A l’occasion de la parution de second tome des Cercles d’Akamoth, Mickael LE GALLI, le talentueux scénariste de la série et des Démons de Marie a accordé un sympathique entretien aux Sentiers de l’Imaginaire…
Tout d'abord merci de te prêter à ce petit jeu de l'interview...
D’accord : alors B4 jaune, A8 rouge et C12 vert. J’ai bon ?
A l'eau, à l'eau et... à l'eau aussi, pas de bol ;)
Sinon,Comment es-tu tombé dans la marmite de la BD?
Enfant, je découvre la bande dessinée franco-belge : Tintin, Lucky Luke et Blueberry notamment puis un oncle m’abonne au journal Tintin. Vers 10 ans je découvre émerveillé, et en cachette, les œuvres d’Hugo Pratt (qui est resté pour moi l’Auteur incontournable) et les premiers numéros de Fluide Glacial (là par contre, après l’adolescence, j’ai vite décroché)…
Adolescent, je deviens l’un des responsables d’une BDthèque. Plus de 5000 bandes dessinées à ma disposition ! ! Au cours de mes études d’ethnologie, j’entreprends des recherches en rapport avec la bande dessinée (Maîtrise sur les relations entre la Bretagne légendaire et la bande dessinée). En doctorat d’ethnologie je travaille sur les auteurs de bandes dessinées. Dans ce cadre, je décide de suivre « de l’intérieur » l’évolution d’un projet de bande dessiné en me positionnant comme scénariste.
Le scénariste Dieter, rencontré à Quai des Bulles me propose son aide : c’est lui qui m’apprend les bases du scénario de bande dessinée. Petit à petit, j’ai abandonné mes recherches d’ethno. pour me consacrer au scénario. Par la suite, j’ai continué à travailler mes techniques narratives avec David Chauvel. Et puis… j’ai rencontré Emmanuel Michalak fin 1999 et le premier album des
Cercles d’Akamoth est paru chez Delcourt en mai 2003 (le tome 2 est prévu pour août prochain). Et c’est avec Marie Jaffredo, avec qui j’avais travaillé sur le collectif
Piaf chez Petit à Petit, que je signe
Les Démons de Marie chez Carabas dont le premier tome (sur 2 prévus) vient de paraître.
Quels sont tes auteurs de BD favoris?
pas facile, ça... pas facile du tout même...
disons qu'en ce moment
URASAWA (20th century boys & Monster) et
TANIGUCHI (Le journal de mon père, Quartier lointain, Kaze no sho, Le sommet des Dieux, Benkei in New York) m'impressionnent beaucoup... Joseph
LOEB et Tim
SALE aussi avec leur BATMAN (Long halloween & Dark Victory) et puis PRATT bien sûr qui reste pour moi la référence absolue...
sinon, en vrac : Philippe
MOUCHEL, pour Le Mur de Pan, cet auteur est l’un des rares à avoir une écriture poétique en bande dessinée ; Alain
AYROLLES pour De Cape et de Crocs : quel talent d’écriture ;
ARISTOPHANE pour Conte Démoniaque, Fabrice
NEAUD pour son Journal, Alan
MOORE, bien sur, pour son génie : les Watchmen, V pour Vendetta, From Hell, La Ligue des gentlemen extraordinaire, etc. ;
DAVID B surtout pour les Incidents de la Nuit et Les Chercheurs de trésor ; David CHAUVEL pour sa rigueur et la diversité de ses œuvres : Ring Circus, Trois allumettes, Lili et Winker, Le Poisson Clown, Octave… et puis et puis : THANEROS de Larnoy, Carré & Parrent, les ERRANCES DE JULIUS ANTOINE & LA GLOIRE D'HERA de Rossi et Letendre, tout LARCENET (quel talent !), REBECCA de Brandoli et Queirollo, REVER PEUT ETRE de Manara, CAGES de Mc Kean etc. etc.
Lorsqu’on débute en BD, est-ce difficile de trouver un éditeur?
OUI ! enfin, pour ce qui me concerne… Et c’est parfois encore le cas avec des projets un peu « originaux »… même si, petit à petit, certains éditeurs commencent à me faire davantage confiance…
Comment est né le projet des Cercles d’Akamoth ?
