Bonjour et merci de vous (re)prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : il y a plusieurs années, lors de notre premier entretien, nous avions opté pour le tutoiement… Peut-on rester sur ce mode ?
Pas de soucis
Merci à toi !
Que s’est-il passé dans ta vie d’auteur depuis 2017 ?
Pas mal de choses !
Pour ce qui est de la BD ,
Aux éditions de la gouttière, j’ai publié la série Sixtine, avec Aude Soleihac (4 tomes, série terminée)
Avec Dawid, nous avons continué la séries Supers, qui compte 5 tomes pour son premier cycle et 3 pour l’instant dans le second cycle,
Avec Stéphane Sénégas, nous continuions la série Anuki qui en est à son 11ème tome
J’ai aussi publié quelques albums de littérature jeunesse avec Stéphane Sénégas ( La ligne, on l’a à peine remarqué) aux éditions frimousse et avec Mariane Barcilon (La princesse Ortie, aux éditions Kaléidoscope l’école des loisirs).
J’ai aussi travaillé un peu pour l’audiovisuel, écrit 1 pièce de théâtre, écrit et joué dans deux spectacles, travaillé avec l’orchestre de Picardie (un album est à paraître avec Léa Mazé au dessin) Travaillé avec le musée des beaux-arts de Toulouse (création de pièces pour une exposition, créations de visuels et de BD)
Et sinon, j’ai aussi pris la présidence de la Ligue des auteurs professionnels pendant un peu plus de deux ans (La ligue est un syndicat d’auteurs du livre). Bref, j’ai été pas mal occupé !
Un album t’a-t-il particulièrement marqué durant les sept ans qui se sont écoulés ?
Difficile de choisir, mais peut être le dernier tome de
Sixtine, parce que la fin d’une série c’était quand même une certaine émotion.
Ta vision du métier de scénariste a-t-elle évolué depuis cette lointaine époque ?
Peut-être, mais je ne me rappelle pas qu’elle était ma vision il y a longtemps, ma mémoire me fait défaut !
Comment est née l’idée d’une seconde saison de Supers, l’une des meilleures séries jeunesse de ces dix dernières années, portée par des personnages attachants, un scénario entraînant explorant des problématiques de notre temps et le dessin tendre et expressif de Dawid ?
Quand on s’est approché de la fin du premier cycle, Dawid et moi nous sommes demandés si on continuait. D’un côté nous étions attaché aux personnages, mais d’un autre, continuer pour continuer, ça n’avait pas grand sens. Comme
Supers ce sont avant tout des histoires de l’intime, nous nous sommes dit que nous pouvions faire passer du temps, laisser nos personnages vieillir. Parce qu’avec 5 ans de plus, les dynamiques familiales, les envies et les horizons des personnages sont forcément différents et nous avions d’autres choses à raconter.
Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est très réussi ! J’adore cette série au moins autant que mes enfants !
Venons-en à la Quête, ta une nouvelle série jeunesse… Comment est née ce récit qui nous entraîne dans une geste arthurienne moderne, décalée et joyeusement iconoclaste ?
C’est Wauter qui a proposé l’idée. « La quête du roi Arthur » de T.H. White était un de ses livres de chevets quand il était jeune, et il était particulièrement fan du personnage du roi Pellinor (l’ancêtre de notre Pelli) qui est un personnage particulièrement loufoque et qui avait cette quête familiale. A partir de là, on a discuté de nos envies et l’idée de parler notamment de transmission, du monde que l’on lègue, s’est imposée.
Comment as-tu croisé la route de Wauter Mannaert qui en signe les irrésistibles dessins ?
Dawid, le dessinateur de Supers m’a appelé lors d’un retour de salon et il m’a dit : « il faut que tu travailles avec Wauter Mannaert » qu’il avait rencontré lors de ce salon. Je connaissais le travail de Wauter mais n’avais pas pensé à une éventuelle collaboration, mais j’écoute toujours ce que me dit Dawid ! J’ai donc tout relu, et contacté Wauter. Et il se trouve qu’il était lui aussi intéressé par travailler avec moi !
En discutant, on a vite vu que nous avions beaucoup d‘envies communes dans ce que nous avions envie de raconter et dans la manière de le faire, et on s’est lancés !
Les apparences de Pelli et de la Dame du Lac se sont-elles rapidement imposées ou sont-ils tous deux passés par différents stades avant de revêtir celle que l’on sait ?
C’est allé assez rapidement, avant même que le scénario soit fini, à vrai dire. Une des choses importantes, pour Nimue, c’est que ce n’est pas une espèce de Nymphe top model. Trop souvent les héroïnes féminines représentent des idéaux de beauté, (alors que ce n’est pas le cas pour les héros !), ce n’est pas quelque chose qui date d’hier (il suffit de comparer Astérix, Obélix et Natasha), mais c’est toujours le cas. Notre Nimué est un peu étrange avec ses nénuphars sur la tête, elle n’est pas prête à être une égérie pour une grande marque de mode, et ça nous va bien comme ça !
Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Je les aime bien tous, mais, disons notamment Gawain. Il est grand, beau, costaud, courageux, il sait manier une épée et porte bien l’armure, ça devrait être lui le héros de cette histoire, et on en a fait une espèce de faire valoir comique. Il n’est pas impossible qu’il ait, lui aussi ses moments de gloire à l’avenir
Qu’est-ce qui vous a fasciné dans cette étrange créature, la fameuse Bête glatissante, que le roi Pellinor et ses descendants traquent sans repos et sans répit depuis des générations ?
