Bonjour et merci de te (re)prêter au petit jeu de l’interview! Les lecteurs avaient pu découvrir tes talents de scénaristes dans la Chute, dessiné par Poulos aux éditions Petit à Petit. Et c’est avec une certaine jubilation que nous guettions tes prochaines sorties…
Hé ben merci !
Ton actualité est pour le moins chargée puisque sortent coup sur coup les Mesures du Temps et Idoles. Commençons par les mesures du temps parus chez Petit à Petit avec Anthony Audibert aux pinceaux. Tu peux faire le pitch de cet album en quelques mots ?
L’histoire se déroule à la fin du 19e siècle. Benjamin est un jeune journaliste assez oisif, qui trouve une boîte dans le grenier de son père. Cette boîte renferme une photo de son père, jeune, en compagnie de trois amis, mais aussi des poèmes, sous forme de brouillons… et une horloge.
Benjamin va s’apercevoir que cette horloge peut arrêter le Temps. Il veut en profiter pour s’enrichir avec, mais il va s’apercevoir que d’autres personnes connaissent cet appareil, et le veulent…
Comment est né ce projet ? Quel fut l’idée de départ de ce one-shot à la fois fantastique et poétique?
Au départ, c’est Cédric Illand, responsable éditorial chez Petit-à-petit, qui m’a parlé de cet ancien projet qu’il avait lui-même imaginé. Il m’en a parlé vers la fin de l’année 2001 (pour dire le temps que ça prend, une bd…)
Comme je démarrais (je venais d’écrire la Chute et Northmen, pas encore paru), j’avais envie de signer (c’est pas bien mais c’est vrai) donc j’étais prêt à accepter le projet sans savoir ce que c’était. Mais en le lisant, j’ai trouvé des éléments intéressants, et la garantie d’un grande marge de manœuvre : le document de Cédric précisait juste le début (Benjamin chez son vieux père) et disait simplement qu’il trouvait une horloge, horloge qui avait en fait le pouvoir d’arrêter le temps. Voilà pour le début de l’histoire. Ensuite le document donnait directement une fin possible, et précisait que cette scène de fin devait se dérouler en parallèle avec le passage d’un poème des Fleurs du Mal de Baudelaire.
Cédric et Olivier, l’éditeur, m’ont dit qu’ils essaieraient de faire dessiner ce livre par Alfred, qu’ils connaissaient parce qu’il bossaient avec eux sur certains collectifs, et dont ils aimaient beaucoup le boulot. J’avais déjà écrit la Chute et Northmen, à l’époque, qui étaient des histoires structurées pour la fin, avec une mise place d’indices, de pistes, tout au long de l’histoire (ce que je ne fais plus depuis Idoles).
Ils m’avaient demandé de faire autre chose, d’élaborer une histoire moins construite, prenant place dans un univers où la logique serait exclue, quelque chose de plus poétique, plus onirique, pour aller avec l’univers d’Alfred.
Et en fait, ça a été un vrai cauchemar, pour moi, parce que j’étais encore sous le coup des influences du début (M Shyamalan avec les fins du Sixième Sens et Incassable, et les Harry Potters, où il y a aussi des twists assez remarquables). J’étais sidéré par les retournements de situation à la fin, par le mélange de fantastique et d’intrigue policière, et je voulais faire pareil, dans mes univers à moi, avec mes histoires.
En plus, ayant au départ une formation technique, je crois que j’ai toujours aimé la logique, je travaille notamment beaucoup à partir d’une idée, un postulat fantastique souvent, en développant toutes les conséquences que ce postulat peut générer.
Partir dans un univers poétique, où la logique était, a priori, proscrite, où il valait mieux éviter de mettre en place une mécanique scénaristique rigoureuse, ça a été l’enfer. D’ailleurs, ça a foiré. Je m’en sens capable maintenant, d’ailleurs j’en ai envie, mais à l’époque, j’ai quasiment écrit tout le scénar pour me rendre compte sur la fin que ça n’avait rien d’intéressant.
Du coup, j’ai quand même fini par faire ce pour quoi je me sentais le plus à l’aise à l’époque : une sorte d’intrigue policière mâtinée de fantastique, où des questions s’amoncelaient progressivement, pour trouver une réponse à la fin de l’histoire. C’est ce que j’aimais lire à l’époque, c’est ce que je voulais recréer, mais avec mes ingrédients à moi.
L’aspect poétique n’était dès lors plus délivré par la structure du scénario, par une sorte d’histoire un peu aléatoire, où les évènements s’enchaînent sans lien réel, créant une sorte d’atmosphère fantaisiste…
Là, l’intrigue était très construite, et c’est la combinaison de plusieurs éléments, je crois, qui font naître cette dimension poétique : en premier lieu le dessin d’Anthony, bien sûr, les extraits de poème et la place de la poésie dans l’histoire, l’aspect fantastique avec ces stases qui donnent des couleurs particulières à l’environnement, mais aussi le 19e siècle, la ville, la nuit, les dialogues (qui ne sont pas les mêmes que pour Idoles
) et le thème assez sombre, tout bêtement : la recherche de la célébrité, au travers, justement, de la poésie…
Ça répondait, je crois, à cette demande de poésie, d’onirisme qui aurait pu correspondre à l’univers d’Alfred, d’ailleurs il a lu le scénario et l’a aimé, mais son emploi du temps était déjà bien chargé à l’époque, du coup on a cherché un autre dessinateur. On a fait pas mal d’essais, ça a failli se faire avec Alexandre Schmit, un jeune et très talentueux dessinateur avec qui j’ai fait quelques collectifs, mais finalement il n’a pas pu non plus. Il nous a présenté deux potes, Tommy Redolfi, dont j’aime beaucoup le travail et qui a sorti deux albums chez Paquet depuis, et Anthony. C’est finalement avec Anthony que ça s’est fait. Son dessin était super, et collait vraiment bien à l’histoire.
Comment s’est organisé ton travail avec Anthony Audibert? Du synopsis à la planche colorisée, quelles furent les différentes étapes de création?
Donc j’ai écrit un synopsis, sous la forme d’une sorte de nouvelle, avec un style un enrichi pour que ce soit agréable à lire. C’est ma méthode habituelle. Après, en attendant que tout le monde l’ai lu, je prie pour que tout le monde soit d’accord, parce que c’est pas mal de boulot, et que ça me gonfle d’avoir à le modifier…
Mais en général, ça trouve preneur presque à chaque fois.
Ensuite je fais un découpage toujours assez détaillé. J’ai une vision précise de certaines scènes, et de toute manière, j’ai toujours des envies de rythme, d’atmosphère pour chaque scène. Je propose toujours une solution pour chaque scène. Mais parfois j’y suis très attaché, parfois je m’en fous, et le dessinateur a quelque chose de mieux à proposer. Donc, on change, et tout le monde est content.
Le découpage des Mesures, on l’a rediscuté de manière assez pointue avec Anthony. Ça n’a posé aucun problème. C’est quelqu’un de très calme, tournant toujours de manière agréable ses objections. Ce qui n’est pas toujours mon cas, d’ailleurs, même si je ne suis pas méchant. Mais il est encore plus gentil que moi
© Petit à Petit / Mathieu Gabella / Anthony Audibert
En lisant la BD, on a la furieuse impression que ton travail de création allait bien plus loin que ce que la bd dit ou suggère. Impression ou réalité ? Jusqu’où as-tu poussé tes recherches sur les personnages et l’intrigue ?
J’ai fait quelques recherches sur le contexte historique, notamment que ce qui s’était passé en 1848. J’ai assez rapidement tout oublié, j’ai une mauvaise mémoire, mais j’avais lu pas mal de bouquins sur l’époque. Et effectivement, au final, ça ne transparaît pas dans l’album, on passe très vite sur cette période.
Je me souviens m’être beaucoup documenté sur la naissance de la photographie, qui a eu lieu à cette époque, justement. C’était très intéressant, les différents procédés, les équipements, l’utilisation d’albumine (blanc d’œuf) dans la chimie de ce processus m’avait beaucoup surpris. La photographie avait donc une place importante dans les premières versions des Mesures, mais c’est tombé à l’eau par la suite, si je puis dire… Là encore, tout un pan de recherches finalement faites pour le plaisir, juste le plaisir et pas le bouquin final, mais c’est déjà bien.
Et enfin, j’ai lu les Fleurs du Mal. J’ai fait des recherches sur Charles Baudelaire, dont rien ne transparaît non plus dans mon livre. Bien sûr, j’ai totalement inventé ce que j’écris sur sa personne, et son rapport à la Poésie.
Pourquoi Charles Baudelaire?
Parce que c’était un de ses poèmes que Cédric Illand souhaitait voir à la fin de l’album. En creusant la piste poétique pour l’exploiter complètement, lui donner plus qu’une place de figure de style dans l’album, j’ai vu tout ce que Charles Baudelaire, personnage emblématique, poète maudit, pouvait apporter à l’histoire. La poésie, la célébrité, la vie brûlée par les deux bouts. C’était exactement les thèmes qui m’intéressaient. En fait, je crois que c’est cette image de « poète maudit » qui m’a donné l’idée d’axer l’album sur ces thèmes. C’est Baudelaire qui m’a indiqué la direction à prendre.
Et puis ça correspondait à des questions plus personnelles : c’était mon troisième projet, je voulais vivre de l’écriture, je me demandais comment réussir… Mais je n’ai pas trouvé la même solution que Benjamin.
Parmi ces différentes étapes, quelle est celle que tu préfères en tant que scénariste?
La toute première a ma préférence : quand on jette les idées sur le papier, quand on cherche la bonne idée, quand on trouve une idée qu’on estime excellente aussi, ça c’est super… Du début à la fin, c’est très agréable de chercher des idées. Pas toujours besoin de réfléchir, au contraire, on se laisse porter, on se plonge dans l’histoire, on peut marcher, ou s’endormir : les idées viennent. On doit lire, aussi, parfois. Se documenter. Visionner des films, aussi.
Que du bonheur !!
Après, chaque début de nouvelle étape est un bon moment. Commencer à organiser les idées, c’est se dire qu’on a fini d’amasser de idées, qu’on a fait du bon boulot. Et puis on se lasse de cette étape, au bout d’un moment, parce que c’est dur, qu’on s’aperçoit que certaines choses ne cadrent pas, qu’on est obligé de se séparer de bonnes idées. Ça, je m’étais juré de ne jamais le faire, d’essayer de tout intégrer, même le plus improbable, à une histoire. Faut bien avouer que c’est pas toujours possible.
Commencer le synopsis, c’est se dire que cette étape est finie, que ça y est, on a l’histoire. Mais c’est là que je rédige les dialogues. Et les dialogues, je ne veux plus m’en servir uniquement comme vecteur d’information, comme ça a été le cas au début. Donc je les travaille beaucoup, je les réécris même au découpage, même une fois les planches dessinées. Cette étape devient fastidieuse au bout d’un moment. C’est bien quand c’est fini. Mais je ne torche pas, sinon je sais que j’aurais à y revenir tôt ou tard. Je veux vraiment être content de moi.
Pareil pour le découpage : on attaque la mise en images, la mise en scène de l’histoire. Tout ce qu’on a fait au début prend un sens. Ça aussi, c’est que du bonheur au début… jusqu’à ce que les problèmes arrivent. Après, on a hâte d’avoir fini, mais on ne torche pas non plus pour autant, de toutes façons, le dessinateur est là pour nous dire qu’on a un peu déconné si ça arrive…
Cette manière de travailler est en train de changer, d’ailleurs. On me demande moins de rédiger des synopsis détaillés, on commence à me faire un peu confiance, et puis c’est trop long à lire pour un éditeur. Et de mon côté, la transcription synopsis-découpage était fastidieuse, parce qu’une nouvelle n’a rien à voir avec un album, qu’il fallait parfois remanier complètement certaine scènes pour qu’elles tiennent dans l’album, ou tout bêtement parce qu’elles n’avaient pas d’ « équivalent pictural » dans l’album, dirons-nous…
Aujourd’hui, je fais une pagination détaillée au moment de l’organisation de mes idées, et je fais un prédécoupage avant d’écrire un synopsis plus léger que ce que je faisais avant… J’intègre beaucoup plus le découpage dans ma manière de bosser, j’aimerais bien exploiter au mieux les possibilités du support BD. Même si je reste pour l’instant un raconteur d’histoires en bandes dessinées, pas un expérimentateur. Je fais le maximum pour être content de mes histoires et de la manière dont elles sont mises en scène. L’expérimentation, la mise en scène BD sans véritable structure narrative derrière, même sans savoir dessiner, ça m’intéresse, mais on verra après.
Changement radical d’univers avec Idoles, illustré par Emem, jeune et talentueux dessinateur, dont le premier tome vient de paraître chez Delcourt. Comment est né ce projet?
D’abord l’envie de faire un comics, une bd de super héros. Emem et moi partagions cette envie, ce goût pour l’univers des mecs super forts avec des costumes moulants de toutes les couleurs.
Après, il a fallu trouver de quelle manière on pouvait aborder ce thème, comment faire NOTRE bd de super héros.
