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Entretien avec Marion Poinsot
accordé en début février 2004


Tout d’abord merci de te prêter au petit jeu de l’interview…
à votre service :)

Peux tu nous en dire un peu plus sur toi ? (nom, age, études, passions, numéro de carte bleue smiley
Nom : POINSOT
Prénom : Marion
âge : 25 ans.
Etudes : Maîtrise de Médiation Culturelle & Communication, et 1ère année section BD à l'Académie des Beaux-Arts de Tournai.
Passions : dessin (oeuf corse smiley ), jeux de rôles, équitation, internet, jeux vidéo, cinéma, tout ce qui tourne autour de l'heroic fantasy et de la science fiction en général. Ville natale : Dunkerque.

Si tu devais retenir 3 faits marquant de ta vie, quels seraient-ils ?
La première fois que j'ai vu le film Dark Crystal : ça m'a fait prendre conscience qu'il existait d'autres univers que celui où je vivais ! Ma première approche de la fantasy, j'avais environ 7 ans. En 2è, je placerai une randonnée équestre particulièrement savoureuse où j'ai pu réaliser un rêve de gosse, galoper en toute liberté en pleine nature avec un cheval en qui j'avais totalement confiance. Et pour finir... la sortie de mon premier album, Chaëlle ! Il y a bien sûr eu plusieurs autres événements marquants, mais c'est un peu plus personnel ! smiley

Comment es-tu tombé dans la BD ?
C'est difficile à dire parce que, d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours dessiné des BD... à l'époque où j'ai su tenir un crayon et commencer à faire des dessins concrets (et non plus des gribouillages), j'ai rapidement préféré raconter des petites histoires plutôt que des illustrations toutes simples. Mais étant donné qu'il y a toujours eu des albums de BD chez moi, je me suis mise à les lire très vite, même lorsque je ne savais pas encore lire. C'est comme ça que j'ai appris qu'il était possible de raconter des histoires en dessinant. Depuis je n'ai fait que ça, presque naturellement.

Tes parents et professeurs t’ont-ils poussé dans cette voie où as-tu dû, de haute lutte, les convaincre que telle était ta vocation ?
Je n’ai jamais eu à me battre, c’était presque évident pour tout le monde ! Mes parents tout comme mes professeurs m’ont toujours encouragée à faire fructifier ma passion pour le dessin et la BD. J’ai bien sûr été encouragée dans d’autres voies, mais personne ne m’a jamais dit que je devais laisser tomber ! Heureusement !

Quels sont tes auteurs fétiches et tes trois meilleurs albums BD de tout les temps ?
Je mettrais Peyo en tête car ses histoires moyen-âgeuses (les Schtroumpfs, Johan & Pirlouit) me font rêver depuis que je suis toute petite et je les relis aujourd'hui avec plaisir. C'est sûrement un des auteurs qui m'a le plus donné envie de raconter des histoires en BD et qui m'a fait m'intéresser au moyen-âge avec un côté fantastique. Il dépeint un univers merveilleux sans jamais tomber dans le gnangnan. Après, il y a des auteurs plus modernes que j'aime beaucoup : Crisse, Loisel, etc. C'est difficile de faire un classement. Sinon, pour les meilleurs albums BD... je citerai la Quête de l'Oiseau du Temps, un classique indémodable. Mais il y en a tellement que j'aime beaucoup !


En avril 2004 sort le premier tome de Dread Mac Farlane, aux éditions Clair de Lune. Faire éditer sa première BD relève-t-il du parcours du combattant ?
Petite précision : Dread n'est pas mon premier album, mais mon 2è (en fait, le 3è, mais seulement le 2è publié). Mon premier album fut Chaëlle aux éditions Pointe Noire, mais ils ont fait faillite juste avant la sortie du tome 2... Je dirais qu'en règle générale, oui, ça relève pas mal du parcours du combattant, mais en ce qui me concerne, j'ai eu de la chance car ça a été plutôt vite.

Bien sûr, je démarche des éditeurs depuis longtemps, mais j'ai commencé au lycée et à l'époque j'étais loin d'avoir un niveau publiable. A partir du moment où je me suis vraiment décidé à proposer un projet sérieux, avec synopsis, croquis et planches à la clef, Pointe Noire m'a contactée très rapidement. Puis, après sa disparition, Clair de Lune m'a récupérée à peine quelques mois plus tard, le temps d'effacer les cicatrices et de bosser sur un autre projet. Mais il est évident que tous les jeunes dessinateurs ne se lancent pas tout de suite, la concurrence est rude, et même lorsqu'on sort son premier album, il faut qu'il marche suffisamment bien pour qu'on puisse espérer en sortir d'autres et en vivre. Je le répète, j'ai eu beaucoup de chance, d'autant que Pointe Noire et Clair de Lune sont des éditeurs qui donnent davantage leur chance aux jeunes auteurs que les grosses pointures.

