents m’avaient aussi demandé de bien réfléchir sur un choix d’études avec une certitude de travail, de rémunération… D’où mes études d’architecte. Je ne les regrette pas… Les études étaient assez intéressantes et m’ont ouvert d’autres horizons… Mais comme j’ai dit, le métier, c’était autre chose… Donc j’ai poursuivi mon vrai rêve… bien que mes parents aient eut raison concernant l’aspect de rémunération : être auteur de BD, c’est plutôt survivre que vivre.
Quelles sont selon vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
J’adore élaborer, créer et co-créer des univers fictifs… ça ne me semble jamais être un “boulot” en fait. Je n’ai pas de problème pour travailler les soirs, les nuits, les weekends. Et je pourrais faire ça toute ma vie. J’aime qu’on me laisse tranquille, j’aime cette liberté...
Mais l’inconvénient c’est de ne pas être suffisamment rémunéré pour mon travail, ce qui entrave cette liberté que je recherche. Si on calculait “le tarif à l’heure”, ce serait vraiment ridicule… Et c’est toujours assez stressant d’être toujours dans l’incertitude pour le projet (payé) suivant.
Comment votre route a-t-elle croisée celle de David Boriau, scénariste du fascinant Obscurcia ?
Il y a longtemps, quand il avait découvert mon travail (via internet je pense… faut lui demander), il m’avait contacté pour me demander si je voulais dessiner une histoire courte pour le magazine Lanfeust Mag. Ce fut notre première collaboration. Après il m’a recontacté avec son idée d’. À ce point il en avait déjà une sorte d’accord avec Casterman (pour une série de Manga, comme Lastman de Vivès). C’était très un projet ambitieux avec même une série anime et un jeu animé. Mais le projet, trop cher, n’a pas vu le jour. Heureusement on a trouvé une autre maison d’édition (Delcourt) qui a publié la trilogie
Obscurcia en couleurs.
Après ça j’ai publié quelques BD chez Jungle pépites… Très bien reçues en France.
Adam Quichotte, une BD sans paroles (dont j’avais fait le scénario moi-même) et quelques adaptations de livres d’enfant (
Fils de Sorcières,
l’Enfant Océan). Mais je n’avais pas de déclics avec des nouvelles propositions d’adaptations et mes propres projets restaient sans réponse ou feedback... J’étais donc un peu déçu et à court d’argent. J’avais l’intention d’arrêter le dessin et faire autre chose... Mais dans le même temps j’ai demandé à David Boriau si, par hasard, il n’avait pas une bonne idée Manga ou de Western… Et, peu après, on a présenté
Wanted avec le synopsis et quelques planches test à plusieurs éditeurs. Ils étaient tous intéressés mais le plus enthousiaste et le plus communicatif fut Drakoo. Et voilà…
Quelles étaient vos références en matière de western avant de vous lancer dans le dessin de Wanted, Portrait de Sang ?
J’ai toujours été un très gros admirateur de l’œuvre de Boucq et de Moebius (avec Jodorowsky). Donc j’étais très familié avec
Blueberry et
Bouncer, et j’avais un regain d’intérêt dans le genre Western grâce à
Gus de Blain et
Undertaker de Xavier Dorison et Ralph Meyer…
Aussi il y a quelques années, un éditeur flamand m’avait demandé de faire un
Lucky Luke hors-série (comme l’a fait Matthieu Bonhomme). J’ai fait une planche, et quelques croquis de test que j’ai fait lire à un ami à moi avec qui j’avais déjà collaboré en Flandre pour une série BD
Red Rider. Le scénario était bon… Mais le projet n’a jamais vu le jour. Dommage… Mais mon intérêt pour le Western était ravivé !
Avant de me lancer sur
Wanted j’ai revu quelques Western de Sergio Leone et j’avoue être un gros fan de Quentin Tarantino, aussi
Jango unchainedet
the hateful eight étaient toujours bien frais dans ma mémoire).
Qu’est e qui vous a séduit dans ce scénario qui nous entraîne dans un Ouest sauvage teinté de fantastique ?
Les personnages toujours un peu bizarres créés par David et l’aspect fantastique subtil et très atypique dans le genre Western… Un trio héros très surprenant… et des vilains trop fascinants…
Comment s’est organisé votre travail avec David Boriau sur Wanted, Portrait de Sang ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail ?