Une des choses que j’aime beaucoup dans cette bête, c’est que T.H. White décrit quasiment une relation symbiotique entre elle et le chasseur. Parce que ce qui est important, finalement, c’est de la traquer, et pas de la capturer ou de la tuer. A tel point que dans les romans, quand le roi Pellinor (l’ancêtre de notre héros, donc) arrête de la traquer, elle attend non loin, et que quand elle est malade, il la soigne avant de repartir derrière elle. Et comme en plus cette bête est une chimère, ça en fait un parfait symbole du merveilleux après lequel nos personnages courent.
L’ambiance joyeusement contemporaine et décalée sur fond de geste arthurienne a éveillé un vieux souvenir de série TV des années 80 que j’avais totalement oublié : Monsieur Merlin, avec sa façon savoureuse de réenchanter le monde… Est-ce une série que tu as pu regarder jadis ? Plus généralement, quels furent tes inspirations pour créer tes deux principaux personnages et cette quête joyeusement déjantée qui les entraîne dans des lieux iconoclastes, du fameux lac en passant par le parc médiéval en carton-pâte et la fête, tout aussi médiévale ?
Je ne crois pas que je regardais cette série mais j’étais juste un peu trop jeune, je crois. L’influence principale, c’est « The once and future king », de T.H. White. Qui a réécrit de manière très moderne et irrévérencieuse la quête du roi Arthur entre la fin des années 30 et les années 50. Après, j’ai toujours aimé la réécriture de contes classiques, (ce n’est pas vraiment ce qu’on fait dans la quête, mais il y a un lien), peut être que ça vient de mes lectures de Gotib ou de Bretecher quand j’étais plus jeune. Et puis, plus généralement, j’ai une tendresse pour les personnages un peu à côté de leurs pompes, qui font un peu comme ils peuvent, qui essaient de se débrouiller avec des problèmes trop gros pour eux.
Comment s’est organisé votre travail à quatre mains sur l’album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de l’élaboration de ce premier opus ?
Tout s’est passé de manière très fluide, j’ai écrit tout le scénario et tous les dialogues dès le départ et on s’est attaqué à la mise en scène. Wauter fait une proposition de storyboard sur laquelle on retravaille, on réajuste parfois les dialogues ou l’écriture des scènes à ce moment-là (voire on rajoute une scène !) et une fois que tout le story est fait, Wauter attaque le dessin des planches. Et l’écriture du tome suivant est achevée (modulo des ajustements, bien sûr) avant que le tome en cours soit complètement terminé, ce qui nous permet aussi des ajustements si nécessaire.
Quel effet cela fait-il de voir son histoire prendre corps sous les crayons expressifs de Wauter Mannaert ?
Ah, ben travailler avec Wauter, c’est que du bonheur !
Avec quel dessinateur rêverais-tu de travailler ?
J’ai fait plusieurs tentatives de travail avec Simon Léturgie, mais à chaque fois, il y a eu un petit caillou qui a grippé la machine ! On ne désespère pas d’y arriver un jour !
J’ai trouvé la couverture, aussi belle qu’efficace, très réussie… S’est-elle rapidement imposée ? Qui signe donc sa jolie maquette ?
Ravi qu’elle vous plaise ! Il y a eu quelques propositions, mais je crois que nous sommes rapidement arrivé à cette version, Wauter a travaillé avec Rebecca Rosen, qui est graphiste et Eric Laurin , le directeur artistique. En ce moment, nous planchons sur la couverture du tome 2 !
Quel conseil donnerais-tu à un lecteur désireux de devenir scénariste ?
De mettre assez d’intime dans sa fiction.
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
J’ai deux nouvelles séries à paraître en 2025 aux éditions de la gouttière,
Îles (titre non définitif) avec Aude Soleihac une histoire de bateaux volants, de rébellion et de recherche du père et une autre série qui n’a pas encore de nom, dans l’univers de sixtine, mais qui se déroule fin 19eme siecle, avec GOM au dessin. Le 3 eme tome du cycle 2 de
Supers avec Dawid sort en octobre et nous avons commencé le 4eme et dernier tome. Nous travaillons sur une autre série avec Dawid, également, et quelques autres projets !
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Je suis en train de lire
System Collapse, le dernier tome de
The Murderbot Diaries de Martha Wells, dont j’ai beaucoup aimé les tomes précédents. Sinon, en série je suis tombé amoureux de
Shrinking et j’attends avec impatience la saison 2 !
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Le schtroumpf grognon
un personnage mythologique : Māui, juste pour pouvoir dire « you’re welcome »
un personnage de roman : Rincevent ! pour que mes dialogues soient écrits par Terry Pratchett
un animal : Le Marsupilami
une chanson : When I grow up, de Tim Minchin dans Mathilda the musical
un instrument de musique : mon piano
un jeu de société : Eleusis, C’est un jeu de carte dont les joueurs ignorent et cherchent la règle, règle définie et tenue secrète par un seul joueur (ndlr : voilà qui est très intrigant…)
une découverte scientifique :Le phénomène de sensibilité aux conditions initiales, découvert par Henri Poincarré est qui est le point de départ de la théorie du chaos
une recette culinaire : Le fondant au chocolat de ma femme
une pâtisserie : une chocolatine ! (ndlr : tu cherches les problèmes )
une ville : Le Londres dans Bas mais je monterai quand même pour aller régulièrement au West End
une boisson : Le chocolat au lait
un proverbe : « On va pas faire le tour de la place Marcadieu », proverbe uniquement connu et utilisé par ma femme.
Un dernier mot pour la postérité ?
Merci de cette interview, j’espère que la suite de la quête vous plaira tout autant !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !