Entretien accordé à Chrysopée par le co- auteur d'Agone
Peux tu nous parler de ton itinéraire rôlistiques? Comment es-tu tombé dans le jeux de rôle?
J'ai découvert l'Oeil Noir et L'Ultime Epreuve en 1986 dans une ludothèque. J'avais 11 ans. J'ai ensuite pratiqué ADD avant de découvrir l'AdC avec mon prof d'histoire de 4e. Et puis, comme beaucoup de rôlistes, j'ai voulu 'visiter' d'autres mondes imaginaires : je me suis donc rendu dans une boutique de JdR. A la même époque, si ma mémoire est bonne, Casus Belli a été distribué en kiosque et l'accès à l'information sur notre passion a réellement bouleversé mon existence. Je me suis mis a dévorer de nombreux JdR... tel un rat de bibliothèque. Tout ceci m'a d'ailleurs permis de ne jamais être trop mauvais en anglais. :)
En 1995, avec mes amis - rencontrés au cour de parties de JdR (Nephilim, tous les jeux du WoD, Kult, Cyberpunk, Miles Christi et bien d'autres plus anciens) -, nous avons monté une association dont les membres faisaient des démonstrations pour les éditeurs français sur les salons et les conventions.
En septembre 1998, Stéphane Marsan - qui dirigeait alors les éditions Multisim et Mnémos - m'a proposé de participer à la réflexion d'un JdR d'Heroïc Fantasy : Agone. Alors que nous développions ce jeu avec Mathieu Gaborit et Frédéric Weil, l'occasion m' a été donné d'exposer mon imaginaire. En 1999, j'ai réalisé mon rêve : concevoir et développer des univers imaginaire. J'ai écrit quelques suppléments de JdR dont l'épopée occulte des Chroniques de l'Apocalypse pour Nephilim. Et puis, il y a eu Agone.
Au cours de cette même année, Multisim m'a proposé de collaborer à l'éditorial des JdR de la collection Outre-Monde - la gamme de JdR traduits par la société - ainsi qu'à celui de Nephilim. En janvier 2000, j'ai rejoint l'équipe de Multisim où je participe à la direction éditoriale JdR de la maison d'édition. Je travaille désormais au côté de Frédéric Weil - l'un des créateurs de Nephilim - au développement des univers de Multisim en collaboration avec la nouvelle génération d'auteurs de JdR.
Agone est un univers d'Héroïc Fantasy, un de plus diront certains... Qu'est ce qu'Agone apporte de neuf ?
Agone est effectivement un JdR d'Heroïc Fantasy avec ses minotaures, ses ogres, ses nains et ses autres créatures fantastiques. Et pourtant, nous sommes bien loin du monde de Krynn que nous parcourions avec nos premiers personnages d'ADD. Agone possède certes des éléments de la Fantasy traditionnelle, mais le traitement en est différent. La grande force d'Agone est évidemment son univers, l'Harmonde, et son accessibilité. Il peut être en effet appréhendé par n'importe qui grâce au cycle des Chroniques des Crépusculaires. Cette trilogie ne révèle rien des secrets et des mystères d'Agone, tout en parvenant à transmettre au lecteur un ton nouveau sur des thèmes familiers.
