





Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Pouvez-vous nous parler de vous en quelques mots ? (Parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
J’ai fait les Arts Appliqués rue Olivier de Serres où j’ai appris la boxe Française dans le gymnase de l’école avec un étudiant de dernière année, champion de France de boxe. J’en suis ressorti avec un œil au beurre noir et un BTS publicitaire. Les AA est une école dont l’enseignement s’inspire du Bauhaus où l’on pratique diverses disciplines artistiques (Métal, archi, publicité, sculpture), avant de se spécialiser. J’y ai appris surtout le sens de la couleur et le dessin classique. Il n’y avait pas de cours de BD, mais j’en faisais déjà beaucoup chez moi, dès que j’avais un moment. J’ai traqué à l’époque presque tous les journaux comme Métal Hurlant, Charlie, Pilote, A Suivre, Circus et réussi à faire mes premières armes dans certains d’entre-deux.

J’ai atteint un âge que l’on ne demande plus aux dames quand on est bien élevé !
Mes passions sont la boxe Américaine et la BD que j’ai dans le sang ! Je peux le prouver avec ma carte de groupe sanguin dont le Phénotype est : BD (Véridique et sans trucage !).
Tout était donc écrit 
Enfant, quel lecteur étiez-vous et quels étaient vos livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Gamin, je lisais surtout des comics Américains. Il m’est même arrivé de rêver à la prochaine couverture de « Strange » et de courir chez le libraire pour m’apercevoir que ce n’était qu’un rêve.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Un auteur en particulier a-t-il fait naître votre vocation ?
Jamais je n’ai envisagé même une seconde de faire un autre métier, bien que j’ai fait parallèlement de la publicité en freelance quelques années et enseigné le story-board pendant trois ans. J’apprécie beaucoup d’auteurs, mais j’ai une tendresse particulière pour Joe Kubert dont je possède 5 planches originales.

Qu’est-ce que son encrage a de si particulier ?
Son encrage est comme une griffe, chaque traits une signature, aussi libre et vivant qu’un crayonné. Pour moi, il représente l’essence même du comics !
Quelles sont selon vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Le plaisir de raconter une histoire et la voir prendre forme, petit à petit, lors de sa conception. Échanger avec un dessinateur lorsque je suis au scénario ou avec un scénariste lorsque je suis au dessin. Le plus difficile dans ce métier est d’être devant une page blanche et donc confronté constamment à ses propres limites. Il faut avoir un moral d’acier pour faire ce métier, à côté de n’importe quel dessinateur de BD, Rambo n’est rien qu’une chiffe molle !

Alors que l’on célèbre le 130e anniversaire de la naissance de Marcel Pagnol, vous signez le dessin du Premier amour, un récit inédit de Marcel Pagnol dont le scénario a été écrit par Eric Stoffel. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce récit qui nous raconte la première histoire d’amour de l’humanité ?
Graphiquement, j’avais une grosse envie de préhistoire, de dessiner des personnages sans costard/cravate et des décors naturels et sauvages. J’en ai parlé à Hervé Richez (Directeur de collection Grand-Angle) qui m’a dit qu’il existait un Pagnol préhistorique. J’ai lu et trouvé la thématique franchement maligne. Pour la première fois, un homme et une femme s’aiment et leur amour va changer le cours de la préhistoire ! Et Eric Stoffel a magnifiquement transformé ce scénario de film imaginé par Pagnol, en scénario BD…
Avant de travailler sur cette adaptation, que représentait Pagnol pour vous ?
Un grand écrivain mais que je ne m’imaginais pas spécialement illustrer un jour. Et puis mon envie graphique de préhistoire et cette belle histoire qu’il avait créée, étaient comme un signe du destin. Et surtout, Pagnol avait un moment imaginé dans le rôle principal le chanteur Louis Mariano, que j’avais vu sur scène avec mes parents, alors que j’avais sept ans ! Si ça, ce n’est pas un signe du destin !

A-t-il été aisé de trouver l’apparence des personnages de ce récit préhistorique ? Sont-ils passés par différents stades avant de revêtir l’apparence qu’on leur découvrira dans les pages de l’album ?
Dessiner des hommes préhistoriques était l’occasion de croquer des trognes et de m’amuser à les dessiner en les amenant presque vers la caricature, tout particulièrement les anciens de la tribu. La difficulté était que les « héros », Petite Rouge et Pâle soient un peu plus gracieux, sans devenir des gravures de mode et sans dépareiller non plus avec les autres membres du clan.
Comment s’est organisé votre travail avec Eric Stoffel sur cet album ? Du séquencier à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de son élaboration ?
Eric fait l’adaptation et doit rester le plus fidèle possible aux dialogues et l’esprit de Marcel Pagnol. C’est une contrainte mais ça n’empêche pas et c’est même indispensable de couper certaines scènes, pour passer du format roman à celui de scénario BD. Il m’a donc envoyé son découpage, que j’ai storyboardé. A partir de là, je lui ai fait quelques suggestions comme allonger certaines séquences ou en écourter d’autres, on en a discuté ensemble et l’éditeur a même accepté d’ajouter 4 pages. Le but était selon la volonté de Pagnol que l’adaptation de son film et donc ici de la BD, soit la plus spectaculaire possible.
Quels outils utilisez-vous pour dessiner vos planches ? Sur quel format avez-vous travaillé pour cet album ?
Je fais le story-board, le crayon et l’encrage sur I Pad Pro, logiciel Procreate et la mise en couleur sur ordi photoshop.

