






Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Absolument pour ! Fais-toi plaisir
Youhou ! Merci à toi ! Je me lâche 
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Lyonnais d'origine et neveu d'un collectionneur de bd qui m'a en partie filé le virus, je suis sorti de l'école Emile Cohl à Lyon en 2006, avec le même but que lorsque j'y suis entré : Devenir auteur de bd. J'ai 40 ans aujourd'hui et même si ça a pris un peu de temps, je suis très fier d'être parvenu à réaliser ce rêve de gosse. J'espère un jour scénariser ma propre histoire, mais je ne suis pas pressé.
Je suis aussi enseignant en école d'Art appliqué (bd, storyboard, character design etc...)
A côté de ça, je chasse les champignons et cueille myrtilles et mûres avec ma femme et maintenant ma fille !

Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
J'étais un énorme lecteur de bd « franco-belge » puis de mangas, puis maintenant de tout, romans graphiques etc... En revanche je suis totalement passé à côté des comix américains. Nous avions le bibliobus qui passait toutes les deux semaines près du collège, et mes deux frères et moi prenions chacun 10 albums de bande-dessinée. Ce qui me faisait souvent 30 albums toutes les 2 semaines...
Mes livres de chevet étaient Spirou et Fantasio (la vallée des Banis !), Gaston, Johan et Pirlouit, les Schtroumpfs, Lucky Luke, Blueberry, les tuniques bleues etc... Les grands classique, et bien sûr le journal Spirou.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Un auteur en particulier a-t-il fait naître ta vocation ?
Encore une fois, oui ! A 14 ans mon choix de carrière était déjà arrêté. Alors que mes frangins jouaient au foot sous ma fenêtre, je restais cloîtré à recopier mes maîtres...
Le 1er déclic est venu du Spirou et Fantasio de Tome et Janry (
La vallée des bannis!). Le style de Janry avec son encrage fabuleux m'a fait un électrochoc. Puis Loisel avec son Peter Pan, La Quête, puis Enrico Marini avec son Gipsy et les Japonais :
Akira,
Gunnm,
Dragon ball,
I''s etc....

Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Le bonheur inégalable de se lever par une matinée grise et glacée et regarder les gens courir dans tous les sens pendant que je me rends tranquillement à 5 min à pied dans mon atelier retrouver mes collègues artistes, boire un café et faire mes dessins. Il y a aussi les bonnes critiques qui font plaisir, et les invitations dans les bons salons ou je suis très bien reçu, on mange bien, c'est chouette.
La plus grande difficulté du métier et bien sûr d'en vivre. J'y parviens, mais tout est toujours précaire, quand une série ne fonctionne pas et s'arrête, à chaque fois il faut recommencer un projet, monter un dossier édito et pendant ce temps-là pas un sous ne rentre.
Et bien sûr, les petits coups de stress quand l'éditeur nous rappelle notre retard
Comment as-tu rencontré Matias Istolainen qui signe le scénario du Secret du Roi ? Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce récit épique et baroque ?
En 2022 à Angoulême j'ai rencontré Mathias Vincent éditeur au Lombard, et celui-ci m'a contacté quelques mois plus tard pour me proposer un test sur une page du
Secret du Roi, alors que je terminais le tome 2 d'
Happy End mon autre série.
Le test à convaincu, et heureusement, car pour moi, réaliser un album d'aventure capes et d'épées était un rêve de toujours. Je suis bien plus à l'aise avec l'historique comme décor, les drapés, le bois, la pierre, les mécanismes, les armes blanches etc … que dans un univers contemporain plein d'ordi et de portables... Matias Istolainen m'a offert sur un plateau une jolie héroïne combative, et tout un tas de gaillards avec de vraies tronches et du caractère... Bref j'adore, et le tome 2 en cours de création caractérise encore plus les protagonistes, développe leurs relations et c'est du bonheur à mettre en image.

