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Entretien avec Didier Alcante
Interview accordée aux SdI en octobre 2023


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

Aucun souci avec le tutoiement, allons-y gaiement !

Merci, voilà qui va me faciliter la tâche smiley

Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)

Alors je suis économiste de formation, mais scénariste par passion. Mes premières publications BD datent de 2002 avec des histoires courtes dans le magazine Spirou, et de 2005 en ce qui concerne mes premiers albums (la série « Pandora Box »). Depuis lors j’ai publié une soixantaine d’albums. J’ai 53 ans, je suis belge et j’habite à Bruxelles. Parmi mes passions, je citerais les bonnes histoires bien évidemment (en BD, films, série TV, livres,…), l’Histoire avec un grand H, les voyages et le sport (je joue beaucoup au Padel pour l’instant et j’adore ça). Je préfère ne pas vous donner mes numéros de comptes aux îles Caïman car tous ceux qui l’apprennent finissent bizarrement par 10 mètres de profondeur les pieds dans un bloc de béton (coïncidence bizarre).

Oui, alors… euh… on va éviter alors, mon médecin m’a déconseillé l’apnée trop prolongée…

Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?

Avant d’être un lecteur, j’ai d’abord écouté les histoires que me racontait mon papa avant de m’endormir, qu’il les lise ou les invente. Ensuite comme mes parents étaient abonnés à Spirou et Tintin j’ai grandi avec le franco-belge que j’ai dévoré même avant de savoir lire. Je regardais juste les images et j’ai l’impression que rien que comme ça je comprenais l’histoire. Mes premiers souvenirs de BD remontent à l’âge de 3 ou 4 ans, c’est vous dire ! Les histoires d’Isabelle, du Scrameustache, de Papyrus, de Johan et Pirlouit ont baigné ma jeunesse. Il y avait Petzi aussi, que j’adorais quand j’étais bambin. Adolescent j’ai dévoré les albums de Greg (Bernard Prince, Comanche) et de Van Hamme (Thorgal surtout, XIII, Largo Winch,…) puis des albums plus adultes comme ceux de Comès ou de Cosey par exemple.

Bref, en résumé, oui la BD a toujours été très présente dans ma vie, depuis que je suis tout petit jusqu’à aujourd’hui. C’est un mode d’expression que j’adore, comme lecteur et comme auteur.
Les Piliers de la Terre, recherche de persnnages © Glénat / Dupré / Alcante / Follet
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Quand j’étais vraiment gosse, mon rêve était plutôt de devenir vétérinaire car j’adorais les animaux smiley Je ne pensais pas vraiment à devenir auteur car je pense que quand on est enfant on ne réalise pas vraiment qu’il y a un vrai « travail » derrière ça, c’est un peu comme si les albums se créaient par magie. J’adorais ça, mais je ne me suis jamais dit, enfant, que ce serait mon métier, simplement parce que je ne réalisais pas qu’on pouvait en faire son métier.

Par contre, quand je suis arrivé à l’adolescence et que j’ai compris le concept, oui, ça m’a attiré énormément. Mais à ce moment-là, j’étais plus branché sur les films, j’avais un peu délaissé la BD, et j’ai voulu devenir réalisateur. Je me suis inscrit d’ailleurs à l’examen d’entrée de l’IAD, l’institut des arts de diffusion, une grande école de cinéma. Malheureusement j’ai échoué. Je me suis alors tourné, un peu par hasard il faut bien l’admettre, vers des études d’économie. Celles-ci m’ont bien plu et j’ai donc continué, d’autant que j’y ai été encouragé par l’animateur d’un stage de vidéo que j’ai fait durant ma première année d’économie et qui, après avoir longuement discuté avec moi, m’avait dit que ce qui m’intéressait en fait c’était l’écriture de scénario et pas la réalisation proprement dite. Il me conseillait donc de me lancer dans des études plus « classiques » et d’écrire en parallèle en me formant en auto-didacte car il n’y avait pas vraiment d’école de scénario à l’époque. Finalement j’ai donc suivi ses conseils.

L’ironie fait que je vais bientôt aller donner une master class à l’IAD, l’école où j’avais échoué à l’examen d’entrée, c’est une petite revanche personnelle smiley

Les Piliers de la Terre, storyboard © Glénat / Dupré / Alcante / FolletQuelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier de scénariste ?
Les grandes joies, c’est surtout le fait de pouvoir travailler dans un milieu qui m’a fait rêver, cela m’a permis de côtoyer des auteurs que j’admire, voire même de collaborer avec eux dans un certain cas. C’est un métier où tout est possible, un métier de passion. Je travaille sur des sujets qui me passionnent puisque c’est moi qui les choisis en général, c’est une grande chance.
Comme tous les métiers indépendants, j’ai aussi énormément de liberté puisque je choisis mes horaires de travail et l’endroit où je travaille (en général chez moi, avec mon chat qui s’amuse à se promener sur mon clavier). Cette liberté est quelque chose de très agréable.