Quelle étape vous procure le plus de plaisir ?
J’aime bien toutes les étapes. Lorsqu’il m’arrive de me lasser, j’alterne. Si je dessine, je passe à l’encrage ou à la couleur ou me remets au scénario, ou reviens au story-board. Le plus stressant est le crayonné, la structure, parce que je ne sais jamais trop combien de temps ça va prendre. Une journée si ça se passe bien ? Deux/trois, voire quatre en fonction de la difficulté. Lorsqu’il m’arrive de buter sur un crayonné, c’est que bien souvent mon cadrage n’est pas bon et inconsciemment, si je n’y arrive pas, ce n’est pas une affaire de dessin mais souvent de point de vue.
Le plus relaxant pour moi est la mise en couleur. Je travaille par séquences, c’est-à-dire que si j’ai par exemple quatre planches avec une ambiance nuit, je travaille les quatre ensembles. Je réduis en tout petit mes quatre planches, qui sont disposées côte à côte sur mon écran et couvre rapidement de couleurs l’ensemble des pages avec une dominante forte. Cela étant, j’agrandis les planches et découvre que ce côté aléatoire peut créer de chouettes accidents auquel je n’aurais pas obligatoirement pensé. Après, je reprends ma couleur case par case sans perdre de vu l’unité de la page.
Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes ?
Oui, voilà les planches 4 de « Le premier amour » avec les principales étapes : Story-board, crayon, encrage et couleur. L’album sortira le 30 avril 2025.

Peux-tu nous parler de ton travail sur la couverture de l’album ? D’autres versions ont-elles été envisagées ?
Oui, en voici quelques-unes. J’aimais bien certaines versions qui mettaient en avant le côté aventure, mais qui ont été jugées comme trop orientées « Conan le barbare » ! Mais celle qui a été choisie correspond certainement plus à l’esprit de Pagnol et est certainement tout aussi efficace.
En fait, on ne sait si c’est une bonne couverture, qu’une fois l’album imprimé. C’est simple, si l’album se voit et se vend bien, c’est que c’est plutôt réussi, sinon…
En d’autres temps, vous avez signé les dessins du déjanté Archimage Robert du mythique François Marcela Froideval… Avez-vous pratiqué le jeu de rôle ? Si oui, quels étaient vos jeux de prédilection ?
Non, je n’ai jamais joué aux jeux de rôle, je crois que j’aurai un peu trop l’impression de travailler….
une anecdote à propos de ce fameux Archimage?
De l’Archimage Robert ? Un jour Froideval me téléphone à la limite de la panique, il me dit de ne surtout pas mettre la formule magique qui invoque le démon de son scénario, ayant écrit par mégarde la véritable formule !
Pouvez-vous en quelques mots nous parler de vos projets présents et à venir, en particulier sur celui qui se trouve actuellement sur votre table de travail et qui paraîtra chez Glénat ?
Je bosse actuellement sur un album aux éditions Glénat qui s’appellera
Ambiance Robert Doisneau (titre), « Des cœurs trop grands » (sous-titre). J’ai placé neuf photos de Robert Doisneau côte à côte et complété les vides entre chaque photo pour former une histoire originale. C’est l’histoire d’un boucher amoureux, tiraillé entre deux amours. Les décors et les personnages s’inspirent de ceux photographiés par Robert Doisneau.
La contrainte imposée par les photos doit donner lieu à un scénario passionnant ! Hâte de m’y plonger !
Tous médias confondus, quels sont vos derniers coups de cœur ?
Pour rester dans le domaine de la BD, j’ai adoré
La veuve de Glen Chapron chez Glénat. L’histoire est très prenante et son dessin en noir et blanc et valeurs de gris, ou tout est esquissé, suggéré, une réussite. Pour moi, c’est déjà un classique !
Pour les séries, j’aime toutes les saisons de
Fargo, mais considère la cinquième et dernière pour l’instant, comme un chef-d’œuvre ! Les personnages sont hypers attachants avec un scénario millimétré !
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle vous souhaiteriez néanmoins répondre ?
Oui ! Chez Rue de Sèvres sortira en septembre 2025 un roman graphique intitulé
Banana Story dessiné par Kyung Park et que je scénarise. C’est l’histoire vraie de Samuel Zemurray qui de simple cueilleur de bananes est devenu un des hommes les plus riches au monde, prenant la tête de l’UFC (United Fruit Company). C’est une des premières multinationale symbole de l’impérialisme Américain qui a asservi et transformé les pays d’Amérique centrale en république bananière.
Banana Story, premières planches

Pour finir et afin de mieux vous connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si vous étiez…
un personnage de BD : Un mixte entre le baron rouge (de Kubert) et Popeye le marin
un personnage de roman : Nick Corey dans 1275 âmes de Jim Thompson (Un des meilleurs roman noir).
un animal : Chat noir ou chat blanc.
une chanson : La folle complainte de Trenet
un instrument de musique : Le triangle
un jeu de société : Aucun
une découverte scientifique : Le fil à couper le beurre !
une recette culinaire : Le bœuf à l’oseille
une pâtisserie : Le financier
une ville : Paris/ St Malo
une qualité : Obstiné
un défaut : le même en pire !
un monument : Le Petit Palais et le Grand
une boisson : Vin rouge, vin blanc.
un proverbe : « Mieux vaut tard que jamais ! »
Un dernier mot pour la postérité ?
Juste avant de mourir ? J’ai planqué tout mon argent, ma fortune et mes lingots d’or que j’ai accumulé tout au long de ma vie à force de pondre des planches BD grassement payées par des éditeurs généreux… j’ai planqué tout ça dans… dans… ARGH !!!


Un grand merci pour le temps que vous nous avez accordé !