A l’origine, les « Cercles » sont nés d’une envie de raconter l’histoire d’un flic noir à Los Angeles. James Ellroy avec le Quatuor de Los Angeles, Edward Bunker avec Aucune bête aussi féroce et Michaël Connelly avec les Harry Bosch y sont sûrement pour quelque chose. D’un autre côté, la découverte des thèses gnostiques (hérétiques des premiers siècles du christianisme) et la lecture du livre de Papini sur le Diable ont orienté le récit vers plus d’ésotérisme. Mais
Les Cercles d’Akamoth n’était pas notre premier projet commun avec Emmanuel Michalak. En septembre 2000, avec Emmanuel nous avions d’abord présenté un projet de polar psychologique et intimiste aux éditions Delcourt… projet qui a été refusé. Néanmoins, François Capuron (directeur éditorial) nous a invité à lui présenter un autre projet pour la collection Machination qu’il souhaitait développer. Nous nous sommes remis au travail et quelques mois plus tard, nous présentions « Les Cercles d’Akamoth » qui a, en fin de compte, été publié dans la nouvelle collection Insomnie…
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet de polar psychologique ?
Québec/Gaspésie. Polar psychologique, Au Nom du Père, relate la rencontre insolite entre un truand en cavale, James (Jim) Mathew Bissette, et un enfant psychotique, Victor Chenevert. Le temps d’un week end, nous suivons l’évolution dramatique de cette relation singulière sur laquelle plane l’ombre omniprésente du « père »… Parallèlement à cette première « intrigue », venait s’ajouter l’histoire tragique qui unit Jim, Oskar son ami d’enfance et Jeanne la femme de sa vie… A travers ce récit, je souhaitais surtout rendre un double hommage à Truffaut, celui de l’Enfant sauvage et celui de Jules et Jim…
Un projet original ! Est-il définitivement abandonné ?
Non, rien n’est définitivement abandonné… Emmanuel avait évoqué l’idée de faire le story de ce one shot puis de demander à un(e) autre dessinatrice/teur de prendre le relais… A suivre donc…
Comment as-tu rencontré Emmanuel Michalak ?
J’ai rencontré Emmanuel Michalak fin 1999 par l’intermédiaire d’Anne Ploy avec qui j’avais sympathisé au festival Quai des Bulles à Saint Malo. Comme je l’ai déjà précisé, dans un premier temps nous avons développé un projet de polar psychologique et intimiste, un one shot en N&B. En septembre 2000, avec Emmanuel nous avons présenté ce projet aux éditions Delcourt… projet qui a été refusé. Néanmoins, François Capuron nous a invité à lui présenter un autre projet pour la collection Machination qu’il souhaitait développer. Nous nous sommes remis au travail et quelques mois plus tard, nous présentions « Les Cercles d’Akamoth »…
Comment organisez-vous votre travail avec Emmanuel ?
Formellement, après avoir rédigé un synopsis/séquentiel dialogué de l’album, je découpe chaque planche, case après case avec échelles des plans, cadrages, descriptions et dialogues. Une fois cette mise en scène virtuelle terminée, je la soumets à Emmanuel qui la met en image en se l’appropriant, en y apportant des améliorations. Une fois qu’Emmanuel a réalisé un story board, nous retravaillons ensemble le découpage et les dialogues. Généralement nous travaillons sur une scène complète. Une fois les planches encrées, il m’arrive de revenir encore sur certains dialogues.
Serait-il possible de voir le synopsis / séquentiel d’une planche donnée afin de mieux comprendre ton travail de scénariste ?
oui, voici par exemple la planche 37, scène 14 du tome 2 : LA NOUVELLE ALLIANCE
LA NOUVELLE ALLIANCE - scène 14 – planche 37
Case 1 : Plan américain sur Edgar en plongée avec Moore à l’arrière plan
Edgar relève la tête, il a un regard de fou : Il n’y a plus de limite…
Case 2 : plan rapproché sur le bureau de Moore, Moore et Edgar
Edgar renverse le bureau de Moore sur le côté, Moore a un mouvement de recul pour ne pas être « touché » par le bureau…
Edgar en hurlant : IL N’Y A PLUS DE LIMITE !
Case 3 : plan américain sur Moore avec Edgar en arrière plan
Moore en brandissant un bras menaçant vers Edgar tout en lui indiquant la porte : SORTEZ D’ICI TOUT DE SUITE ! !
Case 4 : plan moyen de profil sur le bureau de Moore avec Edgar de dos qui sort du bureau
Edgar en ouvrant la porte du bureau de Moore : C’est ça, je m’en vais, vous pouvez commencer à étouffer l’affaire…
Case 5 : plan large en plongée sur la salle des inspecteurs avec Edgar en ligne de mire
Quand Edgar sort du bureau de Moore, tous les regards sont fixés sur lui. Silence. Edgar pénètre dans la salle des inspecteurs.
Case 6 : plan moyen sur le couloir qui donne sur la salle des inspecteurs
Dans le couloir, Wilcox, qui vient d’un autre bureau et qui n’a donc pas assisté à l’altercation avec Moore, lui tombe dessus.
Wilcox agressif : Merde Edgar ! C’est toi qui a explosé mon terminal ?!
Edgar en passant devant lui : Vas chier !
Case 7 : plan rapproché sur l’épaule d’Edgar à l’avant plan et Wilcox qui le retient
Wilcox en lui posant la main sur l’épaule pour le retenir : Hé !
Case 8 : plan moyen de profil sur Edgar et Wilcox
Edgar en lançant Wilcox contre le mur : TU ME LACHES !
Case 9 : plan large en plongée avec Edgar à l’arrière plan qui entre dans un ascenseur et Wilcox et Diaz à l’avant plan
Alors que de nombreuses personnes regardent Edgar entrer dans l’ascenseur, Diaz aide Wilcox, sonné, à se relever.
Diaz en relevant Wilcox « sonné » : Quel Malade !!
Les Cercles d'Akamoth : Making Off
La mise ne scène, le découpage et les plans sont résolument cinématographiques. Quelles sont tes références cinématographiques ? Tes films cultes ? (films policier notamment)
Pas de film policier « culte », mais des séries TV comme 24, The Shield, Boomtown ou les Sopranos m’aident à trouver une « tonalité »…
As-tu fait de grosses recherches documentaire avant de vous lancer dans l’écriture de cette BD ? Sur les gangs, les sectes californiennes et le vaudou notamment…
Oui. Enormément ! J’adore cette phase. Je suis un vrai rat de bibliothèque. J’en fréquente toujours plusieurs, dont les bibliothèques universitaires qui proposent des ouvrages très pointus… Pour les uniformes du LAPD (police de Los Angeles) par exemple, j’ai fait venir un bouquin spécialisé des Etats Unis… En fait, j’accumule énormément de données et je continue sans cesse à me documenter en fonction des scènes sur lesquelles je travaille…
Aurais-tu quelques titres à conseiller particulièrement à nos lecteurs désireux d’en apprendre un peu plus sur Los Angeles ?
On en revient aux auteurs précédemment cités : Ellroy et Connelly sont incontournables pour découvrir L.A. Sinon, la lecture de LOS ANGELES - LE MYTHE AMERICAIN INACHEVE de Cynthia Ghorra-Gobin ou bien le CITY OF QUARTZ - LOS ANGELES, CAPITALE DU FUTUR de Mike Davis sont aussi très instructifs pour mieux appréhender cette ville…
N’as-tu pas peur que certains détails échappent au lecteur non « averti » ? L’apparence de l’Ombre à l’avant dernière planche de et le terme de « cheval » employé par Edgar Harris font sans doute référence au Baron Samedi et au vaudou… le foulard dépassant de la poche de Willian laisse supposer qu’il fait parti d’un gang, malgré ses dires… Est-ce la des références volontairement obscures qui seront développées dans les tomes suivants ?
Dès l’origine de ce projet, nous avions pour ambition d’offrir aux lecteurs plusieurs niveaux de lecture. A partir d’une narration linéaire classique, rythmée par une enquête haletante empreinte de fantastique, nous allons de plus en plus insister sur l’évolution psychologique d’Edgar et des principaux personnages qui gravitent autour de lui : Richard, Raquel, Ann, William, etc.. Et bien sur, aucune « référence » n’est gratuite et chacune d’entre elle (re)servira dans les albums à venir… Dès le premier album il fallait mettre en place un certain nombre d’éléments qui ne prendront leur sens qu’au fur et à mesure… Le rôle du vaudou et le fait que William est un gangbanger seront plus clair pour le lecteur dans le deuxième tome mais ils ne prendront un véritable sens qu’à partir du tome 3 qui s’intitule d’ailleurs « L’Enfant vaudou ».