Parmi les grandes difficultés, il y a surtout le fait qu’on doit toujours recommencer à zéro, album après album, histoire après histoire. Et c’est un métier qui s’est énormément paupérisé, les conditions des auteurs se sont énormément dégradées pour de nombreuses raisons. Donc ce n’est pas le métier qui offre le plus de garanties financières, ça c’est une certitude.

Quand as-tu découvert les Piliers de la Terre de Ken Follet ? Etais-ce dû au hasard ou quelqu’un t’en a-t-il conseillé la lecture ?
Je me souviens parfaitement de la période à laquelle j’ai lu « Les Piliers de la Terre », et pourtant c’était il y a déjà presqu’un quart de siècle : durant l’hiver 1998-99, juste après la naissance de mon premier enfant. J’avais reçu ce livre en cadeau d’un de mes meilleurs amis qui m’en avait dit le plus grand bien. A l’époque, je n’avais lu aucun livre de Ken Follett.

Mon épouse et moi avions pris l’habitude de lire un livre ensemble, chacun lisant à tour de rôle un chapitre à voix haute pour l’autre. Ce roman a toutefois été une exception car, mon épouse étant fort fatiguée suite à l’accouchement, c’est moi qui le lui ai lu entièrement ! Plus de mille pages à voix haute, ce n’est pas banal. C’est surtout dire à quel point ce roman m’a passionné.

Pour la petite histoire, quand j’ai lu la scène au début du roman où Tom le bâtisseur est contraint d’abandonner son nouveau-né la nuit dans une forêt par un froid glacial, je me suis arrêté, la gorge nouée, j’ai regardé mon épouse… et nous avons tous les deux éclaté en sanglots !

J’ai adoré ce roman, qui est d’ailleurs devenu mon roman préféré !
Les Piliers de la Terre, recherche de persnnages © Glénat / Dupré / Alcante / Follet
As-tu visionné la série germano-canadienne de Sergio Mimica-Gezzan ? Qu’en avez-vous pensé ?
Oui je l’ai vue à sa sortie en DVD. En tant que fan du roman, je ne pouvais pas rater ça ! Je l’ai trouvée bien faite même si elle prend quelques libertés avec le roman et que Tom le bâtisseur y est un peu trop glamour.

A quel moment est née l’idée de l’adapter en bande-dessinée ?
Quand j’ai lu le roman, je n’étais pas encore scénariste, mais je me suis tout de suite dit que ça ferait une super BD. Quand je suis devenu scénariste, j’y ai donc pensé assez rapidement, mais au début je n’étais pas assez connu pour pouvoir réalistement avoir une chance.

Les Piliers de la Terre, storyboard © Glénat / Dupré / Alcante / FolletA-t-il été facile d’en obtenir les droits ?
Je ne vais pas vous révéler un grand secret en disant que je ne suis pas le seul auteur à avoir eu l’idée d’adapter ce roman en BD ! ça fait bien 20 ans que, dans le milieu, on entend des rumeurs à propos de ce projet réalisé par tels ou tels auteurs, chez tel ou tel éditeur. Mais force est de constater que rien ne s’est jamais fait. Il n’y a à ce jour eu strictement aucune adaptation BD d’un roman de Ken Follett. Moi-même j’en ai parlé régulièrement à des éditeurs depuis le début des années 2000, et avant de tenter le coup avec Glénat j’avais déjà convaincu un autre éditeur qui avait fait pas mal de démarches, mais était malheureusement « trop petit » (avec tout le respect que je lui dois) pour un coup pareil.

Il faut bien se rendre compte de quoi on parle : « Les piliers de la Terre », c’est tout simplement un des plus gros succès littéraires de tous les temps. Il s’est vendu à plus de 20 millions d’exemplaires, a été traduit en plus de 20 langues, et a été adapté notamment en mini-série produite par Ridley et Tony Scott (excusez du peu). Il est évident que la demande pour acquérir les droits d’adaptations est énorme, et que les prix demandés sont en conséquence. De plus, Ken Follett et son équipe ont également, pour ne pas dire surtout, le souci de la qualité et du respect de l’œuvre originale. Tout ça est bien normal, mais cela implique qu’il faut vraiment présenter un dossier « bétonné » pour ne fut-ce qu’entamer les discussions !