Quelles sont pour toi les joies et les grandes difficulté du métier de dessinateur de BD ?
Les joies : finir une planche et en être satisfaite, voir les mises en couleur, puis finalement avoir l'album en main ! Par la suite, ça fait toujours plaisir d'avoir les retombées : les critiques, l'enthousiasme des lecteurs, les fan-arts que certains réalisent d'après mes personnages... Les difficultés : l'écriture du scénario, la recherche de documentation, toujours tenter de faire en sorte que chaque case soit mieux que la précédente, tout en faisant en sorte qu'on identifie toujours les personnages au premier coup d'oeil ! La principale difficulté, pour moi, c'est d'essayer de s'améliorer toujours davantage, de savoir se remettre en cause sans pour autant perdre le fil de l'album. Déjà, quand je compare les premières planches du tome 1 de Dread et les dernières du tome 2 que je suis en train de faire, je constate beaucoup de différences, certains personnages se sont affinés et me plaisent mieux maintenant.

Quelle définition donnerais-tu de la BD et pourquoi écris-tu ?
Comme je l'ai dit plus haut, je considère la BD comme un moyen de raconter une belle histoire avec de belles images... ou de faire rire, selon le style, bien sûr ! Depuis toujours, je m'imagine des personnages qui évoluent dans des mondes différents du nôtre, et j'ai toujours voulu partager ça avec d'autres. Avoir un album publié, c'est l'occasion de partager ses rêves avec des milliers de lecteurs, de leur dire : regardez, voilà ce qu'il y a dans ma tête. Si cela leur plaît, alors c'est le bonheur !

Comment est né le projet de Dread Mac Farlane dont tu signes à la fois le scénario et les dessins ?
Dread est née... de mon amour pour la saga de jeux vidéo Monkey Island !! Au départ, c'était une simple histoire de pirates dans les Caraïbes, avec des éléments fantastiques. Puis, au fur et à mesure, je l'ai fait évoluer... elle est même passée par Katura ! Puis, l'année dernière, j'ai redécouvert l'univers de Peter Pan. Celui-ci m'a toujours intéressée, étant moi-même affligée du syndrome du même nom, mais je m'y suis davantage attardée. J'ai lu le roman, la BD de Loisel, j'ai revu le film Hook et le dessin animé de Disney avec un oeil différent, plus analytique... et l'idée d'y inclure Dread est venu presque naturellement. La série définitive est donc devenu un mélange entre Peter Pan et Pirates des Caraïbes !

Qu’est ce qui te fascine dans l’univers de James Matthew Barrie ?
C'est une métaphore extraordinaire de l'enfance (pour Peter) et du passage à l'âge adulte (pour Wendy). Peter et les Enfants Perdus sont comme tous les gosses : ils ne pensent qu'à s'amuser, mais ils sont aussi cruels, parfois pires que les pirates. Le crocodile est également un symbole très fort du temps qui passe et qui dévore tout sur son passage. Quant au Pays Imaginaire dans son ensemble, il offre un merveilleux éventail de possibilités. Chaque enfant peut le modeler à sa manière.

Quelle est en quelque mot la trame de cet nouvelle série ?
Dread connaît durant toutes ses aventures les aléas du passage à l'âge adulte. Son attachement pour Peter symbolise son désir de rester dans l'insouciance de l'enfance, que lui offre le Pays Imaginaire, mais son attirance pour le capitaine Crochet représente également son désir de devenir adulte pour accomplir son destin. Mais ce n'est que le point de départ de plusieurs aventures à travers les mers du globe qui façonneront l'héroïne ; nous suivons son parcours initiatique du Pays Imaginaire aux Caraïbes.

Comment as-tu construit ton album ? As-tu commencé par cerner tes personnages, leur caractère et leurs motivations avant de les intégrer dans la trame du récit, ou es-tu parti de la trame pour tisser ceux qui allaient la vivre ?
J'ai d'abord imaginé les personnages. A partir du roman et des différentes adaptations, je me suis bâti ma propre vision des habitants du Pays Imaginaire. Quant à Dread, elle est passée par plusieurs apparences avant de trouver la définitive, mais son caractère était déjà fixé dès le départ : enthousiaste, un peu fofolle par moments, elle devient plus sombre en grandissant.

On peut découvrir la somptueuse couverture de La Carte d'Estrecherez, premier tome de la série ainsi que les cinq premières planches de l’album. Serait-il possible d’avoir le découpage, les crayonnés, l’encrage et la mise ne couleur d’une planche donnée pour se faire une idée de la façon dont vous travaillez ?
Errata : le premier tome se nomme La Carte d'Estrechez (et non d'Estrecherez), j'ai demandé à mon éditeur de corriger sur le site mais cela n'a pas encore été fait ! smiley Mais pour ce que vous me demandez, j'ai peur que cela ne soit difficile : en effet, mes découpages sont extrêmement succints, je me base surtout sur le scénario et je les jette au fur et à mesure... quant à mes planches, il n'y a pas de crayonné : je jette sur le papier les formes de base et les traits de construction au crayon bleu de manière grossière, puis je repasse par-dessus directement au crayon, afin d'obtenir le dessin définitif. Il n'y a pas d'encrage, le crayon est foncé au scanner pour obtenir un trait noir. Je vous conseille de visiter le site de Selkys, http://www.chaelle.net, pour voir des croquis préparatoires !

Certains dessinateur aiment à travailler en musique pour se plonger dans l’ambiance de leurs oeuvres. Est-ce ton cas ? Si oui, qu’écoutes-tu pour te mettre en condition ?
C’est également mon cas, et je préfère en général mettre des musiques en rapport avec ce que je dessine, pour être dans l’ambiance. Par exemple, je me suis passée en boucle la BO de Pirates des Caraïbes lorsque je dessinais Dread ! Mais j’ai d’autres musiques favorites, en général ce sont surtout des BO de films, de manga, un peu de musique celtique…

Comment te sens-tu à quelques jours de la sortie de ta seconde BD?

Je suis très impatiente de la voir en album, et encore davantage de voir comment elle va être accueillie…


Parallèlement à ta première BD, vous travaillez sur Chroniques de Katura, un jeu de rôle qui sera peut-être édité par Lupus Ideis. Ecrit-on de la même façon pour la BD et pour le JdR ?
Il est bien évident qu'on n'écrit pas de la même façon un jdr et un scénario de bande dessinée, mais à la base, il y a le même travail concernant l'univers dans lequel se déroule l'histoire.

L'univers de Katura, au départ, je l'ai développé pour y raconter mes histoires en BD, dont Chaëlle fut la première publication professionnelle. Mais je trouvais qu'un seul album n'était pas suffisant pour faire découvrir aux lecteurs toutes les richesses et les subtilités de Katura, sur lequel je travaille depuis des années.

J'ai donc compilé toutes mes idées sur le papier, j'ai posé certaines règles, et ainsi est né le jeu de rôles. Pour Dread, c'est plus facile, étant donné que l'univers est déjà connu ; il m'a suffit d'un travail de documentation sur les Caraïbes et les pirates au XVIIè siècle, et d'une lecture critique du roman de Peter Pan afin de rester fidèle à l'esprit du livre.

As-tu des bouquins à conseiller à des personnes désireuses d’en apprendre un peu plus sur la flibuste et les caraïbes ?
Malheureusement, mes principales sources de documentation viennent d'internet, et d'articles tirés de plusieurs magazines anciens. Mais j'ai lu un très beau livre qui m'a bien aidée à me plonger dans l'ambiance, et à me donner certains repaires historiques : Pirates & Flibustiers, Brigands des Mers. Mais là je ne l'ai pas sous la main, je ne peux pas vous fournir le nom de l'éditeur ni de l'auteur !

Quel est ton JdR favori ?
Ca fait un moment que je n'ai plus trop le temps de jouer, mais c'est bien sûr AD&D qui m'a le plus marquée (même si j'ai réellement commencé avec HeroQuest puis D&D). J'aime également beaucoup l'univers délirant de Paranoïa, les règles simples de Star Wars...

Quelle définition du JdR donnerais-tu à un profane ?
Simplement un excellent moyen de passer un super moment entre amis, à vivre des aventures imaginaires dépaysantes et enrichissantes, à se prendre le temps d'une partie pour un héros ou quelqu'un que l'on rêve d'être mais qu'on ne peut pas être dans la vie réelle...

Quels sont tes projets futurs et imminents ?
Finir Dread, je ne sais pas encore combien d’albums en tout la série comptera. J’ai bien évidemment l’intention de reprendre des séries se déroulant à Katura (Chaëlle ou autres), et je suis encore en négociations pour une adaptation d’une autre série médiévale-fantastique, qui devrait peut-être commencer bientôt.

Quel est ton dernier coup de coeur ? (cinéma, roman, BD ou autre) As tu déjà vu la nouvelle adaptation de Peter Pan au cinéma ?
Je n’ai pas encore vu l’adaptation de Peter Pan mais j’irai très bientôt ! Mon dernier coup de cœur… j’ai revu Le Retour du Roi 3 fois ! Kill Bill était également assez impressionnant, Nemo très amusant. Je n’ai pas lu de nouvelle BD depuis longtemps malheureusement. Quant aux romans… je ne suis pas une grande lectrice !

Y a-t-il une question que je n’ai pas posé et à laquelle tu aimerais néanmoins répondre ?
Je ne vois rien pour le moment.

Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un petit portrait chinois à la sauce chrysopéenne…

Si tu étais une créature mythologique : Pégase
Si tu étais un personnage historique : pfiouuh…
Si tu étais un personnage biblique : euuuh…
Si tu étais un personnage de roman : voir question sur Peter Pan!
Si tu étais un personnage de bande dessinée : Aria
Si tu étais un personnage de cinéma: Jen (Dark Crystal)… ou une reine alien !
Si tu étais une œuvre humaine : ?

Un grand merci pour ta disponibilité et ta gentillesse !
Le Korrigan