Quelles sont tes références en matière de capes et d’épées (pas nécessairement BD, tous genres confondus
)
La fille de d'Artagnan,
le Bossu,
Les Trois Mousquetaire,
Zorro,
Willow pour les films, et du côté des bd, je dirais
De cape et de Crocs,
Le Scorpion et évidement
Les 7 vies de l'Epervier.
Une bien belle sélection… ah, les 7 Vies de l’Epervier… Quelle série magistrale !
Comment as-tu composé l’apparence de Suzanne ? S’est-elle rapidement imposée ou est-elle passée par différents stades avant de revêtir l’apparence que l’on sait ?
Matias avait en tête des acteurs pour s'aider à visualiser les différents protagonistes, pour Suzanne il s'agissait d'Ana de Armas, pour son aspect un peu mutin je suppose. Une jolie brune tout juste adulte mais qu'il ne faut pas chercher !
Ça tombait très bien car j'ai une affection particulière pour les petites brunes un peu brutes, je retombe toujours sur ce type d’héroïnes sur mes diverses productions. J'ai donc gardé l'idée Ana de Armas, et j'ai composé le reste à ma manière.
Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Suzanne car j'aime bien les persos féminins fort et Tercier pour le côté caricatural du bonhomme.

La mise en place des décors et des personnages a-t-il demandé de longues recherches iconographiques ? Quelles furent tes principales sources picturales pour mettre en image cette nouvelle série ?
Alors oui, pas mal de recherches de visuels en tous genres pour documenter cette moitié de XVIIIe siècle. Notre ami le web simplifie bien les choses, mais avec les vérifications qui s'imposent ! Donc les sites officiels tels que ceux de Versailles, archives bibliothécaires pour les plans nécessaires, gravures tirées du net, peintures et représentations du château d'Eltz par exemple et bien sûr une part d'invention dans le style de l'époque.
Je dois préciser que Matias a travaillé en étroite collaboration avec un ami historien et qu'ils me joignaient de nombreux liens « prêt à l'emploi ».
Maxime notre coloriste également très cultivé et à cheval sur l'historique m'a bien aidé. Bref, un travail d'équipe encore une fois.
La couverture de l’album et son audacieuse composition est de celle qui attire l’œil du chaland sur les étals d’une librairie… D’autres versions ont-elles existée avant que celle-ci ne s’impose ?
Merci !
Oui, il y a eu exactement 3 propositions avant d'en arriver à cette version finale. Une de mes trois propositions intégrait déjà cette idée de forme générale remplie de détails de l'album, façon affiche de film (c'était la condition numéro 1 du scénariste, le côté affiche).
Le comité éditorial nous a ensuite poussé dans ce sens, laissant derrière des compositions plus classiques, et j'ai personnellement milité pour ce fond blanc revêtement mat, que j'avais déjà pu apprécier sur la série
Klaw, au Lombard également.

Comment s’est organisé le travail à quatre mains avec Matias Istolainen ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de l’élaboration de l’album ?
Matias m'envoie un scénario quasiment terminé, dont il ne reste en général que des modifications sur les textes. Je réalise ensuite un storyboard complet que nous soumettons à l'éditeur. Ce storyboard nous le relisons ensemble et nous faisons les aménagements nécessaires : Suppression de cases, de bulles, allègement de texte, rajouts, gestions des incohérences narratives etc...
Je lui fait des retours réguliers sur des « erreurs » que je peux débusquer, et lui valide les planches une fois que je les termine. En fait, nous sommes très souvent en contact tout au long du processus créatif. On s'entend très bien alors c'est cool.
Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Il y en a plusieurs. Dans le tome 1, l'échange un peu plus intimiste dans la calèche sur le chemin de la Prusse m'a beaucoup plu. Représenter les émotions est un challenge pour moi, mais ça me plaît beaucoup. Le tome 2 appuie plus sur le relationnel entre les personnages et promet de belles séquences.
J'aime bien le storyboard, mais cela demande une concentration intense et finit pas fatiguer, là où l'encrage n'est plus que de la technique, je peux débrancher mon cerveau et écouter de la musique, des affaires criminelles, des documentaires en tous genres …
Bien sûr, voir mes planches mises en valeur par Maxime à la couleur est également un pur bonheur.
Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes afin de mieux comprendre ta façon de travailler ?
Oui, je te prépare ça.
Pour info : Mes storyboards sont en général réalisés en traditionnel, au crayon, puis je les retouche numériquement, je recadre, dézoome, refait certaines cases... Ensuite je pose les textes dessus pour que Matias puisse les lires et suivre le rythme.
Une fois la planche encrée, je l'envoie à Maxime qui pose ses couleurs en suivant les indications de temporalité du scénariste, puis je valide avec Maxime les choix de teintes, d'ambiances, jusqu'à ce que nous soyons tous les trois d'accord.
Espion oblige, l’histoire de ce premier opus est truffée de références à James Bond, du titre de l’album à certaines cases ou éléments évoquant les adaptations cinématographiques de l’œuvre de Ian Fleming… Existaient-elles dans le scénario où est-ce en jeu entre toi et le scénariste ?
Le concept de l'album a été vendu ainsi, avant même que je ne rejoigne l'aventure, donc oui, c'était prévu et voulu !

