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Entretien avec Anaïs Halard
Interview réalisée en août 2024


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Oui, bien sûr !

Merci… à toi smiley
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)

Je peux surtout te dire ce que je ferais avec un compte aux îles Caïmans …
J’aurais un grand jardin en mouvement à la Gilles Clément. Je lirais des BD, des livres et je prendrais des cours de clarinette en regardant mon fils grandir et mon conjoint jouer du piano sur un piano au milieu du jardin et j’inviterais des tas de copains pour faire la fête.

Enfant, quelle lectrice étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Je lisais assez peu. Dyslexique et mauvaise à l’école, je me sentais idiote. La lecture me semblait réservée à une certaine élite. En BD, j'avais tout de même lu les classiques comme Astérix, Tintin et Gaston, mais ce sont surtout les BD de Manara qui m'ont marquée. Je les lisais en cachette, fascinée par la puissance érotique de ses dessins. Plus jeune, chez ma grand-mère, je lisais "Les Malheurs de Sophie" de la Comtesse de Ségur et "Les Quatre Filles du docteur March" de Louisa May Alcott. Jo et Sophie sont des personnages qui brisent la docilité qu’on leur impose.

Les Chevaliers de l'Étrange, les personnages © Oxymore / Gallizia / HalardDevenir autrice de BD, était-ce un rêve de gosse ? Un auteur en particulier a-t-il fait naître ta vocation ?
J’ai redécouvert la BD à 30 ans grâce aux œuvres américaines des Hernandez (Palomar, Locas), Crumb, Clowes, Tomine, etc. Ça a été une révélation. Découvrir cet art narratif m’a passionné. Peu de temps après, j’ai voulu réaliser un documentaire sur le métier de bourreau, mais j'ai finalement réalisé que je pouvais en faire une BD ! Grande révélation qui changera ma vie (elle paraîtra l’année prochaine chez Oxymore).

Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
En tant que scénariste, la plus grande joie est de voir les personnages prendre vie et interagir, ce qui est toujours émouvant.
D’un point de vue pratique, la liberté de pouvoir travailler où et quand je veux est un immense avantage. J’ai du temps pour mon fils. Un grand luxe.
Cependant, les difficultés sont nombreuses. Financières d’abord, et une autre est la surproduction. Vous pouvez passer un an, parfois deux ou trois, voire plus, sur un album, et après seulement trois semaines, les libraires doivent retirer votre livre des étagères pour faire de la place aux nouveaux arrivages. Dans certaines librairies, il se peut même que votre livre ne soit jamais exposé.
Les Chevaliers de l'Étrange, storyboard du tome 1 © Oxymore / Gallizia / Halard
Comment ta route a-t-elle croisée celle de Giusy Gallizia qui signe les dessins des Chevaliers de l’Etrange ?
C’est grâce à mes éditrices Clotilde Vu et Barbara Canepa. Elles avaient reçu des dessins de Giusy et m’ont proposé d’écrire un scénario pour elle. Je trouvé très joli son univers. À ce moment-là, j’avais en tête une histoire sur des chevaliers, dont le premier tome se déroule dans un lieu de mon enfance, les Tours de Merle en Corrèze.

Quel fut le point de départ de ce récit d’aventure fantastique ? Comment as-tu composé les trois personnages principaux de l’histoire ? Lequel as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Notre imagination s’alimente souvent dans les souvenirs d’enfance. Je me suis souvenu de mes vacances en Corrèze chez mes grands-parents, au château des Tours de Merle, un lieu sauvage et mystérieux complétement flippant pour l’enfant que j’étais et qui m'inspirait des histoires effrayantes.
Et puis, je tenais absolument à ce qu’un ou une héroïne soit un.e adulte. Aujourd’hui, dans l’édition, on te demande de créer des héros enfants pour que les jeunes lecteurs puissent s'identifier. Je trouve ça incohérent, car enfant, on aspire plutôt à se projeter comme des grands. Je me souviens des séries comme “Madame est servie”,” Ma sorcière bien aimée”, Gaston Lagaffe, Bref, j’aime mêler des enjeux jeunesse et adulte et explorer leurs problématiques respectives. Heureusement, j’ai des supers éditrices. Donc je n’aime pas plus un personnage, ce que j’aime surtout ce sont leurs interactions
 Au Chant des Grenouilles, encrage © Oxymore / Sacré / Rigano / Canepa / Halard
L’histoire de ce premier tome est-il directement inspiré d’une de celles que tu imaginais enfant en arpentant les ruines majestueuses et inquiétantes des Tours de Merle ?
Le cadre surtout. Enfant je me suis perdue dans les bois avec mon frère et notre chien. On était terrifiés et souvent, je croisais de vieilles femmes sortant des maisons en pierre grise, typiques de la Corrèze. J'essayais de me rassurer en me disant que les sorcières n'existaient pas, mais j'étais convaincue qu'elles vivaient toutes là. J’ai troqué les sorcières contre des fantômes.

Les apparences d’Ambre, Casimir et Jamila se sont-elles rapidement imposées ou sont elles passées par différents stades avant de revêtir celle que l’on sait ? A partir de quelles indications ces personnages ont-ils été élaborés ?
Effectivement ça a été assez rapide. On a ajusté les cheveux d’Ambre, mais sinon on avait la même idée de ce à quoi devait ressembler les personnages. En général je mets aussi beaucoup de références photographiques pour accompagner les recherches des dessinateur.trices.

