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Entretien avec Gihef
accordé aux SdI en Janvier 2006


Enfant, quel lecteur de BD étais-tu? Quels auteurs t'ont donné envie de te lancer dans la bande dessinée?
Tiens?!... On ne se vouvoie plus?...
Allez, sérieux... Hum, hum... Bon, j'ai commencé avec des BD franco-belges de l'époque: Sammy, Les Tuniques Bleues, Comanche,... Les trucs qui me tombaient dans les mains en fait... Mon père avait quelques bons trucs dans sa biblio.
La première série que j'ai commencé à acheter de mon plein gré était Durango de Swolfs. Grosse claque...
Ensuite, je me suis mis tout doucement aux mensuels de comics que l'on vendait dans les années 80: Strange, Spidey, Nova, Titans,...
Puis un gros déclencheur: j'ai découvert Gotlib et l'univers Fluidesque à travers Fluide Glacial... Je devais avoir 12-13 ans...

Et aujourd'hui, quels sont tes derniers coups de cœur BD?
J'ai redécouvert les comics il y a deux ans à peu près... J'en achète donc pas mal, notamment les Semic Books, une collection très sympathique, je trouve... Midnight Nation, Human Target, Batman Silence, Halloween et Dark Victory,... J'aime les dessinateurs au style précis et lèché comme Gary Frank ou Jim Lee, mais aussi le travail de Jeph Loeb et Tim Sale, sur Batman notamment...
En franco-belge, j'aime beaucoup le travail de Mig, Karl T ou, dans un autre genre Hérenguel... Je me pète un zygomatique à chaque lecture de Kran... J'ai également découvert Larcenet lors de la sortie du Combat Ordinaire 1. Je suis devenu un inconditionnel...

Le comics est un genre souvent méconnu des lecteurs de bd européennes… Qu’est ce qui le caractérise ou le différencie de la BD franco-belge ? Quels titres conseillerais-tu à un béotien désireux d’explorer d’autres univers ?
Je pense qu’une des différences principales est le système de narration. Le comics typique est de format légèrement plus petit que celui que l’on connaît en France, donc il est assez fréquent que le nombre de cases soit réduit à 4 ou 5 au lieu de 8 à 10 cases. La mise en page est bien souvent très éclatée, ce qui peut, je pense, gêner le lecteur puriste qui a l’habitude de lire du Tintin ou Largo Winch.
Ce qui arrête pas mal de gens aussi, c’est l’idée que l’on se fait de la bd américaine… Les ouvrages les plus connus outre-atlantique sont essentiellement des comics de super-héros .
Et pourtant, cela ne représente certainement pas la totalité des productions US…
Il suffit de lire SIN CITY, MIDNIGHT NATION, HUMAN TARGET ou bien d’autres encore pour s’en rendre compte…

Qu’est-ce qui te touche dans le Combat Ordinaire ?
Ce qui a dû toucher des milliers de lecteurs… La fraîcheur du récit, les petites anecdotes sur le milieu, sur la place de l’artiste dans la société, les pétards, GeooOOoorge, etc… smiley
J’aime beaucoup les codes graphiques qu’utilise Larcenet pour faire vivre ses personnages. Un dessin en apparence très désuet, mais qui ne manque jamais sa cible…

En 2003 sort Jumeaux parfaits, ta première BD, édité par Nucléa² et scénarisée par Jean-Christophe Derrien... Comment est né cette aventure?
A l'époque, mon ami Eric Lenaerts travaillait avec Dominique Latil sur un album pour Soleil. J'ai envoyé mes travaux à Latil par l'entremise d'Eric, et il m'a mis en contact avec J-C... On a monté RIP ltd, et signé chez Nucléa (1 à l'époque)... On a un vécu en direct la transition vers Nucléa2...

Fus-ce le parcours du combattant de monter le projet et le défendre auprès d’un éditeur ?
Pas plus que pour les autres… Nucléa était le seul éditeur à avoir accepté le projet, donc on n’a pas vraiment eu de choix…


En avril 2004 paraît le tentateur, premier tome d’une série fascinante, les enchaînés… Peux-tu nous en dire un peu plus sur la genèse de ta deuxième BD?
Vents d’Ouest nous a mis en contact, je ne connaissais pas le travail de Joël avant de collaborer avec lui. Je me suis procuré Comptine d’Halloween, j’ai adoré… De son côté, Joël était intéressé par mon travail, et il m’a proposé Enchaînés…

Comment organises-tu ton travail avec Joël Callède ? Comment sont nés les lieux et les personnages ?
Il m’envoie des découpages texte assez précis, ensuite je lui soumets un découpage dessin sous forme de board. Quand on est d’accord sur la mise en page, j’attaque la planche. Nous avons un bon rythme de travail, et des idées similaires sur beaucoup de choses… Cela facilite la relation.
A la base, Enchaînés ne se passait pas dans une ville particulière. Je lui ai proposé Los Angeles car je trouvais cette cité idéale pour le théâtre des mésaventures de nos protagonistes.
Au niveau des personnages, il me fait une description assez précise, mais pas nécessairement physique.


© Vent d'Ouest / Gihef


Lorsque tu t’atèles à la réalisation d’une BD, dessines tu les planches dans l’ordre chronologique ou par séquences en fonction de tes envies du moment?
Nous travaillons de façon très carrée. Afin de ne rien laisser au hasard, Joël m’envoie les pages dans l’ordre chronologique. Je les dessine donc dans cet ordre. Il arrive que je saute une page parce que je n’ai pas la doc nécessaire sous la main, mais je ne laisse jamais traîner longtemps. J’aime avancer, il m’est très pénible de revenir en arrière…


© Vent d'Ouest / Gihef


Justement, comment élabores-tu l’apparence physique des personnages, leur façon de se vêtir et autre? T’inspires-tu des personnages de ton entourage? de personnages de fictions (ciné, série)?
En général, on part sur un ou plusieurs acteurs pour définir un personnage… Soit Joël me le suggère, soit je lui propose un casting, et on tranche à deux…
Pour donner des exemples concrets, Henry est un mélange de Nicolas Cage dans Leaving Las Vegas et de Michael Douglas dans Chute Libre ; Tobey est directement inspiré de Toby Maguire dans Wonder Boys et de Edward Furlong dans American History X…

Le découpage de tes planches et tes cadrages sont très cinématographique… Quels sont tes films de chevet et cinéastes fétiches? Quel est ton dernier coup de cœur sur grand écran?
Le cinéma est clairement ma première passion. Citer tous les films que j’ai adoré, ça prendrait 30 pages complètes…
Mais en vrac : les Scorcese-de Niro ; American Beauty, les films des frères Coen, Mulholland Drive (et quelques autres Lynch, mais pas tous…) ; les vieux films avec Jack Lemmon notamment ; tout Tarantino (sans exception !!!) ; les « grosses » comédies des années 80 (avec Steve Martin, Bill Murray, Chevy Chase,etc…) ; Wonder Boys ; Donnie Darko, les films de Carpenter (tout particulièrement « Jack Burton… ») ; Goodfellas de Scorcese ; Scarface de Brian de Palma ; The Fisher King de Terry Gilliam ; Seven Years Itch de Billy Wilder et j’en ai encore un millier en tête, mais j’ai peur d’abuser.
Le dernier véritable coup de cœur qui est devenu mon dvd de chevet, c’est « L’Effet Papillon ». Le meilleur thriller de la décennie !!!
Tout récemment, j’ai adoré « La Vie Aquatique » avec l’inénarrable Bill Murray, et « SAW » qui est à mon humble avis un bon petit thriller bien ficelé…

De nombreux dessinateurs aiment à travailler en musique afin de s’immerger dans l’atmosphère de la planche qu’ils sont en train de dessiner… Qu’en est-il pour toi?
Oui, c’est primordial. Nous faisons un métier de solitaire. Il est bon d’avoir un bruit de fond lorsqu’on travaille. Pour ma part, j’ai toujours travaillé ainsi. La musique est une autre grande passion, elle fait même partie de mes grandes frustrations…

Choisis-tu ta musique en fonction de l’ambiance de ce que tu dessines?
Oui, forcément… Comme j’écoute un peu de tout, du métal au jazz, en passant par le rock, le blues, le hip-hop ou l’opéra, je sais adapter à chaque page…

Parmi les personnages que tu as crée dans tes différentes séries, lequel prends-tu le plus de plaisir à mettre en scène ?
Je ne prends pas plus de plaisir sur l’un ou l’autre personnage. Ce qui m’intéresse, c’est la mise en scène de la séquence sur laquelle je dois travailler… C’est là que je m’éclate !!...

Quel est le moment que tu préfères dans l’élaboration d’une bande dessinée?
Je dirais le story-board… A ce niveau, je vois déjà assez bien ce que va donner le résultat final…


© Vent d'Ouest / Gihef


Qu’est ce qui te passionne dans ton métier de dessinateur? Etre un metteur en scène, un raconteur d’histoire?
C’est un peu les deux. Travailler sur un scénario comme Enchaïnés, c’est un réel plaisir. J’essaie de fonctionner au coup de cœur. C’est le meilleur moyen de mettre une histoire en images le plus honnêtement possible. C’est ce qui s’était également passé avec RIP. Malgré les petits contretemps que nous avons eu avec l’éditeur, je garde un très bon souvenir de sa réalisation.
Comme je ne suis pas un de ces jeunes surdoués de la bd, j’essaie de tout miser sur la mise en scène. La compréhension et l’attachement au récit sont primordiaux pour moi.

En tant que dessinateur, comment perçois-tu les séances de dédicaces?
Je suis de plus en plus mitigé et méfiant vis-à-vis des dédicaces… Je suis conscient que « tourner » en librairie peut être très bénéfique pour un auteur débutant. Néanmoins, je me suis retrouvé dans des situations qui m’ont mis mal à l’aise, des abus soit de libraires, soit de collectionneurs. Evidemment, c’est minoritaire, mais je trouve que cela ne devrait pas arriver. La dédicace doit être un plaisir pour les trois parties (libraire, lecteur et auteur), sinon ça n’a pas de sens… L’auteur prend en général sur son temps de travail ou même de repos pour aller à la rencontre de son lectorat. Des fois, cela implique de longs et pénibles trajets. Quelques personnes ont tendance à l’oublier, voire à ne même pas y penser… smiley


© Vent d'Ouest / Gihef


Tu as crée un site internet pour présenter tes différents travaux, tu interviens régulièrement sur le forum de Bdgest… Est-ce pour aller à la rencontre de tes lecteurs ?
Oui et non. Le site internet constitue surtout un essai. Mon idée est surtout de marquer ma présence sur la toile, et de communiquer des infos sur mes travaux à ceux que ça intéresse.
Pour BDGest, c’est différent. Je suis tombé dessus par hasard il y a 2 ans, et depuis j’en suis devenu un foruméen à part entière. Néanmoins, j’interviens très peu sur les sujets BD… Je parle essentiellement de musique ou de cinoche avec un petit noyau dur d’autres internautes très sympathiques.

A par le tome 4 d’Enchaînés que j’attends avec une impatience jubilatoire, as-tu d’autres projets sur le feu ?
Oui, plusieurs, mais il est beaucoup trop tôt pour en parler concrètement.


© Vent d'Ouest / Gihef


Y-a-t-il une question que je n’ai pas posé et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Y a-t-il une réponse que tu attendais et que je ne t’ai pas donnée ?.... smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître et comme le veut la tradition des SdI, voici un petit portrait chinois à la sauce chrysopéenne…

une créature mythologique : Un vampire.
un personnage de cinéma : Jules, le tueur de Pulp Fiction incarné par Samuel L. Jackson. La coolitude personnifiée.
un personnage biblique : Noé. J’aime l’idée de tout raser et recommencer à zéro…
un personnage de roman : Ebenezer Scrooge. Il symbolise un thème qui m’est cher : la rédemption.
un personnage historique : Jim Morrison… smiley
un personnage de BD : Marv’ de Sin City.
un personnage de théâtre : euh… Marv’ de Sin City ?!... smiley
une œuvre humaine : La potion d’immortalité… Ah ? On me signale dans l’oreillette que ça n’existe pas encore… smiley
Le Korrigan