La boutique en ligne Jocade spécialisée dans la vente de jeux de société se fait un plaisir d'interviewer régulièrement les personnalité du petit monde du jeu de société. Voici donc l'interview de Serge Laget...
Essen fut l'occasion de découvrir les nouveautés du monde ludique, mais aussi de rencontrer les divers acteurs du petit monde des jeux. Parmi eux, Christophe Boelinger, auteur d'Une Vie de chien qui sortait pour le Salon. Comme l'homme est sympathique et que les Jocadiens ne sont pas si méchants que ça (enfin, un peut quand même...), la première partie d'Une Vie de chien donna naissance à un joyeux délire qui accoucha d'une série de variantes (bientôt en ligne). Lors de la rédaction de ces variantes, Christophe nous a fait l'amitié de répondre à quelques questions histoire de présenter ses nouveaux jeux édités et ceux sur le point de l'être…
Salut Chris…
Hello Ludo
Avant tout, la traditionnelle question top importante : ' Qu'est que t'as eu pour Noël ? '
Est-ce que tu veux parler de ce que l'on m'a offert ou de ce que je me suis offert. Hélas, le Père Noël ne m'a quasiment rien amené. Mais je me suis offert un beau galion en modèle réduit. 100% Artisanal et 100% bois, à l'échelle des figurines 25mm. Je compte m'en servir pour Warhammer Fantasy Battle, pour un jeu de planche à voile Heroic Fantasy que j'ai crée il y quelques années et pour les jeux de rôles. C'est une pièce superbe qui servira autant de déco sur la cheminée que de pièce de jeu. Plus quelques petits jeux que je me suis offert. Mais mon plus beau cadeau a été la sortie de Snowboard chez Tilsit.
On t'a découvert avec Halloween Party, un des premiers Blue Game chez Descartes qui se caractérise par un mécanisme original : jouer avec les cartes qu'un autre joueur vous donne. Pour Essen, tu as sorti ton premier grand jeu : ' une vie de chien '. Peux tu nous parler un peu de cet excellent jeu ? Comment t'es venu l'idée de faire lever la patte aux joueurs
En fait tout a commencé devant une vitrine de souvenirs, au ski. J'ai vu des figurines de chien, et j'ai commencé à cogiter sur un jeu dans lequel on jouerait des chiens. J'ai poussé la porte de la boutique et j'ai demandé au vendeur de me sortir toutes les différentes races qu'il avait. Je m'en suis mis pour presque 200F de figurines. Puis de retour à l'appart j'ai bossé sur ce jeu chaque soir pendant cette semaine de ski. La maquette fut réalisée chez moi quelques semaines ou mois plus tard. J'ai changé la mécanique centrale à trois reprises avant d'aboutir au système actuel avec 1 deck par chien. Le plateau quant à lui a connu deux versions. Enfin, les règles ont traversées de nombreuses évolutions. Ce jeu a concouru à Boulogne Billancourt la même année qu'Halloween. Ces deux jeux se sont d'ailleurs retrouvés dans la même catégorie. Ils étaient tous les deux en finale, et selon les échos de la ludothèque, leur choix fut difficile pour trancher entre Halloween et Une vie de chien. A ma grande surprise c'est Halloween qui a éliminé ' Une vie de chien '. En quelque sorte je me suis auto-éliminé ! Mais il faut aussi préciser qu'à cette époque 'Une vie de chien' en était à sa première mécanique, et elle n'était pas aussi astucieuse que celle de la version actuelle.
Comment présenterais tu le jeu à quelqu'un qui ne le connaît pas (non, parce que là, j'ai pas eu le temps d'écrire la fiche…) ?
Il s'agit d'un jeu 'Fun', convivial avec un zeste de stratégie, un nombre non négligeable de choix et de décisions, des prises de risques, un peu de probas et de mémorisation en ce qui concerne les cartes (pour les plus calculateurs…), de la baston, des alliances… Mais surtout c'est un jeu dans lequel il faut entrer au maximum dans la peau de son chien. Car en effet tous les chiens ne sont pas doués pour les même choses. On ne joue pas Belle comme on joue Grognon. Donc pour se donner de meilleures chances de gagner je ne saurai que vous conseiller de bien analyser le deck de votre chien en début de partie. Je pense que les points forts de ce jeu résident dans son coté 'Fun', son thème et dans le fait qu'il puisse plaire à toute la famille, tout en laissant une jolie part de choix tactiques, de reflexion et de prise de risques aux personnes plus 'joueuses', si je puis m'exprimer ainsi… Bref le jeu idéal pour initier les amis, petits et grands, tout en se faisant plaisir en même temps.