J’avais entendu parler, pendant un stage de fin d’études où je m’ennuyais, de l’adaptation de Hulk par Ang Lee. Je m’étais demandé ce que j’en ferais, moi. C’était un de mes superhéros favoris. Le thème du double, la force surhumaine, la peur qu’on déclenche chez les autres… J’avais déjà développé ces éléments avant de parler d’Idoles avec Emem. Tout ça est tombé à point en 2002, quand on a commencé à monter le projet. Les émissions de télé-réalité démarraient, les élections présidentielles qui nous ont tous marqués venaient d’avoir lieu. Tout ça s’est bien assemblé : je trouvais qu’il y avait un côté star, et aussi un aspect facho chez le superhéros que j’avais envie d’exploiter.
Et pour finir, j’en avais marre de voir toutes les BDs de SF se dérouler aux Etats-Unis, ou avec des personnages avec des noms anglophones. Je voulais que ça se passe en France, où le thème du fascisme commençait à trouver une résonance particulière…
Comment Emem est-il devenu le dessinateur de cette série?
Emem est, à l’origine, un copain de Poulos, dessinateur de la Chute. C’est par ce biais que je l’ai rencontré. Nous avons fait des essais sur un autre de mes projets pour Petit-à-petit, ça n’a pas trop plu à l’éditeur, du coup nous avons développé notre propre projet, un truc qui collait complètement aux envies de Mathieu, donc… un truc de super héros ! On l’a proposé à Petit-à-petit, refusé, puis on a fait les festivals. A Saint Malo on a été refusé par Dupuis et les Humanos, mais on a eu un bon contact avec Glénat. Pendant un temps on a pensé que ça se ferait chez eux mais on avait du mal à avoir des nouvelles, et puis ça s’est fini avec le renvoi du dossier à la maison, sans plus de cérémonie. Bon… Entre temps, à Angoulême (c’est dire qu’on a attendu…) on a aussi prospecté, on s’est fait dégager de chez Soleil et Albin Michel, mais on a eu un bon contact chez Delcourt, et après un peu de boulot, (surtout pour Emem) ils l’ont pris. Et nous voilà !
© Delcourt/ Mathieu Gabella / Emem
Le pitch en quelques mots?
La France est tombée entre les mains d’un gouvernement d’extrême droite. Un laboratoire secret est en train de mettre au point le super héros français de demain… Nous allons nous attacher aux sujets « ratés » de cette expérience.
En parallèle, un super flic vieillissant, le Vétéran, est déjà la vedette d’un security show. Nous allons suivre son périple…
La vision que tu proposes de la société dans les années à venir est des plus pessimistes… Il faut dire que vu le contexte où tu as écrit l’histoire, il aurait été difficile d’être optimiste… Ce premier tome pose les bases d’un univers à la fois riche, cohérent et pour le moins inquiétant… Une fois encore, on pressent un long travail de création dont l’album n’est que la pointe émergée de l’iceberg… As-tu lu de nombreux bouquins d’anticipation ou visionné de nombreux films pour élaborer cette vision de l’avenir? Si oui lesquels? Sinon, comment as-tu organisé ton travail créatif?
Je me suis beaucoup documenté sur le fonctionnement du cerveau, parce que je voulais développer plus que ça le thème du dédoublement de personnalité. Finalement, j’ai un peu laissé ça de côté, les deux thèmes principaux étant quand même « superhéros ratés » et « extrême droite », c’était surtout ça que je voulais développer. De tous mes livres, c’est celui pour lequel j’ai fait le moins de recherches. Il faut dire qu’entre la Chute, les Mesures du Temps, la Licorne (à venir l’an prochain chez Delcourt), et Northmen (l’an prochain chez Petit-à-petit), je n’ai fait quasiment que de l’historique-fantastique. Mais depuis le début de l’année, je suis plus dans le contemporain et la SF…
© Delcourt/ Mathieu Gabella / Emem
As-tu travaillé de la même façon avec Emem qu’avec Poulos ou Anthony Audibert?
La différence de travail entre dessinateurs se voit, bien sûr, dans la manière dont le découpage est abordé.
Avec Poulos, sur la Chute, il y a eu pas mal de changements : on était pressé par le temps, et puis il aime s’investir dans la mise en scène. Après, les intentions du découpage étaient respectées, il y a eu dialogue, même si faute de temps, on n’a pas vraiment pu discuter de certaines scènes. Mais j’ai été bluffé par la beauté des pages, et je me suis retrouvé dans l’album. Et, enfin, les scènes auxquelles j’étais attaché, je les ai retrouvées exactement comme je les imaginais. Et ça fonctionnait. Au final, l’album est beau et malgré quelques défauts dus à la rapidité d’exécution, qui nous ont empêché de faire plus de réglages (mon scénario est aussi en cause là-dedans) et j’en suis très fier.