Le titre de la série est-il pure invention ou tiré de vos nombreuses lectures ?
C’est un titre original…
L’intrigue du premier tome des Cercles d’Akamoth est particulièrement réussie. Le lecteur est littéralement happé par cette histoire étrange qui glisse peu à peu vers le fantastique. Comment l’avez-vous construite ? Va-t-elle glisser plus avant vers l’occultisme?
Pour structurer cette série j’ai conçu une espèce de schéma en répartissant l’histoire sur 5 albums : chaque tome correspond à une étape du parcours initiatique que nous allons « offrir » à Edgar… Le premier tome de la série c’est l’origine, la vie normale d’Edgar. Le tome 2 c’est la chute d’Edgar, le tome 3 c’est…
Le premier opus de la série parvient en peu de temps à poser le décor d’une banale vie de flic avant de la faire voler en éclat. Edgar apparaît au fil des pages comme un personnage beaucoup plus complexe et fragile qu’il ne semblait au prime abord… Comment définirais-tu ce héros dont la vie bascule soudainement dans l’horreur et le fantastique qui semblent toutefois avoir baigné son enfance?
Un être humain tout simplement… Et puis je ne crois pas qu’Edgar soit un « héros » véritable, ni un « anti-héros » d’ailleurs… C’est juste un homme qui doit faire face à une situation très particulière et qui va voir sa vie basculer du jour au lendemain… Et puis il va progressivement se rendre compte qu’on échappe pas à son passé et qu’il est très difficile, voire impossible, de nier et rejeter ses racines…
Sur le site officiel de la série, dans la zone secrète réservées aux élus, vous développez synthétiquement quelques sectes de la Cité des Anges, dont la Nouvelle Alliance où vous développez une mystique et les croyances des adeptes. Jusqu’où poussez-vous vos créations ? Les éléments publiés dans vos BD ne sont-elles que la face cachée de l’iceberg?
A propos de la Nouvelle Alliance (titre du tome 2 !) j’ai poussé ma démarche relativement loin et effectivement ce qui est publié n’est que la face cachée de l’iceberg… Un exemple concret : la doctrine de cette société initiatique a été imaginée à parti de trois sources principales que j’ai quelque peu aménagées :
UNE DOCTRINE
Les dogmes de La Nouvelle Alliance ont été créés par Keneth Graham, un ancien labadiste, à partir de trois sources principales :
Les Thèses Gnostique
Pour les Gnostiques, l’Etre suprême est inengendré : c’est le PROPATOR. Il possède une vie universelle. Le Père est au loin, tout à fait au dessus, par delà le firmament. De sa substance émane le Cercle Divin qui est le monde supérieur des pures intelligences : ce sont les EONS, des esprits immortels. En dessous, entre le Monde spirituel et le monde matériel se trouve un monde intermédiaire : Le Cercle Psychique où règne le Démiurge, le Dieu des chrétiens, qui a façonné le monde matériel à sa guise, sottement, aveuglément. Le Démiurge se croit et se proclame Dieu le Père alors qu’en réalité lui et ses anges constituent des émanations lointaines du PROPATOR. Le monde matériel, tel que nous le connaissons, est foncièrement mauvais et maléfique. Son émergence en tant que monde organisé ne commence qu’avec LA CHUTE authentique d’un EON du Cercle Divin : AKAMOTH, fils de SOPHIA. Sophia, la dernière née des Eons, se sentit pris de désir de voir le Père face à face et d’engendrer à son tour, seule, par ses propres moyens. Elle s’élança vers le Père et, manquant son but, tomba dans le monde inférieur, matériel. Elle engendra en même temps, sans le secours d’une semence mâle, un être difforme, un avorton qui est le fruit de son Intention. Ce fruit du péché se nomme : AKAMOTH. Considérant les conséquences de son erreur coupable, Sophia se lamenta. Et le Père et les Eons, prient de pitié, ramenèrent Sophia dans le cercle divin. Mais Sophia a laissé dans le monde matériel son Intention : Akamoth qui est une part d’elle même.