On a beaucoup lu (et ce n'est pas faux ) qu'Une vie de chien fait un peu penser à feu Supergang. Quant dis tu ?
J'étais un grand fan des jeux de ludodélire, et il est évident que le plateau d'Une vie de chien' rappelle celui de Supergang. Je ne l'ai jamais nié, mais d'un autre coté je ne vois pas nos chers toutous ailleurs que dans une ville, je ne les vois pas non plus se déplacer sur des hexagones ou des cases carrées, encore moins sur un parcours type jeu de l'oie. Non ! Pour moi c'était clair, il n'y avait qu'une seule solution viable : une ville un peu cartoon, vue de dessus, dans laquelle nos chiens errants pourraient arpenter les rues… Ludodélire n'existe plus, et si les joueurs ont l'impression qu'à travers mes jeux je prolonge cette tradition Ludodélire, alors c'est une satisfaction personnelle, car dans le monde du jeu, rien ne m'a plus touché que la disparition de cet éditeur qui proposait d'excellents jeux.
Ton tout dernier jeu, c'est une simulation de Snowboard. Tu 'es toi même surfer ?
Oui, j'ai commencé le Snowboard en 1986, si on pouvait appeler cela comme ça à l'époque. On s'était fabriqué nos propres surfs en bois et résine + straps de planche à voile et tendeurs de vélos en guise de fixation. Pas de carres par contre on avait 2 dérives en aluminium sous le surf. Finition en queue de pie, 1m80 de long et 2 tonnes à la pesée. Quand j'y repense c'était impossible à manœuvrer ailleurs que dans 1m de poudre. Mais c'était également les années Blanche, et de la poudre on en avait jusqu'à plus soif. C'est vraiment des souvenirs excellents. On était que 4 surfeurs dans toute une station, et l'un des potes se trimballait une perceuse / visseuse dans le sac à dos pour réparer nos fixes chaque fois qu'on fraquait un peu trop fort. Ca ressemblait plus à du surf des mers qu'à du sbowboard, tant nos pieds étaient mal maintenus sur la planche. Puis sont apparus les vrais snows et les fixes , etc… Et là, pour nous, c'était le Paradis par rapport à nos engins bricolés. Les choses devenaient tellement plus faciles avec des carres et des vrais fixes. J'ai donc fait partie des pionniers du surf, et en tant que joueur la création d'un jeu combinant ces deux passions était inévitable. Bien entendu, tout cela s'est fait dans une station de ski.
Et bien, fais moi encore l'économie d'une fiche, parle nous du jeu
Snowboard est une excellente simulation d'une course de Free-Ride, avec toutes ses figures de Free-Style, ses rochers, ses sapins, ses bosses et autres troncs d'arbre en travers. Il existe 4 profils de surfeurs type : Le costaud, le rapide, l'agile et le sauteur. Le but du jeu est de terminer la course en tête tout en réalisant un max de figures pour épater le public. Chaque joueur doit donc constamment se battre sur deux tableaux, la course et le free-style. De plus la piste est constituée uniquement de plateaux modulaires et se déroule sous vos yeux, différentes à chaque partie. C'est principalement un jeu dans lequel vous allez calculer vos trajectoires, gérer votre vitesse, votre fatigue, vos figures et vos blessures (eh oui, les chutes ça fait mal surtout quand vos adversaires peuvent vous projeter sur les sapins ou les rochers). Pour une boite à ce prix, je peux vous dire que Tilsit a mis les moyens au niveau matériel. 32 plateaux modulaires représentant la piste, 6 figurines de surfers, 6 fiches de personnages, une aide de jeu, et surtout 4 roues présentant vos chances de réussites selon le type de surfeur que vous incarnez ; des pions, un surf 'Ze Best', etc…
Ca a l'air d'un pur jeu de simulation !