David m’a envoyé un synopsis (A4) et après un résumé, un peu plus élaboré… David ne fait pas un scénario classique. Tout écrit avec des descriptions de chaque case mais il fait de simples storyboards provisoires que j’ai la liberté de les changer selon ma vision et mon expérience de dessinateur. J’ai fait un test de 6 planches et on en a fait un dossier pour les éditeurs. Une fois on avait un accord… Je me suis lancé sur le développement des personnages et sur le premier chapitre de 20 planches.
Entretemps David bossait sur les chapitres suivants sur lesquels je donnais mes commentaires et suggestions … aussi la superbe équipe de Drakoo était vraiment dedans et pensait avec nous. Moi je travaille sur un Cintiq (tablet-écran). Je fais mes croquis/storyboards sauvages avec les bulles et textes et quand une dizaine de planches storyboard sont approuvées par Arleston, j’encore et je colorise chacune de ces pages… Un processus qui se déroule de façon plutôt chaotique pour moi. Avec l’encre et les couleurs, je saute entre les différentes cases.
Et finalement je mets planche finie, sur le drive de l’éditeur, en calques séparées textes-bulles-encre-couleurs…
Planche 43, Work in Progress
Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Chaque étape me donne son propre plaisir. Mais c’est probablement la mise en scène, la composition des cases, le développement des scènes qui me procure le plus de plaisir… L’encrage est souvent un peu ennuyeux. Je dois lutter un peu contre la perte de la spontanéité du premier croquis… Et les couleurs me donnent la satisfaction d’aller vers un dessin fini…
Dull, Osacar Carjat et Silent Rose ont-ils rapidement trouvé leur apparence où sont-ils chacun passé par différents stades avant de revêtir celle que l’on sait ?
Dull, Oscar et Rose étaient “parfaits” dès les premiers traits… Aussi les autres caractères, je crois avoir trouvé leur apparence “on spot”… c’est à dire tel que se les imaginait David. L’apparence satisfaisante de “Seth” a pris un peu plus de temps pour moi personnellement.
Quel personnage avez-vous pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Ça doit être Oscar qui avait un éventail d’émotions plus variées que les autres personnages… Et je constate qu’il est très populaire lors des séances de dédicace.
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Pour le moment je suis en train de dessiner un deuxième Western avec du fantastique chez Drakoo. avec un autre scénariste et une histoire elle aussi très bien écrite.
Pas (encore) une suite de
Wanted… Mais on y pense parce que celui a été très bien reçu par les critiques et le public.
L’année passée, j’ai travaillé sur quelques « vieilles » idées à moi pour écrire un scénario Western-fantastique… J’attends une décision de l’éditeur.
Et j’ai deux autres projets dont je signe le scénario et pour lesquels j’ai reçu une subvention du gouvernement culturel belge qui attendent d’être réalisés… mais il faut d’abord trouver le temps de dessiner et un éditeur qui convient pour ce genre.
Au-delà du rideau (#surréalisme, RenéMagritte, #Bruxelles #fugitives #attentatterroriste #questionsdegenre) et
Opération fausse poix (#Japon #bombeatomique #fantastique #PaulTibbets)
Tous médias confondus, quels sont vos derniers coups de cœur ?
Pour me baigner dans l’atmosphère “Far West”, les mois passées je me suis plongé surtout dans le Western.
Pas vraiment de nouveautés… Mais des (re)découvertes.
Donc… en me composant un playlist inspirante d’atmosphère un peu Western, j’ai redécouvert C.W. Stoneking.
J’ai découvert
La fille de Christophe Blain…
Et je viens de découvrir et d’adorer le film
the sister brothers.
Pour finir et afin de mieux vous connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Blueberry
un personnage mythologique : Phénix
un personnage de roman : Le Petit Prince
une chanson : Ford Mustang (Gainsbourg)
un instrument de musique : la guitare
un jeu de société : story cubes
une découverte scientifique : l’origine du temps (Hertogs)
une recette culinaire : les scampi diabolique
une pâtisserie : le croissant
une ville : Tokyo
une qualité : reporter le jugement
un défaut : procrastiner
un monument : le monolithe de Kubrick (2001)
une boisson : le Ricard
un proverbe : la nature fait bien les choses
Un dernier mot pour la postérité ?
Ne faites jamais confiance à l’IA
Un grand merci pour le temps que vous nous avez accordé !
dans l’atelier de l’artiste