Le lecteur découvre l'esprit du monde et son ambiance grâce à ce cycle. Si tu veux te faire une idée de l'Harmonde, tu lis les Chroniques des Crépusculaires, et tu vois bien si tu as envi de suivre les traces d'Agone de Rochronde et de ses compagnons. Voudrais- tu lire les pensées d'autrui en jouant de la musique ? Altérer le décor grâce à de mystérieux pigments enchanteurs, dernier héritage des Dames qui dirigent les saisons ? Pratiquer la magie en usant de petites créatures bleues qui ne vivent que pour la danse et la magie qu'elle fait naître de l'Harmonde ? Rencontrer des lutins et leurs cousins les farfadets, des fées noires millénaires en mal de mémoire, des géants pacifiques, etc ? Côtoyer des minotaures et des Démons et lutter contre une menace qui elle ne partage pas ton étonnement et ton engouement pour ce monde ? Vivre dans un monde crépusculaire - au propre comme au figuré ? Il me semble que oui, car ces images sont à la fois nouvelles et familières. Dès que tu as parcouru quelques pages du cycle ou du jeu, tu te dis que c'est un univers extraordinaire auquel tu veux croire... Et il ne te reste plus qu'à choisir ton rôle dans sa destinée. L'Harmonde propose des images exotiques et baroques mais aussi des éléments plus traditionnels qui sont autant d'hommage aux auteurs qui construisirent le genre Heroïc Fantasy : Conan, le Souricier Gris, et bien d'autres encore. Agone est également une proposition ludique intéressante. Son système de règles est connu de tous depuis la publication de Cyberpunk en France. C'est un moteur de simulation qui ne tombe ni dans l'absurdité des niveaux d'expériences, ni dans l'énumération de catalogues ennuyeux et de tables précises. L'ensemble permet aux vieux routards comme aux débutants d'interpréter des rôles intéressants dans un univers riche, tout en bénéficiant de règles plus cohérentes que celles des systèmes génériques des années 80.
En bref, les fans de med'fan retrouveront dans Agone tous les thèmes de l'Heroïc Fantasy soutenus par un enjeu peu courant dans ce genre littéraire : sauver un monde ouvre d'art d'une menace sournoise et ambiguë. Agone c'est des luttes à mort pour l'art et sa survie mais pas seulement. C'est aussi des personnages menacés et n'ayant que peu d'espoir, et surtout, l'imagination inventive de Mathieu Gaborit.
De la Dark Fantasy made in France : du sombre et du poétique.
Vous semblez avoir décidé d'utiliser des règles simples et pratiques. Mais dès lors, pourquoi avoir proposé une liste conséquente de modificateurs et d'option de combat?
Le système de jeu est devenu un problème au fil des années. Simulation ou pas ? Après avoir été au coeur des débats pendant des années, cette question n'a toujours pas de réponse. C'est pourquoi nous avons choisi un système souple et connu, mais nous l'avons doté de tableaux ; car il existe bon nombre de joueurs très simulationistes qui inventent constamment de nouvelles règles ou consomment des suppléments de technique. Ceux-là sont attachés, me semble-t-il, à ce qu'un jeu fasse des propostions très précises sur bon nombre de points. Les 'autres' ont l'habitude d'oublier les tableaux et de fixer des difficultés collégialement au cours de leurs parties. Il était plus sage de fournir des tables, que certains pouvaient oublier, que de ne pas en donner, et de dire aux 'simulationistes' : débrouillez-vous
! Et puis, le combat est toujours très détaillé dans le JdR.
Si je disais ça c'est que j'ai constaté qu'à peu près tous les jeux voulant proposer un systeme de jeu simple tombait dans le travers des tables de modificateur de combat. Ce qui était un peu contradictoire
Je comprend.Le rôle de l'éditeur est de publier des propositions. Car il existe autant de forme de JdR que de rôliste. Difficile de le faire admettre, parfois...
Comment s'est déroulé la collaboration entre les différents auteurs? Y a-t-il eu une répartition des tâches?
Agone a été élaboré en plusieurs étapes très précises. Dans un premier temps, Stéphane et Mathieu ont défini les thèmes du jeu et de son univers. Puis, en septembre 1998, la définition du jeu dans le détail a commencé avec la constitution d'un groupe de développement. Frédéric Weil et moi-même nous sommes joint à Stéphane et Mathieu pour cette étape. Ce qui nous a conduit à l'élaboration de la table des matières et à la répartition des tâches entre les auteurs, fans des Chroniques des Crépusculaires, qui travaillaient avec Multisim à l'époque. Des groupes de deux ou trois personnes se sont alors constitués par grand thème. Nos travaux ont ensuite été réunis par Stéphane en quatre parties : le monde, les personnages, les règles et les menaces. Lors de la conception- rédaction d'un nouveau JdR, on se voit beaucoup, quand on ne se téléphone pas pendant des heures. C'est une période intense : beaucoup de stress mais aussi énormément d'éclats de rires. Pour l'anecdote, avec Mathieu, nous nous étions enfermés dans la cave de Multisim deux longues journées pour bien définir la géographie et l'histoire des Royaumes Crépusculaires. Sinon, lorsqu'avec Jean- Rémy Lerin, nous avons inventé l'Ombre et le Masque, nous avons travaillé ensemble, pendant trois jours et trois nuits, autour de mon PC et de... matelas. 72 heures surréalistes dont on rigole encore.
Multisim fera-t-il pour Agone un choix éditorial similaire à Nephilim en permettant à de jeunes auteurs de travailler aux prochains suppléments?
C'est déjà le cas. Depuis plus d'un an, une nouvelle génération d'auteur de JdR se construit. Elle a sa place à Multisim. D'ailleurs les auteurs d'AGONE sont pour la plupart des jeunes auteurs : Xavier Spinat, Jean-Baptiste Lullien, David Benoit, et bien d'autre encore. Si quelqu'un a une idée - sur AGONE ou sur un autre jeu - qu'il la présente. La porte de Multisim n'a, me semble-t-il, jamais été fermée aux rôlistes talentueux.
Casus renait de ses cendres grâce au soutien de Multisim. Comment se passe concrètement cette renaissance?
Casus Belli entretient des relations plus que cordiales avec les membres de Multisim. Il suffit de lire l'ours du journal pour s'en rendre compte. J'ignore dans quelles circonstances la rédaction a conçu la nouvelle formule, ni dans quelles mesures Multisim et Casus Belli sont liés.
En décembre, André Deho et Didier Guisérix m'ont téléphoné pour me proposer de m'occuper avec Serge Olivier et Guillaume Fournier des articles sur le JdR au sein du magazine. Très heureux - comblé en fait -, j'ai accepté. Les réunions du comité de rédaction ont alors débuté et j'ai fait mes premiers pas de journaliste (coup de téléphone, rédaction de news, article de fond, etc). Comme je ne suis pas familier avec ce travail, j'ai choisi de m'impliquer un peu moins que mes aînées pour les premiers numéros. J'ai beaucoup de chose à apprendre de l'aventure Casus. C'est passionnant !
Comment fais-tu pour gérer ton temps? Entre la rédaction de suppléments pour Nephilim, la création d'Agone, les chroniques dans Casus... Tu dois être assez loin des 35 heures hebdomadaires... Tu as inventé les journées de 35 heures?
Je ne participe activement à la vie de Multisim et de Casus Belli que depuis le mois de janvier. Auparavant, j'étais un auteur de JdR - comme quelques autres en France -, ce qui implique travailler à domicile, quand on veut, à n'importe quelle heure...
Aujourd'hui, je suis salarié pour éditer du JdR chez Multisim - que la journée - , et le reste du temps, je continu de participer à l'écriture de suppléments - mais seulement la nuit. En fait, tu as raison : j'ai découvert la journée de 35 heures ! :)
Je participe désormais de moins en moins au projet à cours terme en terme d'écriture pour pouvoir tenir les délais imposés aux auteurs. Pour le moment, on ne s'en rend pas compte à cause du décalage entre la deadline de l'auteurs et la publication pour le joueur. Par exemple, nous sommes en train d'éditer un supplément AGONE auquel j'ai participé avant noël !
Concrètement, mon travail à Multisim constitue trois bonnes journées de la semaine. Casus Belli une autre - plutôt un mois sur deux -, mes parties de JdR une à deux soirées par semaine plus une autre journée... Je joue énormément si j'en crois les rôlistes que je rencontre. Le reste du temps, je collabore à des supplément (à des brainstorming réguliers avec d'autres auteurs ; j'en écris quelques chapitres qui me tiennent à coeur), j'écris également des trucs pour moi (synopsis, projet de supplément, etc.), et je me rend dans des conventions ou des magasins pour discuter, jouer et rencontrer d'autres rôlistes.