Dieu, a d’abord accueilli Akamoth puis il en a fait le plus grand des archanges, LUCIFER : l’Archange de Lumière. Mais Lucifer, l’archange qui fut jadis le plus proche de Dieu, le plus parfait de tous les esprits célestes, a chuté et est devenue la créature la plus horriblement malheureuse de toute la création. Dieu refuse de l’absoudre de sa faute : La faute de Lucifer n’est pas l’orgueil ou la prétention de s’égaler à Dieu, mais la Douleur de n’avoir pas été désigné par lui comme l’instrument de l’Incarnation du Verbe, c’est à dire comme futur Christ. Lucifer, qui à bon droit, estimait être la créature la plus haute et la plus parfaite, éprouva un regret mêlé d’indignation à l’égard d’un choix qui visait à exalter l’Homme, de beaucoup son inférieur. La blessure suscita en lui un ressentiment, ce ressentiment devint de la haine et de cette haine naquit l’idée de rébellion. La vrai cause de sa chute fut le désir de pouvoir s’unir au verbe, l’essence divine, non pour se substituer à Dieu mais pour apporter grâce à cette union admirable, un bienfait à l’humanité. Il aurait voulu devenir le christ, c’est à dire le sauveur, mais pas Dieu lui-même. Il ne voulait pas être Dieu mais uni à Dieu, dans ce mystère d’amour qu’est l’Incarnation.
Ainsi, Lucifer aurait été précipité du ciel pour son amour envers Dieu et envers les hommes, c’est à dire en raison du désappointement qu’il éprouva de n’avoir pas été choisi pour s’unir hypostatiquement au Verbe, en vue de l’œuvre rédemptrice. Dieu, le démiurge, créa en Lucifer le plus haut et le plus parfait des anges. Il resplendissait à ses côtés dans l’Empyrée. C’est cette supériorité, voulue par Dieu, qui fut la cause de son orgueil et de sa ruine. Car Dieu sait tout, voit tout, prévoit toutes choses : il devait donc savoir que Lucifer, en raison de sa supériorité même, était exposé à tomber, et qu’il tomberait. Comme le souligne Saint Thomas : « Si Dieu est l’auteur et le législateur universel, si rien n’est possible en dehors de sa volonté et de sa loi, on serait tenté de conclure qu’il a sa part de responsabilité dans ce qu’il advient à ses créatures ». On s’étonnera aussi que Dieu soi disant plein d’amour et de miséricorde confie à la garde de son pire ennemi ceux qu’il a créés lui-même et destinés au salut… Dieu apparaît d’ailleurs dès la première heure comme un pervers Tentateur : Adam et Eve en sont les secondes victimes.
De plus, si Lucifer n’existait pas, les saints n’existeraient pas non plus. Satan, autre nom de Lucifer, en hébreux signifie L’Adversaire, L’Ennemi. Mais sans l’Adversaire, il n’y aurait pas de combat, et sans combat point de victoire ni de gloire. Dieu n’a pas institué Lucifer Prince de ce monde sans un but, sans un dessein : Lucifer est haine, mais sa haine même est nécessaire au triomphe de l’amour de Dieu. Lucifer permet aux hommes de rejeter leurs fautes sur lui qui est le Tentateur, sur les machinations de Satan. Lucifer est donc le premier insurgé et le plus ancien damné. Il a été condamné à la peine la plus atroce : celle de ne pas pouvoir aimer. Il est englouti et cloué dans les Ténèbres sans fin de l’absence et de la haine. Aucune condamnation ne peut se comparer à celle qui opprime Lucifer.
Deuxième influence : les Ophites
Les Ophites sont des hérétiques du IIème siècle dont le nom vient du grec OPHIS : Serpent. Ils adoraient le serpent qui, en incitant Eve à manger du fruit défendu de l’arbre de la Science (la gnose) avait permis aux hommes d’accéder à la Connaissance. Pour eux, ils existent une différence entre L’Être suprême inaccessible et inconnaissable et le créateur de ce monde imparfait sinon franchement mauvais. Le créateur, le Démiurge JALDABAOTH n’était autre que le dieu cruel des hébreux. L’idée d’un adversaire de Dieu, maître suprême des forces du mal, était étrangère aux anciens hébreux. On ne la voit apparaître dans leur religion qu’après le retour de captivité de Babylone (vers 530 avant JC) ; aussi peut-on supposer qu’elle fut empruntée pendant l’exil à une source étrangère. Le grave problème théologique de l’explication du mal dans un monde créé par un dieu bon ne semble pas avoir préoccupé les Hébreux des anciens temps. Pour eux, Yahvé était Tout-puissant et seule sa volonté décidait de l’existence de choses qui paraissaient mauvaises à l’homme. En fait, on ne trouve que cinq brèves références à Satan dans l’Ancien Testament.
Troisième influence : Les Labadistes
Les Labadistes sont les membres d’une Société Initiatique fondée au XVIIème siècle par l’ancien jésuite Jean de Labadie (1610-1674). Les Labadistes croyaient que Dieu peut et veut parfois tromper les hommes en les piégeants. Chassés de France, ils s’enfuirent en Hollande puis se fixèrent dans la région de Clève. A la mort de Labadie, ils émigrèrent aux Etats Unis dans le Maryland sous la conduite de Peter Sluyter qui fut leur chef spirituel jusqu’à sa mort en 1722. Depuis cette époque, la Société Initiatique des Labadistes s’est maintenu dans le Maryland.
Effectivement… c’est impressionnant en effet ! Aurons-nous droit à un album présentant l’envers du décor, un peu comme cela fut fait pour le triangle secret par exemple ?
L’idée est séduisante… mais cela ne dépend pas de nous mais de l’éditeur ou d’un libraire qui serait prêt à se lancer dans une telle publication…
En tout cas, je suis preneur ;) Que faut-il faire pour décider l’éditeur ? Avec quels secrets inavouables pourrait-on le faire chanter ?
De l’argent peut être
Avec les démons de Marie, aux éditions Carabas, en collaboration avec la talentueuse Marie Jaffredo, vous nous avez offert un album envoûtant, où planent une atmosphère étrange et inquiétante… Comment est née cette intrigue qui nous entraîne bien loin des sentiers battus ?
Cette histoire est d’abord née de réminiscences : à l’origine j’avais en tête des « images » obsédantes, des souvenirs confus mais marquants du feuilleton
L’île aux trente cercueils (avec Claude Jade, réalisé par Marcel Cravenne d’après le livre de Maurice Leblanc) d’une part et de
L’île du docteur Moreau d’H.G. Wells d’autre part… Rapidement l’idée d’installer des fous sur une île pour faire une expérience a fait son chemin : la notion de folie me fascine et la lecture de
L’Histoire de la folie à l’âge classique de Foucault m’avait conforté dans l’idée que les malades mentaux ont longtemps subi bons nombres de maltraitances et autres sévices pour toute thérapie… Restait à trouver Le point de vue et quel meilleur point de vue que celui de l’enfant, donc de Marie ? Voilà, les éléments étaient en place, l’histoire pouvait commencer…
Les pages de recherches accompagnant l’album laisse là encore supposer que tu as beaucoup approfondi tes personnages, en allant bien plus loin dans leur créant passé et folie que n’en laisse voire la BD… Une bonne histoire, est-ce avant tout des personnages denses et complexes ?
Pas seulement mais c’est pour moi de plus en plus important…Il m’arrive même de partir de personnages dont je développe le passé, la psychologie et le parcours pour ensuite raconter une histoire, LEUR histoire…
Comment s’est faite la rencontre avec Marie Jaffredo, dont on a pu découvrir les premiers dessins dans des ouvrages collectifs consacrés à Bourvil, Verlaine, Maupassant ou Edith Piaf ?
Quelques mots sur Marie Jaffredo d’abord. Marie est architecte-urbaniste au départ. Après un passage par le fanzinat (Bol d’encre), ses premières planches paraissent aux éditions Petit à Petit dans le cadre du collectif « Piaf ». C’est à ce moment là que tout commence pour nous puisque j’adapte pour elle « Mon Légionnaire ». Très vite l’envie de poursuivre notre collaboration sur une œuvre plus personnelle et ambitieuse s’est imposée. Quelques mois plus tard, nous nous rencontrons pour la première fois au festival Quai des Bulles de Saint-malo et mon histoire de fous rencontre son univers personnel : le projet se met naturellement en place.