En combien de tomes la série est-elle prévue ?
Initialement 3 tomes (signés), mais nous en aimerions minimum un 4ème, si les ventes le permettent.
Serait-il possible de voir l’un ou l’autre rough d’une planche du prochain tome ?
Peut-être pas tout de suite, trop de choses peuvent encore changer:) Mais bientôt !
Aurais-tu une anecdote à nous raconter relative la création de cet album ?
A l'origine deux personnages important de l'équipe du secret du Roi n'étaient pas censés mourir, mais finalement, d'un commun accord nous nous sommes dit : « Allez, on les butte, ça déstabilisera le lecteur... » L'éditeur n'était pas ultra chaud au départ, mais on a foncé quand même. Bon, j'avais beaucoup bossé le chara design de ces deux gars, alors ça a été un sacrifice, mais je trouve ça chouette comme ça.
Avec quel scénariste rêverais-tu de travailler ?
J'aimerai bien travailler avec Stéphen Desberg, sur un diptyque dans le style de
l'Etoile du désert, et Alain Ayroles par exemple. Soit un ou deux albums époque, un peu sombre, pour changer de style, voir autre chose, soit une série délirante qui fait voyager, époque aussi façon
Cape et de crocs.
En fait avec
le secret du Roi je suis déjà dans le style de récit que je souhaitais mettre en scène, alors je suis à fond, c'est super.
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Le présent c'est
Le Secret du Roi, après éventuellement, terminer un troisième tome de
Happy End, au Lombard également, et ensuite, peut-être un album personnel au dessin mais aussi au scénario, j'aimerai me lancer, au moins une fois. Affaire à suivre.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le dessin de Corentin Rouge, que j'ai découvert il y a peu sur Rio. Un style réaliste très éloigné du mien, mais ultra maîtrisé et très vivant.
Également
Katanga de Sylvain Vallée et Fabien Nury, superbe ! Ah oui d’ailleurs j'adorerai aussi bosser avec Nury, incroyable scénariste.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Hahaha, non, tu as posé TOUTES les questions je crois.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Lope de Villalobos y Sangrin ou Armand Raynal de Maupertuis (Cape et de crocs) pour l'aventure, ou Lanfeust de Troy. Bref tu as compris le truc, des voyages, de l'aventure, de l'amitié etc...
un personnage de roman : Je ne sais pas, je ne lis que des romans réalistes tristes et/ou déprimants.
un animal : Un épervier pourquoi pas, un truc qui peut voler, sans trop de prédateur.
une chanson : La BO du Dernier des Mohicans. Je ne suis pas à cheval sur la musique, mais les BO de films un peu épiques ça passe toujours très bien.
un instrument de musique : Une guitare électrique blues/rock
un jeu de société : La bonne paye
une découverte scientifique : Le papier
une recette culinaire : J'hésite entre le magret de canard sauce au vin ou le poulet aux morilles.
une pâtisserie : Le mille-feuilles (avec un soupçon de rhum dans la crème pâtissière)
une ville : Lyon, c'est ma ville, et elle est assez top.
une qualité : La bonne humeur sans aucun doute.
un défaut : La mauvaise humeur quand j'ai trop faim, ou que je n'arrive pas à bosser ma bd à cause des à-côtés chronophages.
un monument : Un arbre vénérable, style certain séquoia géant classés...
une boisson : Un rhum ambré vieux, à consommer dans un endroit (ou en pensant à un endroit) exotique
un proverbe : « Vivre de telle sorte qu'il te faille désirer revivre, c'est là ton devoir ». Nietzsche (proverbe papillotte)
Un dernier mot pour la postérité ?
Merci, sacrée interview, je vais pouvoir retourner bosser !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !