Tout d'abord un grand merci de vous prêter à ce petit jeu de l'interview...
C'est un plaisir, et puis ce grand restaurant où vous m'avez convié est tout à fait convivial.
C’était la moindre des choses vu que vous vous étiez engagé à nous donner une planche originale de chacun de vos albums
C’est vrai ! Je peux reprendre un dessert ?
Oui, bien sûr, plusieurs fois même… et de cet excellent cognac aussi…
Quels sont vos auteurs favoris?
La liste est longue. Commençons par la bande dessinée. J'aime la plupart des grands classiques de la BD franco Belge, Hergé, Goscinny, Charlier, Greg, Franquin. Avec une petite référence pour la série Lucky Luke. Sinon, j'aime évidemment Hugo Pratt, Tardi, et le travail de Pierre Christin, Dans les années 80 et 90, le scénariste Yann ainsi que Tome. Et puis, il y a Vatine & Cailleteau, mais là c'est encore autre chose. Sur la BD très récente, il y a une telle profusion que je ne citerai personne en particulier. J'ai plutôt des coups de coeur pour des albums ou série , genre Norbert l'imaginaire, Sillage, Le photographe, la Guerre d'Allan, Schenzen, Dans la nuit.
En musique : Les Beatles, les Ramones, le Clash, David Bowie, Massive Attack .
En littérature : il y a la Science Fiction, évidemment, avec dans le désordre, Philip K. Dick, Norman Spinrad, Tim Powers. J'ai découvert le polar très tardivement. Pour tout vous dire, je n'ai pas encore lu tous les ouvrages de James Ellroy, mais j'avance bien
J'aime aussi des auteurs tels que Camus, Malraux, avec une passion particulière pour Romain Gary.
Au cinéma : j'aime Ford, Hawks, Eastwood, mais aussi Cameron, Hitchcock, Leone.
Quelle définition donneriez-vous de la BD ?
“ La bande dessinée est l’art de la narration graphique par ellipse. ” C’est court, et vu que personne ne tombe jamais d’accord sur les définitions longues, autant polémiquer sur une courte
Qu’est ce qui vous a poussé à devenir scénariste ?
J’ai toujours aimé écrire, et j’aime le dessin. Ensuite, rien ne m’a vraiment poussé. J’ai essayé, des gens m’ont encouragé à continuer, voilà…
Je vous ai découvert avec 500 Fusils, excellent western dessiné par Lamy. Comment est née cette aventure?
J'ai rencontré Cailleteau et Vatine au milieu des années 80, la maison Delcourt naissait avec leur premier album, Galère Balnéaire. A l'époque je participais à des fanzines, des journaux étudiants, et je tentais de monter des projets de bandes dessinées. Thierry et Olivier ont eu la gentillesse de lire mes projets durant quelques années. Et puis un jour, en 1990, un des projets les a fait rire : Fish & Ships. C'était des strips en 3 cases, des gags avec des petits poissons que dessinaient Luc Turlan. Les commentaires m 'ont encouragé à continuer, j'ai fait pas mal de publicité, je prenais tout ce qui se présentait , en fait. Tout cela m'a fait progresser.
Et puis en 1992, Thierry et Olivier m'ont proposé de participer à un projet pour Fabrice Lamy. Au départ, nous voulions monter une série d'aviation. Après quelques mois, cela s'est réorienté vers une série Western, domaine de prédilection de Fabrice. Wayne Redlake était né. Guy Delcourt a signé le projet, et nous nous sommes mis au travail. Sur le scénario, le contrat avec Thierry était simple : j'étais là pour apprendre
Donc, je découpais et dialoguais d'après un séquencier que nous avions construit et rédigé, puis il “ repassait ” sur mon travail.
Forcément, sur certaines scènes, il ne reste pas grand chose de ma prose
Quand Thierry avait terminé, dans mon coin je comparais les versions, j'essayais de comprendre pourquoi il avait viré ou complété tel truc, puis j'attaquais la suite. C'étais très stimulant, frustrant parfois, évidemment, mais je crois que ça m'a fait gagner quelques années de rodage technique. Dans le même temps, tout ce que j'apprenais sur 500 Fusils, j'essayais de l'appliquer à un autre projet en gestation (avec Olivier Vatine, cette fois) : Carmen mc Callum.
500 Fusils était présenté comme étant le premier tome de la série Wayne Redlake, premier tome plus que prometteur par ailleurs ! Pourquoi le projet a-t-il été abandonné ?
Wayne Redlake s’est arrêté parce que Fabrice Lamy s’est orienté vers une autre série Western, tout simplement.
Thierry et moi avons fait quelques essais avec d’autres dessinateurs, qui, malgré leur talent, ne convenaient pas à l’esprit de la série. Au bout de quelques mois nous avons décidé qu’il était préférable d’en rester à ce premier tome qui n’appelait pas forcément une suite.
Avec Carmen mc Callum, vous êtes pour la première fois seul à signer le scénario… Comment est né ce personnage ?
Nous l’avons imaginé avec Olivier Vatine et Fred Blanchard. L’idée de départ était de faire un James Bond féminin et Cyber Punk. Mais l’envie était de traiter les grands thèmes cyberpunks (relations homme/machine, manipulation par les I.A. etc.) dans les grands espaces plutôt que dans un milieu urbain type Blade Runner ou Neuromancien.
Olivier Vatine et Fred Blanchard ont signé de nombreuses illustration de jeux de rôle ou de magazine de JdR. Est-ce un milieu que vous avez fréquenté ?
J’ai été joueur, comme beaucoup de gens, mais je n’ai jamais travaillé dans le monde du jeu de rôle. Par contre, c’est en découvrant son dossier chez Cassus Belli que Fred Blanchard a découvert Christophe Quet, le dessinateur de Travis.
Quel était lors votre JdR favori et votre meilleur souvenir de joueur ? Etiez-vous plutôt joueur ou meneur ?
L’appel de Cthulhu, j’étais meneur de jeu.
Si vous deviez expliquer à un profane ce qu’est le JdR en quelques mots, que lui diriez-vous ?
C’est un jeu ou l’on change de peau et où l’on se couche très tard…
Est-il fondamentalement différent de créer une histoire pour le JdR et pour la BD ?
Oui, ça n’a rien à voir. Dans le jeu de rôle on échafaude une intrigue vouée à évoluer en fonction des réactions des joueur. Ensuite, le talent du meneur de jeu se situe dans l’expression orale. Il doit décrire l’ambiance, guider sans en avoir l’air etc. Si une explication passe mal, une nouvelle exposition est possible. Dans une bande dessinée, une fois l’intrigue construite, les auteurs mettent leur technique au service de l’histoire. Si le lecteur n’est pas capté, il n’y a pas de séance de rattrapage. La complicité entre auteur et lecteur doit être permanente.
Sur les intrigues en elles même, ce n’est pas la même construction, une bande dessinée c’est un récit qui se doit d’être structuré pour être lu. Il faut y laisser la place pour que l’imaginaire du lecteur fasse une partie du travail, mais la moindre faille dans la structure peut être fatale.
Sur le site de votre éditeur bien aimé, il est annoncé que vous travaillez activement sur l’adaptation de Carmen mc Callum et film d’animation. Où en est le projet ?
Le projet est abandonné depuis un petit moment, en fait. Nous allons le retirer de la bio qui accompagne mes albums. En revanche, une nouvelle société de production cinématographique (La Terre Tourne) tente en ce moment de réaliser une adaptation “ live ” des trois premier bouquins. Je ne peux pas vous en dire plus si ce n’est qu’avec le cinéma, tout est long. Ca représente des budgets qui, pour nous auteurs de BD, sont presque abstraits. Alors pour qu’un projet se monte, il faut avant tout s’armer de patience. En tout cas, j’ai lu un premier traitement de l’adaptation et ça m’a vraiment bien plu.
Euh… Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par adaptation live ?
“ En vrai ”, avec des comédiens J Désolé pour l’angliscisme, ça m’a échappé
Une actrice est-elle déjà pressentie pour le rôle titre ?
Les gens de “ la terre tourne ” ont leur actrice idéale bien en tête, mais je crois que c’est bien trop tôt pour en parler. Pour vous, ce serait qui ?
Dur comme question… j’y réfléchis intensément…
Contrairement à l’héroic-fantasy, le cyberpunk est un genre assez peu représenté en BD. Pour quelle raison d’après vous ?
Alors là, je n’ai d’idée très précise sur la question… Peut-être que c’est un genre “ naturellement ” moins grand public… Le cyberpunk, avant Matrix précisons-le, était un genre qui demandait au lecteur d’avoir quelques petits acquis, une petite culture S.F. Il n’y a pas eu dans ce genre un succès tel que la Quête de l’oiseau du temps en H.F…
En 1997 paraît Travis, dessiné par Christophe Quet. Cette série, ancrée dans le même univers que celui de Carmen mc Callum révèle, si besoin était, vos talents de scénaristes. C’est avec déléctation que l’on voit se démêler les fils des écheveaux posés dans le premier album.
Comment est né la trame de Travis ?
Au départ, il s’agissait de réaliser un One Shot. Une sorte de Die Hard dans l’espace. Bien sûr, nous espérions tous qu’il y aurait une suite et les personnages ont été imaginé en fonction de cette suite éventuelle. Mais l’histoire aurait pu se terminer au tome 1. Ce premier album, sans être un grand succès, a tout de même trouvé son public. A partir de là, j’ai pris plusieurs semaines pour construire une suite.
D’un point de vue général, comment construisez-vous vos scénarios ? Commencez-vous par vous efforcer de cerner vos personnages principaux avant de les plonger dans une intrigue où est-ce que vous leur taillez un costume sur mesure pour leur faire vivre les aventures que vous avez imaginé ?
Je n’ai pas de règle. Pour Travis, il fallait trouver un personnage pouvant s’adapter à une structure genre Die Hard… Très vite, l’idée d’un pilote est venue. Pour le méchant, Vlad, c’est la même chose, il fallait un type impitoyable. Ensuite, après avoir installé les deux personnages, je me suis amusé à “ sortir ” du modèle Die Hard. Dans ce premier tome, Travis ne combat pratiquement pas, il n’utilise qu’une seule fois une arme à feu lors d’un corps à corps… L’idée que Travis est un héros qui n’utilise pas d’armes à feu est venue assez vite et je l’ai gardée pour tout le cycle. Pour Vlad, même chose, je voulais d’un méchant avec un lourd passé…
Pour d’autres projet, c’est le contraire, Carmen était là bien avant la première intrigue. Le personnage de Gabriel Valentin la Rochelle (Gavroche dans Hauteville House) également. En fait, dès qu’un personnage est “ actif ”, qu’il provoque l’action, comme un agent secret ou un mercenaire, on a tendance à le déterminer, puis à lui inventer des missions. Par contre quand un personnage est plutôt la victime (comme Travis au départ) on a tendance à avoir une idée d’histoire pour ensuite déterminer le profil de celui qui en sera la victime… Enfin, il n’y a pas de règle et tout peut venir en même temps
Dans Travis, pour conclure, je me suis amusé à tout retourner à mesure que l’histoire avance. La révélation finale du tome 5 n’était pas pour moi un gadget. Il fallait aller au bout de l’idée présente dès le premier tome : ne jamais se fier aux apparences…
Avec l’excellent Gibier de Potence, vous replongez dans l’univers du western. Après avoir co-scénarisé le premier tome, vous signez seul le second. Comment avez-vous travaillé avec François Capuron sur le premier tome?
Euh, ben non, François a travaillé sur les deux tomes
… et sur le 3 également !
Ah… on m’aurait menti à l’insu de mon plein grès ? Autant pour moi, désolé…
François me propose des sujets, éventuellement la documentation qui va avec, nous en discutons et nous construisons un séquencier ensemble. François découpe et dialogue les planches par séquences complètes, puis je les retravaille. Ensuite je les envoie à Fabrice Jarzaguet. Fabrice me faxe un story board détaillé que je lui commente.
Quelles sont vos référence en matière de Western et s’il ne devait en rester qu’un, quel serait-il ?
S’il n’en restait qu’un ce serait “ Rio Bravo ” d’Howard Hawks. C’est mon “ film préféré du monde ” avec la “ Mort aux trousses ” d’Hitchcock.
Mais j’aime beaucoup John Ford, bien sûr. La trilogie de la cavalerie particulièrement et puis “ La prisonnière du désert ”, “ L’homme qui tua Liberty Valance ”…
De la vague européenne, de Leone donc, c’est le Bon, la brute et le truand que je préfère.
Et puis Il y a LE Eastwood… “ Impitoyable ”
Ce western m’a aussi beaucoup marqué… Qu’est ce qui vous pousse à le faire entrer dans votre panthéon western ?
Parce que, comme on dit dans les revues sérieuses, c’est un western “ crépusculaire ” comme l’avait été jadis, Liberty Valance de John Ford. Dans ce film, Eastwood revient sur le personnage qu’il a incarné durant 30 ans à l’écran et nous montre qui il était vraiment… Ca peut parfois tourner à la rédemption ridicule ce genre de démarche, mais dans Impitoyable, Eastwood ne méprise jamais le genre Western, il lui rend le plus bel hommage avec rigueur et classicisme dans la mise en scène.
Cette année, j’ai beaucoup aimé Open range, de K. Costner. C’est marrant, il y a quelques similitudes avec le troisième Gibier de Potence…
Peut-on en savoir plus ?
L’idée d’un petit village tranquille qui soudain va se transformer en stand de tir grandeur nature pour, finalement, pas grand chose, juste un dérapage, un manque de dialogue. On parle toujours de son époque…
Récemment est paru votre dernier bouquin, le premier tome d’une série prometteuse : Hauteville House, dessiné par le talentueux Thierry Gioux… Comment est né ce projet ?
J’avais le principe de la série dans mes cartons depuis 7 ou 8 ans… Après avoir lu “ Les voies d’Anubis ” de Tim Powers, en fait. Enfin, j’avais l’idée du personnage principal et du monde “ à la Jules Verne ”… Il manquait le dessinateur. Un projet ne démarre jamais vraiment tant qu’un dessinateur ne s’affirme pas prêt à le mener. Bref, dans ma petite tête, le pari était de mettre en relation un dessin “ Glénat historique ” et la forme de découpage, de narration, que nous aimons bien dans “ Série B ”… Alors quand Thierry, que je connais depuis une vingtaine d’année, m’a demandé si je n’avais pas un projet, je me suis dit que le moment était venu de se lancer. Au départ, il souhaitait faire un western au Mexique… Je lui ai donc parlé de mon idée d’uchronie sous le second empire et proposé d’orienter le premier cycle sur le Mexique et l’Amérique du nord en pleine guerre de sécession. Voilà.
Après le cyberpunk, vous explorez pour notre plus grand plaisir le steampunk, petit fils du premier. Qu’est-ce qui vous fascine dans ce genre littéraire assez peu représenté en BD ?
L’ambition était d’une part de retrouver un peu le ton du feuilleton télé les mystères de l’ouest, et d’autre part de “ jouer ” avec l’Histoire afin que le lecteur ne sache plus à la fin du livre ce qui est historique et ce qui est inventé… Hauteville House est une série de divertissement.
Est-ce que c’est steampunk, tout cela ? Je n’en sais rien… En fait, ce n’est pas trop le genre qui m’intéresse, mais plutôt les possibilités qu’il offre. En revanche, j’ai une vrai fascination pour le 19 e siècle, et j’avais envie de jouer avec le second empire afin d’en donner ma vision : sous la porcelaine, une satanée machine à broyer. Le tout avec sourire, décontraction, et rigueur, bien entendu.
Le Steampunk est en général ancré dans l’Ere Victorienne… Est-ce par jeu que vous avez centré l’intrigue sur le Règne de Napoléon III ?
Parce que c’est la même époque
Nous avons simplement décalé le genre géographiquement. A la base, le Steam Punk se déroule à Londres car cette ville est le creuset de la révolution industrielle. Il me semblait intéressant de centrer cette fiction sur l’Histoire française. De plus, la lutte entre l’Empire et les Républicains me semble présenter un rapport de force simple à expliquer, il ouvre une quantité inépuisable d’enjeux.
Vous-êtes vous plongé dans de nombreux ouvrages pour poser le cadre historique dans lequel votre intrigue allait évoluer ? Si oui, avez vous des références de bouquins qui aideraient nos lecteurs à se plonger dans cette époque ?
Il faut bien sûr étudier le second Empire de façon “ scolaire ”… Là dessus, il existe un grand nombres d’ouvrages spécialisés… J’utilise les Points Histoire (Seuil) Ensuite, pour Hauteville, en particulier, il est intéressant de relire les romans de Jules Verne et ceux d’Hugo, de se plonger dans des livres d’illustrations de l’époque.
En ce moment, je suis en train de lire un roman Steampunk français qui a des principes communs : la lune seule le sait de Johan Heliot. Pas mal de gens m’en ont parlé depuis la sortie de Hauteville House, me demandant même si je m’en suis inspiré…
Christophe Quet a signé le story-board de l’album. Comment s’est réparti le travail entre vous, Thierry Gioux, Christophe Quet et Carole Beau, qui signe la superbe mise en couleur de ce qui est pour elle son premier album?
Avec Christophe, nous travaillons comme sur un Travis. J’écris un découpage dialogué, il le transforme en page de bande dessinée. Une grande partie du travail se fait “ oralement ”, au bistrot ou au téléphone.
Mais, quand j’ai terminé une séquence, je la poste aussi à Thierry Gioux qui doit, en amont, préparer les machines, les lieux. A son niveau aussi, il y a des discussions, des échanges de documentations.
Pour la mise en couleur de Carole, Thierry envoi des indications et Olivier Vatine commente les planches une fois mise en couleur.
Vous et vos comparses parvenez avec une facilité déconcertante à immerger le lecteur dans un univers uchronique en posant le décor dans le feu de l’action. Comment vous y êtes vous pris ?
C’est très difficile de répondre à ça ! Nous, nous essayons de parvenir à ce que vous décrivez… C’était même l’ambition de départ : faire du steampunk, mais se débrouiller pour qu’à la fin du bouquin, le lecteur ne sache plus ce qui est réel et imaginé… A priori, cela fonctionne avec pas mal de gens… Disons que pour que cela fonctionne, il fallait, justement, embarquer le lecteur et ne jamais ralentir la vitesse… L’imagination du lecteur doit fonctionner en permanence pour combler les trous, mais si le moteur à des ratés, le lecteurs risque de décrocher… Suis-je clair ? Pas certain ! J En réalité, il y a dans cette façon de raconter “ dans l’action ” une certaine technique… Disons que cette facilité dont vous parlez vient peut être du fait que si Hauteville House est un tome 1, ce n’est pas le premier album des gens qui l’ont réalisé… A force, on fini par avoir un petit savoir faire…
Vous avez placé le quartier général agents républicains dans la maison d’exil de Victor Hugo. Qu’est ce qui vous fascine dans la personnalité de ce personnage? Sa prose ou son engagement politique ?
Pour moi son engagement politique tient, dans son œuvre, une place aussi importante que ses poésies ou ses romans, ses pièces, ses dessins…
Vous voulez parlez de son engagement politique contre l’Empereur, de son combat contre la peine de mort et de sa défense des communards ?
Oui, oui ! Si Hauteville House peut servir à rappeler cette facette de la carrière d’Hugo, alors tant mieux, d’autant que le débat Historique n’est pas clos… Aujourd’hui, dans la classe politique française, on trouve encore des hommes et des femmes qui s’inspirent de Napoléon III. Quand nous faisons le choix de présenter le second empire comme une machine autoritaire, voire despotique, nous exprimons une opinion politique.
“ Une terre au flanc âpre, avare, inclément, où les vivants pensifs travaillent tristement et qui donne a regret à cette race humaine un peu de pain pour tant de labeur et de peine ”… Victor Hugo était déjà présent dans 500 fusils, dans la bouche d’un Colonel de l’Armée Française combattant les Juaristes dans le Mexique de Maximilien… Est-ce un hasard si votre intrigue se déroule en partie au Mexique à cette même époque?
Quand Thierry Gioux m’a contacté pour savoir si nous pouvions envisager un projet ensemble, il souhaitait faire un western dans la lignée de 500 fusils. Sa passion pour le Mexique, comme la mienne, ne date pas de l’avant projet… Moi, j’avais cette envie d’une série autour du second Empire… Alors, je lui ai proposé que la première intrigue se déroule en grande partie au Mexique…
C’est vrai que l’ombre d’Hugo planait déjà sur 500 fusils. C’est logique puisqu’il s’agissait aussi d’y monter la légion envoyée par l’empereur au secours de Maximilien. Dans 500 fusils, la citation d’Hugo était plus ironique, car nous présentions un Soldat de l’Empereur admirateur d’Hugo… Un personnage plein de contradictions, donc.
Le Prologue de HauteVille Housse m’a tout de suite fait penser aux ambiances Lovcraftiennes… Connaissant à présent votre passé de Gardien des Arcanes (ndlr : meneur de jeu au jeu de rôle l’appel de Chtulhu), je me demandais si nous allions retrouver des Grands Anciens dans le second opus…
J’ai “ dévoré ” Lovecraft, il y a une vingtaine d’années. Mais c’est surtout Thierry Gioux qui voue un véritable culte à cet auteur. C’est vrai que c’est une de nos références communes… Maintenant, je ne vous dirais rien sur ce qui est sorti de derrière la grande porte de l’intro du tome 1
gardons l’effet de surprise pour la suite !