Travaillez-vous de la même façon avec Marie Jaffredo qu’avec Emmanuel Michalak ? Comment se passe votre collaboration?
Oui, je travaille avec l’un et l’autre de la même façon… Cela ne diffère que parce que Marie fait ses couleurs elle-même… Notre (nos) collaboration(s) se passe(nt) à merveille et nous avons réussi à développer une relation extra-professionnelle amicale… Par le plus grand des hasards, Emmanuel et Marie viennent de s’installer dans la même ville et ont commencer se fréquenter : c’est pas beau la vie ?
Le festival Quai des Bulles a semble-t-il été pour vous à l’origine de tous vos projets ! Que représentent pour vous les festivals de BD et les séances de dédicaces? Une corvée? Le plaisir d'aller à la rencontre de vos lecteurs ? Celui de rencontrer d’autres auteurs ?
Par rapport à Quai des Bulles il faut préciser que je fais parti du comité d’organisation du festival depuis 1997. Après avoir animé des discussions de fond durant 5 ans, je gère maintenant les Contes à Bulles, une animation magique et fascinante inventée par Jean-Claude Fournier. Quant aux festivals en général et aux séances de dédicaces, je dirais que c’est un sujet particulièrement « sensible », d’autant plus que je fais parti du conseil d’administration de
l’Association Des Auteurs de Bandes Dessinées (ex-MDABD).
Je dois même avouer (confesser ?) qu’en 1998, avec les autres co-responsables d'une BDthèque associative, nous avons tenté d'organiser un festival SANS dédicace mais avec de nombreuses animations qu'on souhaitait de qualité : Conte à Bulles, ateliers d’auteurs, expositions avec décors 3D, etc.
Malgré tout, je participe aux séances de dédicaces avec mes amis dessinatrices/teurs en espérant qu’un lecteur engagera une discussion qui nous enrichira l’un et l’autre… Et puis cela me fait plaisir de rencontrer en festival des auteurs que je ne connaissais pas ou de retrouver quelques amis que je n’aurais pas vu depuis longtemps…
En tant qu’auteur, comment perçois-tu la spéculation qui règne dans le milieu de la Bd ? (revente de dédicace, cotation délirante d’EO etc…)
Absurde et dérisoire…
A part les Démons de Marie, les Cercles d’Akamoth et le making-off des Cercles d’Akamoth (si, si, j’y tiens ), avez-vous d’autres projet sur le feu ?
oui, énormément… Certains sont en cours de réalisation d’autres, après abandon de la/du dessinatrice/teur ou refus des éditeurs, sont retournés dans un « carton » en attendant d’être exhumés, un jour… Concrètement je viens de signer pour une série « tout public » chez Dupuis mais il est encore un peu tôt pour en parler… Et puis d’autres projets seront présentés dans les mois à venir… Enfin, je continue à écrire juste pour le plaisir. En ce moment je travaille sur un polar contemporain très noir : l’histoire de deux amis d’enfance ; l’un vient de passer 10 ans en prison et l’autre risque d’y passer, à son tour, 10 ans. L’un est poursuivit par la mafia et l’autre par le FBI… un projet sans dessinatrice/dessinateur à ce jour…
Quel sont en ce moment tes trois BD de chevet?
Je lis à peu près tout ce qui sort… donc rien ne reste très longtemps à mon chevet ou alors il y revient !
Cinq secondes, et hop ! je vais chercher la pile : ce soir il y a… le dernier Jason :
Mauvais chemin , les 4 savants de David B (ça c’est de la relecture
),
le Stéréo Club tome 1 de Bourhis & Spiessert,
A Kyoto de Dupa et Jeanneteau,
Ring Circus 1 à 4 de Chauvel & Pedrosa (je vais enfin lire le tome 4 en couleurs),
Traumavision de P. La Police, le
Lapin 34, et
L'orme du Caucase de Taniguchi. Voilà ! mais il y a aussi le dernier Michaël Connelly :
Los Angeles River et le dernier Robin Hobb :
Serments et Deuils (tome 10 de l’assassin royal). Voilà.
Y a-t-il une question que je n’aurais pas posée et à laquelle vous souhaiteriez néanmoins répondre ?
Non.
Un grand merci pour le temps que tu nous as gentiment accordé…
Merci à vous, ce fut un plaisir :)