A partir de quelle « matière » Giusy Gallizia a-t-elle composé les somptueux décors qui servent d’écrin à ton récit ?
Principalement à partir de photos et de peintures. L’instagram des Tours de Merle, est bourré de magnifiques photos avec des tas de cadrages différents. Et Giusy est capable de faire des plans spectaculaires comme lorsqu’ils sont en équilibre, en haut des ruines d’une tour, à la tombée du jour.

Les Chevaliers de l'Étrange, recherche de personnage : Casimir © Oxymore / Gallizia / HalardLes Chevaliers de l'Étrange, recherche de personnage : Ambre © Oxymore / Gallizia / HalardLes Chevaliers de l'Étrange, recherche de personnage : Jamila © Oxymore / Gallizia / Halard


Comment s’est organisé le travail à quatre mains sur l’album ? Du synopsis à la planche finalisé, quelles furent les différentes étapes de son élaboration ?
Les Chevaliers de l'Étrange, les personnages © Oxymore / Gallizia / HalardJe travaille toujours de la même façon. Je fais un scénario détaillé avec une première mise en scène case par case, plan par plan. Ensuite Gisuy fait un premier storyboard. On valide ensemble, puis elle encre et colorise. Il faut savoir que c’était sa première BD et comme elle a un trait très fin, le dessin nécessite énormément de détails. C’est un très gros travail !

Collection Métamorphose oblige, la couverture est de toute beauté… D’autres versions avaient-elles été envisagées ?
Oui, tout à fait. Nous avons effectué divers tests. Initialement, nous avions pris une certaine direction, puis nous avons réorienté la couverture vers un style Manga afin de mettre en avant les personnages, puisque le lieu change à chaque nouveau tome. Et avant que tu ne poses la question, nous ne savons pas encore combien de tomes il y aura.

Ssoignant les ambiances des différentes scènes de l’album, le travail sur la couleur est somptueux. Comment ont-elles été réalisées ?
Merci pour Giusy, elle a énormément travaillé. C’était sa première BD et c’est très long de réaliser les couleurs.
Et n’oublions pas que nous avons Barbara Canepa pour veiller à chaque détail ! Elle a poussé Giusy qui a fait un travail admirable pour ce premier album.

 Au Chant des Grenouilles, planche du tome 1 © Oxymore / Sacré / Rigano / Canepa / HalardPeux-tu nous parler en quelques mots de ton somptueux Chant des Grenouilles ? Comment est né ce projet d’album jeunesse et comment as-tu croisé la route de l’incroyable Barbara Canepa avec qui tu co-signes le scénario ?
Barbara Canepa est mon éditrice avec Clotilde Vu sur d'autres livres. C'est elle qui est venue vers moi pour me proposer de co-écrire les épisodes d'un univers qu'elle avait en tête.

Comment s’est organisé l’écriture à quatre mains de ce récit animalier fantastique et envoûtant ?
C'est un jeu perpétuel de pingpong !

Quel effet cela fait-il de voir son récit ainsi sublimé par ses pinceaux alertes et les couleurs délicates co-signées avec Barbara ?
Beaucoup d'émotion et d'admiration pour les 2 car ils ont un univers très fort.

En combien de tome ce récit poétique et gentiment inquiétant est-il prévu ?
12 pour découvrir le secret d'Urania

Sacha et Tom Crouze © Oxymore / Halard / QuignonPeux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Je travaille sur plusieurs projets en même temps donc il y en a pas mal.

En projet jeunesse je co-scénarise avec mon conjoint Harold Charre, je ne peux pas en dire trop. J’écris le dernier tome de Sacha et Tomcrouz, le suite des Chevaliers de l'Étrange et la suite aussi de Au Chant des Grenouilles. Je termine une série sur le métier de bourreau Assassins d’Etat qui sera en 3 tomes. Et un projet avec Bastien Quignon pour ado/adulte sur la Lèpre !

Joli programme !

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?

Au-dedans de Will Mc Phail. Un dessinateur du New Yorker. Le dessin est admirable et l’écriture vraiment touchante.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Et toi ? Qui es tu ? Breton ?

du tout, juste fasciné par la Bretagne et ses légendes smiley


Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

 Au Chant des Grenouilles, planche du tome 1 © Oxymore / Sacré / Rigano / Canepa / Halard
un personnage de BD : Hopey dans Locas -poir sa liberté de ton.
un personnage mythologique : Athéna pour sa sagesse
un personnage de roman : Elizabeth Bennet, de "Orgueil et Préjugés", pour son esprit vif et son indépendance
un animal : Le renard, sa soif de liberté
une chanson : En ce moment je suis “Maison campagne” de Michel Berger
un instrument de musique : Clarinette
un jeu de société : le nain jaune - on doit y jouer 10 fois par semaine avec notre fils.
une découverte scientifique : la pillule
une recette culinaire : Une raclette été comme hiver
une pâtisserie : Un éclair au café,
une ville : San Cristobal pour ses couleurs, et son emplacement
une qualité : faudra demander à mon amoureux
un défaut : soupe au lait
un monument : Les pyramides
une boisson : Un café
un proverbe : N’importa quel proverbe dit par Harold qui en mélange toujours au moins deux.

Un dernier mot pour la postérité ?
PAIN, PAIX, LIBERTÉ !

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
merci à toi pour ton intérêt
Le Korrigan