La première fois que j’en ai parlé avec des personnes de Glénat, c’était à la foire du livre de Bruxelles en février 2018. J’y avais discuté avec Jean Paciulli qui était à l’époque le Directeur Général de Glénat (il a pris sa retraite en 2022). J’avais une excellente relation avec lui car c’est avec lui que nous avions signé « La Bombe » et il s’était personnellement fort investi pour que Glénat obtienne ce projet qui était aussi fort convoité.

A la foire du livre, nous avons parlé de notre envie réciproque de travailler sur d’autres projets, et c’est là que je lui ai parlé de mon envie adaptation des Piliers. Jean Paciulli m’a alors « avoué » que lui-même en rêvait et que Glénat avait déjà fait une proposition à Ken Follett quelques années auparavant, mais que celle-ci n’avait pas abouti. Comme je savais que les droits étaient encore libres à ce moment-là étant donné ma récente expérience avec le « petit » éditeur, nous avons décidé de retenter ensemble notre chance. Jean m’a alors demandé de (re)prendre les premiers contacts avec l’équipe de Follett (« Follett office » emploie 25 personnes, et que c’est son épouse qui dirige tout ça).

Le 11 avril 2018, j’ai donc écrit une belle lettre (par e-mail) à celle-ci, dans laquelle je me présentais brièvement ainsi que mon travail, et où j’expliquais à quel point ce roman m’avait marqué, ce que j’y avais apprécié, pourquoi je pensais qu’il était fait pour être adapté en BD et comment je m’y prendrais. J’expliquais également que j’avais le soutien de Glénat pour cette démarche, et que cet éditeur était tout autant motivé que moi, et tout autant respectueux de l’œuvre.

J’ai alors reçu une réponse de l’épouse de Follett, le 16 avril 2018, qui marquait son intérêt et me demandait de lui parler plus en détails des éditions Glénat et de leurs publications. J’ai alors envoyé un second e-mail, le lendemain, en expliquant que Glénat était l’éditeur idéal pour Les Piliers étant donné sa grande expérience en matière de BD historique. J’ai donné quelques exemples en présentant brièvement les plus grands succès en la matière : Les maîtres de l’Orge, les sept vies de l’épervier, Le troisième testament et les Tours de Bois Maury. J’ai également mentionné que j’étais moi-même en train de travailler sur deux BD historiques avec les éditions Glénat : LaoWai et La Bombe.

L’équipe de Ken Follett a alors marqué son intérêt, et Jean Paciulli a pris le relais avec Benoît Cousin qui est l’éditeur qui suit le projet pour Glénat, et les négociations ont réellement début à ce moment-là, en y incluant les éditions Robert Laffont qui détenaient les droits sur l’édition française du roman.

Les négociations ont pris un certain temps, pour ne pas dire un temps certain, et c’est finalement le 20 décembre 2019 que l’accord a été signé, ce dont nous avons été avertis par un e-mail extrêmement enthousiaste de Jean Paciulli.

Tout devait donc débuter à ce moment-là, mais il y a d’abord eu les congés de fin d’année, suivi d’Angoulème… et patratas la crise du Covid est arrivée et a tout chamboulé ! Tout a été suspendu pendant le plus fort de la crise, ce qui fait que le véritable démarrage du projet a été retardé.
Les Piliers de la Terre, recherche de persnnages © Glénat / Dupré / Alcante / Follet
Quels furent les principaux écueils lorsque tu as commencé à travailler sur cette adaptation ?
La difficulté principale est que le roman est extrêmement bien construit et que chaque événement en amène un autre, il est donc très difficile de supprimer l’un ou l’autre passage sans entraîner des problèmes pour la suite de l’histoire. C’est d’autant plus difficile que je souhaite vraiment rester très fidèle au roman d’origine, par respect et tant celui-ci tient bien la route. Comme l’a dit tout récemment Manara à propos de son adaptation du « Nom de la Rose » : « Je me suis retrouvé face à une cathédrale. L’enjeu était d’identifier les murs porteurs et d’enlever des pierres sans la faire s’écrouler, retirer ce qui n’était pas indispensable à sa stabilité ».

Donc de temps en temps, je retire quand même une scène ou l’autre. Par exemple, au début du roman, Tom et sa famille se font voler leur cochon dans la forêt, rencontrent ensuite Ellen et Jack, puis s’en vont dans une ville où ils retrouvent le voleur. Ils comprennent que celui-ci a vendu le cochon, et espère au moins pouvoir récupérer l’argent. Ils tendent donc un piège au voleur pour le coincer, mais cela dégénère en bagarre. Le voleur y perd la vie, mais Tom ne retrouve pas l’argent pour lui. Avec sa famille ils sont contraints de retraverser la forêt, et rencontrent à nouveau Ellen et Jack. La partie où ils sont en ville, retrouvent le voleur, lui tendent un piège et le confronte est certes passionnante à lire, mais elle n’est pas indispensable à l’histoire puisqu’à l’issue de cette séquence Tom et sa famille se retrouvent exactement dans la même situation que juste après le vol du cochon.
J’ai donc supprimé ce passage, et fusionné les deux rencontres avec Ellen et Jack en une seule.
Pour gagner un peu de place et faciliter la lisibilité de l’histoire, j’ai également veillé à fusionner plusieurs personnages en un seul, principalement dans la communauté des moines de Kingsbridge.
Un autre moyen de gagner de la place consiste évidemment (et c’est bien le but dans une adaptation en BD) de remplacer les longues descriptions par un dessin. Par exemple, le prieuré de Kingsbridge est décrit très précisément dans le roman pendant plusieurs pages, lorsque Jack en fait le tour (ce qu’on verra dans le tome 2). En BD, il « suffit » d’en montrer une vue d’ensemble.
D’un autre côté, j’ai aussi rajouté une séquence dans le tome 1. Dans le roman, on mentionne juste rapidement que le Roi Henri est décédé et que le nouveau roi, Stephen, a été couronné. J’ai voulu montrer cela de manière plus explicite car cela me semblait à la fois important pour l’intrigue mais aussi visuellement intéressant.

Comment ta route a-t-elle croisée celle de Steven Dupré qui en signe les superbes dessins ? Qu’est-ce qui t’as séduit dans son travail ?
Je connais Steven depuis 20 ans, il a dessiné un de mes tout premiers albums (le tome 3 de ma première série « Pandora Box »), et nous avons eu d’autres collaborations par après. Quand nous nous sommes mis à la recherche d’un dessinateur avec l’éditeur, c’est moi qui ai suggéré le nom de Steven car je savais ce dont il était capable. C’est un grand dessinateur, un grand professionnel, il a un très bon rythme de travail et il excelle dans le mouvement. En plus il adore dessiner le Moyen âge, donc toutes les conditions étaient remplies. Nous lui avons donc demandé de faire quelques essais.
Au final, deux autres dessinateurs ont également fait des essais, mais ceux de Steven étaient vraiment ceux qui nous plaisaient le plus, donc le choix a été vite fait.

Si tu devais résumer en quelque mot une œuvre telle que les Piliers de la Terre, que dirais-tu ?
Un maître bâtisseur rêve de construire la plus belle cathédrale de son époque, mais se trouve plongé dans des luttes de pouvoir et des intrigues qui menacent tant la Royauté que l’Eglise ! Aventure, Histoire, mystère, passion, amour, destins : il y a tout ce qu’on aime dans cette histoire !

Les Piliers de la Terre, storyboard © Glénat / Dupré / Alcante / FolletTrouver la (somptueuse !) couverture de ce premier tome a-t-il été facile ou est-elle passée par différentes versions ? Qui a eu l’idée très graphique de cette forêt qui se transforme en cathédral grâce au rêve de Tom ?
Trouver la bonne couverture n’est jamais simple. Chacun a son idée : le dessinateur, le scénariste, l’éditeur, le marketing… Il y a très souvent de longues discussions. Nous n’avons pas dérogé à cette tradition. Steven a fait plusieurs essais spontanés ou d’après nos indications, mais aucune couverture ne faisait l’unanimité. Finalement ce sont les gens du marketing de chez Glénat qui ont eu cette idée de repartir de cette scène qui figure dans l’album, où Tom tente de changer les idées à sa fille en lui demandant d’imaginer sa cathédrale à partir des arbres de la forêt qu’ils traversent. Cette idée fonctionne très bien dans l’album mais j’avais personnellement un peu peur que, hors contexte, elle ne soit pas facilement compréhensible pour ceux qui découvriraient la BD en librairie ou sur Internet, sans avoir lu le roman. Personnellement je serais parti sur quelque chose d’un peu plus classique, mais finalement c’est cette idée qui l’a emportée et je ne le regrette vraiment pas car à l’arrivée c’est une splendide couverture, encore magnifiée par le très bon choix de Jean-Paul Fernandez (le coloriste) qui a eu la bonne idée d’éclairer le sommet des arbres / colonnes comme s’il y avait un coucher de soleil. C’est vraiment très beau.

Pour la petite histoire, les colonnes de la couverture sont inspirées de celles de la cathédrale, qui est à la croisée de l’architecture romane et de l’architecture gothique, ce qui convenait parfaitement pour un « rêveur de cathédrale ».

A noter qu’il y a trois couvertures en fait, car il y a trois éditions : outre l’édition courante, il y a une version FNAC (avec cahier graphique bonus) et une version grand format NB (avec un autre cahier graphique bonus).
Couverture(s) de l’album
Les Piliers de la Terre, couverture version fnac © Glénat / Dupré / Alcante / Follet Les Piliers de la Terre, couverture version noir & blanc © Glénat / Dupré / Alcante / Follet Les Piliers de la Terre, couverture version classique © Glénat / Dupré / Alcante / Follet

A quel rythme paraîtrons les six tomes de cette fascinante saga médiévale ?
En principe un album par an. Le tome 2 est déjà bien avancé et est prévu pour octobre 2024.

Steven Dupré a-t-il facilement trouvé « tes » personnages ? Tom est-il passé par différent stade avant de revêtir l’apparence que l’on connaît ?
Oui, c’est allé très rapidement. Il nous a envoyé un dessin sur lequel figuraient les principaux personnages (illustrés d’après les descriptions qui en sont faites dans le roman), et c’était déjà super.

Comment avez-vous travaillé à quatre mains sur cet album ? Du synopsis à la planche finalisée quelles furent les différentes étapes de la réalisation de l’album ?
Notre façon de procéder est tout à fait classique : j’ai d’abord fait un plan détaillé de l’album, séquence par séquence et page par page, puis j’ai attaqué le découpage, cette étape qui consiste à décrire, pour chaque planche, chacune des cases que le dessinateur va devoir illustrer, ainsi que les dialogues. Partant de là, Steven fait un storyboard très détaillé (quasiment un crayonné fini) sur lequel je peux encore faire quelques commentaires ou préciser certains points, puis Steven passe à l’encrage et enfin le coloriste met les couleurs.

Le « Follett office » a-t-il eu un droit de regard sur votre travail ?
Oui, mais dans la pratique ils ne l’ont pas vraiment exercé. Ils ont reçu l’album quasiment fini et l’ont énormément apprécié (ouf !).

Difficile de ne pas être impressionné par le travail de colorisation réalisé par Jean-Paul Fernandez sur cet album. Comment a-t-il rejoint le projet ?
J’ai repéré son travail sur la série « Héraults » qui se passe aussi au Moyen Âge et qui convenait très bien, on l’a contacté et il s’est joint à nous.
Les Piliers de la Terre, storyboard © Glénat / Dupré / Alcante / Follet
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
J’ai plusieurs projets qui vont bientôt paraître

Tout d’abord la suite des « Damnés de l’Or brun », avec Fabien Rodhain au co-scénario et Francis Vallès aux dessins, et Christian Favrelle aux couleurs. Le tome 2 paraîtra en janvier 2024, et se déroulera principalement à Sao Tomé en 1850. On continue donc cette saga familiale qui tourne autour du commerce du chocolat. Tiago, le personnage principal du T1, a dû fuir le Brésil et s’établi à Sao Tomé où il développe la toute première exploitation cacaoyère d’Afrique. Mais son passé va le rattraper et cette île paradisiaque pourrait bien devenir un enfer !

Ensuite il y aura un one shot chez Delcourt, dans la collection « coup de tête », intitulé « La diplomatie du ping pong ». Il s'agit d'un bon one shot d'environ 110 pages sur ce qu'on a appelé 'la diplomatie du ping pong', une histoire véridique mais que j'ai quand même romancée en bonne partie. L'histoire navigue entre les États-Unis et la Chine, sur fond de guerre froide et de Flower Power, dans les années 70. C'est une très simple mais formidable histoire d'amitié réelle entre un pongiste américain et un pongiste chinois, et qui, via le sport, a sans doute changé, un peu, la face du monde. Le personnage principal (qui a vraiment existé) est haut en couleurs et on navigue entre concert rock, championnats mondiaux de tennis de table au Japon, les bars interlopes de Hong-Kong by night, la Grande Muraille de Chine, le Communisme à la gloire de Mao, la maison blanche et même un zeste de Pakistan et un soupçon de catch! Alain Mounier est le dessinateur, ça paraîtra au 1er semestre 2024.

Egalement au 1er semestre 2024, il y aura un gros one-shot de 132 p chez Bamboo, intitulé « Whisky San », co-écrit à nouveau avec Fabien Rodhain, avec des illustrations d’Alicia Grande et des couleurs de Tanja Wenisch. Il s’agit de la biographie romancée de Masataka Taketsuru, un japonais qui se mit en tête en 1918 de développer du whisky au Japon. Il se rendit alors en Ecosse pour y apprendre l’art de la distillerie, avant de retourner au Japon et d’y créer la célèbre marque de whisky Nikka, qui a remporté de nombreux prix du meilleur whisky au monde depuis lors. Au menu : choc des cultures, amour (il s’est marié avec une écossaise), beaux paysages, entreprenariat etc. C’est une belle histoire, un vrai « feel good movie » mais en BD 😊

Toujours en 2024, il y aura « GI Gay » chez Dupuis dans la très belle collection « Aire Libre ». A nouveau un gros one shot de 122p, avec Bernardo Munoz au dessin et à la couleur. L’histoire est basée sur des faits réels : lorsque les USA sont rentrés en guerre suite à Pearl Harbor, des psychiatres ont été engagés par l’armée américaine afin d’empêcher que des personnes jugées indésirables ne rentrent dans l’armée. Cela concernait les cleptomanes, les mythomanes, les alcooliques etc mais également les homosexuels ! A l’époque, ceux-ci étaient en effet jugés au mieux comme des malades mentaux qu’il fallait envoyer à l’hôpital psychiatrique, et au pire comme des criminels qu’il fallait enfermer en prison ! Mon personnage principal est un jeune psychiatre engagé par l’armée dans ce but… mais il va lui-même tomber amoureux d’une jeune recrue ! C’est une belle histoire d’amour sur fond de discrimination envers les Gays, et l’on suivra nos deux personnages des USA jusque dans le Pacifique.

Enfin, à titre plus anecdotique, il y a aussi une planche hommage au personnage de XIII qui va être publiée dans le prochain XIII mystery, mon scénario est illustré par François Boucq (avec qui j’avais fait « Colonel Amos »).

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
En BD, ce n’est pas tout récent mais j’ai vraiment bien aimé « 1629 » de Dorison et Montaigne et l’adaptation de « 1984 » de Xavier Coste.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Oui, je voudrais juste préciser que mon fils Quentin, qui est ingénieur architecte, nous a donné un sacré coup de main, au dessinateur et à moi, en réalisant un modèle 3D du village de Kingsbridge et de sa cathédrale (y compris l’intérieur). Cela a été un gros boulot, et je lui en suis très reconnaissant.

De même, nous avons bénéficié de l’aide et des conseils de Nicolas Ruffini Ronzani, un médiévaliste de l’Université de Namur qui nous a servi de consultant historique. Son aide a été très précieuse pour représenter au mieux le Moyen Age !
Modélisation 3D de Kingsbridge
Les Piliers de la Terre, modélisation 3D de Kingsbridge © Quentin Swysen Les Piliers de la Terre, modélisation 3D de Kingsbridge © Quentin Swysen
Les Piliers de la Terre, modélisation 3D de Kingsbridge © Quentin Swysen Les Piliers de la Terre, modélisation 3D de Kingsbridge © Quentin Swysen

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…

un personnage de BD : Thorgal
un personnage mythologique : Persée
un personnage de roman : Nils Holgersson
une chanson : Forever young (Alphaville)
un instrument de musique : le saxophone
un jeu de société : Nuns on the run
une découverte scientifique : Internet
une recette culinaire : le sabayon
une pâtisserie : les orangettes au chocolat
une ville : Bruges
une qualité : le sens du détail
un défaut : rancunier
un monument : la Sagrada Familia
une boisson : la blanche d’Hoegaarden
un proverbe : si tu veux quelque chose que tu n’as jamais eu, tu dois faire quelque chose que tu n’as jamais fait !


Un dernier mot pour la postérité ?
Aimerais-tu que je te donne un million d’EUR ? Oui ? Et si tu devais alors mourir cette nuit pour ça ? Non ? Alors cela veut dire que te réveiller demain matin vaut plus qu’un million d’euros, profites bien de ta journée smiley

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Les Piliers de la Terre, recherche de persnnages © Glénat / Dupré / Alcante / Follet
Le Korrigan



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