Avec Anthony, on a pris beaucoup plus de temps pour discuter des changements qu’il souhaitait voir par rapport à mon découpage initial. Mais on avait pris un délai plus long pour réaliser le bouquin. Tout ce qui a changé a été le fruit d’une discussion. Anthony a fait un storyboard complet du bouquin, ce qui peut être très fastidieux pour un dessinateur, mais qui nous permet de voir si tout fonctionne, de faire une première lecture pour me mettre à moi, le scénariste, mon nez dans le caca si l’histoire est incohérente, ou si le découpage auquel je m’accroche est pourri.
Et là encore, je me suis retrouvé complètement, bien sûr, dans le livre.
Avec Emem, pareil, il fait un storyboard complet et très poussé du livre entier. Par contre, même s’il y a des scènes qui changent, il y en a très peu.
Non pas qu’Emem ne veuille pas s’investir dans la mise en scène, mais déjà, je crois qu’on est vraiment sur la même longueur d’onde en ce qui concerne ce projet, qui a d’ailleurs été écrit pour lui. On a complètement les mêmes goûts en ce qui concerne l’univers des super héros, je vois bien ce qu’il a envie de dessiner et mon découpage est adapté à ce qu’il fait, notamment pour tout ce qui est spectaculaire.
D’autre part, je crois qu’il envisage différemment le découpage. Je crois qu’un descriptif de case est pour lui un challenge. Son talent de metteur en scène, il l’utilise pour rechercher la solution graphique la plus adaptée à la description de case, et à la narration globale.
Après, pour répondre tout de suite à la question qui vient juste après ces comparaisons
, je n’ai pas de préférence, de dessinateur que j’aime-parce-qu’il-respecte-mon-petit-ego : je suis toujours surpris, que la mise en image se fasse sur le découpage original (un descriptif laisse quand même pas mal d’interprétations possibles), ou qu’elle l’ait changé. Après, ce qui compte, c’est de se retrouver dans le rythme et l’émotion qu’on voulait faire passer, même si parfois il faut quand même discuter et négocier.
| Making-Of
Dossier de 34 pages qui vous propose d'explorer le travail des auteurs sur la seconde scène de l'album. Synopsis,
découpage et trois différentes versions de ces premières planches vous sont proposés... |
En combien de tome cette série d’anticipation est-elle prévue?
En 3 tomes. Tout a déjà été écrit comme ça. Après, il est peut être un peu tôt pour en parler, mais comme toujours, il m’est venu de nouvelles idées pendant qu’Emem dessinait le 1, et à peine celui-ci sorti, je commence déjà à discuter avec l’éditeur de faire un 4 et 5.
Je souhaite qu’il y ait une fin claire et nette, ça c’est sûr, je veux qu’on se sépare de ces personnages une bonne fois pour toutes, et si c’est un déchirement, tant mieux, ça voudra dire qu’on les a aimés.
Mais j’ai des idées qui méritent d’être exploitées, à mon sens, et je trouverais dommage de ne pas le faire.
Mais nous ne prolongerons pas la série au-delà de 5 tomes (6 maximum, ha ha haaaaa, mais je ne crois pas avoir assez de matière pour aller jusque-là, et on aura tous envie de passer à autre chose d’ici là). Un tome 4 et un tome 5, j‘aimerais bien. Il ne s’agirait pas de délayer les trois déjà écrits, mais de poursuivre l’histoire sur deux tomes de plus.
On verra si c’est possible…
On l’espère en tout cas ! Quels sont tes projets présents et à venir?
A paraître en Septembre aux éditions Petit-à-petit : la Guerre des Boutons, d’après Louis Pergaud avec Valérie Vernay, une très belle BD jeunesse dont je suis très content, les planches de Valérie sont magnifiques et je suis très satisfait de mon boulot d’adaptateur, notamment au niveau des dialogues.
En début d’année prochaine, il y aura la Licorne, avec Anthony Jean, un jeune dessinateur qui déchire tout (soyons modeste) dans un style peinture assez sombre, assez dark fantasy. C’est l’histoire d’un groupe de médecins de la Renaissance confrontés à des créatures extraordinaires, c’est chez Delcourt. Au casting, des gens qui ont existé : Michel de Nostredame (qui était médecin avant d’être voyant), Ambroise Paré (célèbre chirurgien), Paracelse (un des premiers à avoir pensé au concept de l’homéopathie en soignant le mal par le mal) et Andrea Vésale (fondateur de l’anatomie moderne).
Il y aura aussi le tome 2 d’Idoles !
Et enfin Northmen, chez Petit-à-petit, avec Emmanuel Murzeau au crayon et Vincent Joubert à la couleur, une saga normande, comme son nom l’indique, bel ouvrage que j’ai hâte de tenir entre mes petites manouches. Là encore, je suis vraiment content de bosser avec eux.
Après ça, on est sur le point de signer pour un nouveau projet avec Anthony Audibert chez Bamboo, et deux nouveaux projets chez Delcourt, mais tant que j’ai pas les contrats dans le coffre, une petite voix intérieure me hurle de la boucler... Et on espère bien sûr finir le tome 2 de la Chute avec Poulos le plus tôt possible !
Et, hors bd, j’ai toujours deux courts métrages pour lesquels des producteurs cherchent des financements, et je développe un scénario de long métrage pour un projet de film fantastique qui me tient beaucoup à cœur, avec un jeune réalisateur qui s’appelle Thomas Guerigen.
Voilà!
Impressionnant et pour le moins alléchant… Pas mal de boulot en perspective effectivement! Peut-on en savoir plus sur le sujet de ton film fantastique où est-ce classé secret défense?
Bah c’est pas non plus un projet hollywoodien, mais c’est un projet qui me fait rêver. Thomas est donc un jeune réalisateur, mais c’est aussi un graphiste, un décorateur et un concepteur d’objets, et on monte ça avec une petite maison de production qui a de l’ambition, Matadorfilms. Ce sont eux qui m’ont mis sur le coup. On démarre tous plus ou moins, même si le producteur et Thomas ont quand même beaucoup plus de bouteille que moi dans le métier, mais disons que c’est un de leur premier gros projet. Pour ce qui est de l’histoire, je ne préfère pas trop en parler, c’est une idée de Thomas. Disons que ce sera un gros film fantastique à très petit budget, mais Thomas étant un magicien de l’image, je me suis embarqué là dedans sans problème : tous les réalisateurs n’ont pas besoin d’ILM pour faire rêver, lui fait partie de ceux qui savent bricoler, monter, créer avec génie de belles images surréelles… C’est assez rare pour se dire qu’il faut participer à l’aventure.
Cinéma, romans ou BD, quels sont tes derniers coups de cœur?
Niveau cinéma, j’ai beaucoup aimé Charlie et la Chocolaterie, Tim Burton a apporté sa vision à un livre que je connaissais déjà bien et que j’aimais beaucoup, et c’est tant mieux, ça permet de voir autre chose qu’une simple transposition de livre à l’écran.
Niveau roman, j’ai lu des choses, dont le Da Vinci Code, mais question coup de cœur, c’est pas vraiment ça. Même si je reconnais que c’est distrayant. Un modèle d’efficacité (alors que ça parle beaucoup, et que finalement, niveau intrigue à proprement parler, il ne se passe pas grand chose…). Là je suis en train de lire Saga, de Tonino Benacquista, c’est un romancier que j’adore. Saga est son livre le plus connu, c’est celui que j’ai lu en dernier, j’ai lu tous les autres : c’est vraiment un grand écrvain, et un grand scénariste de ciné, on lui doit « Sur mes lèvres » et « De battre mon cœur s’est arrêté » ET de bd, j’aime beaucoup la Boîte noire et l’Outremangeur. Il a un style magnifique et ses histoires sont solides, et remplies de bonnes idées. Un modèle.
Niveau bd, on va croire que je suis complètement à la ramasse, surtout pour un scénariste de bd qui bosse pour Delcourt, mais j’ai découvert en début d’année les séries d’Alain Ayrolle, Garulfo et De cape et de Crocs, ainsi que Donjon. Là aussi, un modèle de densité d’idées et de fluidité, pour un scénariste. Ce sont les deux seuls univers BD dont j’attends les prochains développements avec impatience. Avec quelques comics…
Le mot de la fin?
Hips…
Un grand merci de nous avoir accordé ce sympathique entretien malgré un emploi du temps qui semble overbooké…
Ouais, overbooké à fond.
D’ailleurs Steven et George sont en ligne, donc il faut que je te laisse.
Sioux babaille.
Et plus sérieusement, merci beaucoup de vous intéresser à notre boulot, ça fait vraiment plaisir !