Comment travaillez vous sur les différentes séries que vous scénarisez ? Simultanément ? un album après l’autre ?
Je travaille par semaine complète. Une semaine sur Travis, puis la suivante sur Carmen etc. C’est donc du simultané. En fait, je n’aime pas prendre trop d’avance sur les dessinateurs. Avant de commencer un album, je dois savoir où je vais, j’ai donc une idée précise de la situation des personnages à la fin. Mais j’aime bien garder un peu de grain à moudre pour la route. C’est parfois assez risqué, mais ça permet de bien rebondir sur certaines solutions graphiques que proposent les dessinateurs. Bien sûr, le projet ne doit pas changer d’angle ou d’ambition, en cours de route sous la pression du dessin, mais il peut évoluer. Dans le cadre de Carmen et de Travis, les séries se mélangeant depuis le départ, il m’arrive de mettre de côté une idée de l’une pour mieux l’exploiter dans l’autre.
Lorsque vous écrivez, avez-vous des trucs pour vous mettre en condition ? (musique ou autre..)
J’ai besoin de calme et de silence. Selon la phase de travail, par exemple quand je relis l’intégralité des dialogues d’un album, je m’accorde un fond musical, pour l’ambiance
En tant qu’auteur, comment vivez-vous les séances de dédicaces et que pensez-vous de la spéculation galopante qui sévi dans le monde de la BD (revente de dédicace, d’ex libris, d’EO & cie) ?
Je n’ai pas vraiment d’opinion la dessus… Il y a de la spéculation, certes… C’est mal ? Sûrement… Maintenant, tant qu’à choisir, j’aime mieux voir mes livres vendus aux enchères plutôt qu’en bacs de soldes… Voilà. Le problème des reventes de dédicaces est un peu plus compliqué que celui des cotes. La dédicace, c’est un cadeau fait au lecteur, généralement c’est un dessin qui n’est pas réalisé dans des conditions de travail optimales… C’est un petit crobard, quoi… Que des gens soient prêt à dépenser des sous pour acheter ces “ petits souvenirs ” qui normalement sont là pour ponctuer une rencontre, je trouve ça bizarre. Mais bon, il y a plus grave dans la vie.
Y-a-il une question que je n’aurais pas posé et à laquelle vous aimeriez néanmoins répondre ?
Juste un petit mot sur les récits courts de Carmen + Travis, parce que beaucoup de choses très injustes ont été dites ou écrites sur cet album… On nous a reproché des scénarios bâclés, des dessins bâclés, bref, un projet qui n’avait d’autre intention que de faire de l’argent… Je n’ai pas trop envie de me justifier, mais je voudrais juste dire à tous les donneurs de leçons et à tous ces gens qui croient savoir ce qui se passe dans la tête des autres que nous avons été très choqués et un peu affectés par ces propos souvent à la limite de l’exercice de style bête et méchant…
Et puis un petit mot pour remercier les premiers lecteurs, internautes ou pas, de Hauteville House qui, par le jeu du “ bouche à oreille ” ou du “ clavier à moniteur ”, ont bien aidé l’album à trouver son public. C’est important, surtout pour un tome 1.
Pour finir et afin de mieux vous cerner, voici le traditionnel portrait chinois à la sauce Chrysopéenne (vous pouvez évidemment étoffer vos réponses en expliquant le pourquoi du comment ;o) ) :
Si vous étiez…
une créature mythologique : Le Sphinx, pour le côté devinettes…
un personnage biblique :.Mad Max… O.K. , c’est pas drôle
un personnage historique : Jaurès.
un personnage de roman : Morel, dans “ les racines du ciel ” de Romain Gary
un personnage de jeu de rôle :.Jean-Pierre Raffarin
un personnage de théâtre : Sarkoz… Non ! Plutôt Cléante dans “ le Tartuffe ”
une œuvre humaine : Le “ double blanc ” des Beatles, qui n’est peut-être pas le meilleur mais dont on ne fera jamais le tour.
Un grand merci pour votre disponiblité !
Mais de rien ! Finalement, je vais me laisser tenter par le Cognac.