Certes, il est légèrement plus compliqué qu'une vie de chien, mais à mon avis il est aussi plus calculateur. Guillaume, un de mes playtesteur les plus acharné parvient quasiment tout le temps à gagner des parties en lançant un minimum de dés. Donc une personne maîtrisant bien le jeu, peu quasiment éliminer le hasard. Mais si les autres prennent des risques, il sera lui aussi obligé d'en prendre, et c'est là que ça devient rigolo, car les chutes se multiplient et les rebondissements sont palpitants. Il y a bien sûr quelques échelles de vitesse, énergie et blessures à gérer sur sa fiche, mais une bonne simulation se traduit forcément par ce type de contraintes. Je pense qu'on peut l'apparenter à un video-game de snowboard reporté sur un plateau de jeu. Les snowboarders devraient l'apprécier, car j'ai tenté de coller un maximum à la réalité. Les joueurs non snowboarders qui voudront bien se donner la peine de l'essayer, y trouveront certainement des mécaniques et des stratégies gagnantes. Pour les joueurs-surfers, inutile de préciser que ce sont eux qui s'éclateront le plus (et que je leur en veux à donf si ils ne l'essayent même pas !). Quand au grand public, permettez moi juste de vous donner un exemple qui m'a marqué. Ma fiancée n'est pas une grande joueuse, elle est plutôt ma playtesteuse Grand Public, et c'est pourtant un de ses jeux préféré.
Le principe des interviews du Roy Jok ©, c'est de demander aux auteurs ce qu'ils vont bientôt sortir. Quand on a préparé les variantes pour une vie de chien (très prochainement en ligne... si ce n'est déjà fait), tu as parlé d'un truc super top-secret. Est ce que c'est signé ? peux tu nous en parler ?
Désolé, je n'ai pas encore véritablement le droit d'en parler. Tout ce que je peux vous dire c'est que c'est en rapport avec l'un des événement cinématographique les plus attendu de cette année 2002. Que les nuits blanches s'enchaînent non-stop depuis deux mois sur ce projet. La maquette finale est désormais chez l'éditeur et c'est logiquement prévu pour Mars 2002. Les délais étaient courts et j'étais sous pression. Mais comme c'était un rêve d'enfance que de réaliser un jeu sur ce thème, j'ai vraiment bossé comme un taré, et surtout comme un passionné sur ce jeu. Mais je jure de vous en dire plus, dès que je le pourrais…
A part ça, tu as un nouveau Blue Game en préparation chez Descartes…
Oui, Fantasy Business devrait sortir pour le salon du jeu à Paris, donc fin Janvier si tout va bien.
Heu, j'ose pas demander… Un petit résumé ?
Il s'agit d'un jeu de commerce, d'enchères, de diplomatie, de négoce et de bluff mais surtout un jeu d'enfoiré !Imaginez le jeu de rôle et ses tendres héros de retour d'une juteuse aventure, les poches pleines de pièces d'or, arrivant dans une grande capitale d'un monde d'Heroic Fantasy. Ils doivent se ré-équiper pour repartir à l'aventure, ils arpentent donc les différentes boutiques des marchands d'armes, potions, parchemins, chevaux, et autres articles utiles pour nos aventuriers….. STOP ! Changement du champ visuel, rotation de caméra de 180° et vous vous trouvez désormais dans la boutique, dans la peau du marchand. Vous savez, celui qui se frotte les mains et qui n'a qu'un désir : pomper les aventuriers de toutes leurs pièces d'or. Voilà votre rôle. Celui d'un marchand / négociant en articles pour aventuriers. Il va falloir proposer les meilleurs prix à ces chers aventuriers si vous souhaitez vous enrichir. Le problème est que vous n'êtes pas le seul marchand dans cette capitale, vos adversaires incarnent tous un marchand qui va casser les prix sur certains marchés pour se les approprier. Les règles de Fantasy Business sont extrêmement simples, mais les négoces vont bon train et les coups bas sont monnaie courante. On pourrait l'apparenter à un Diplomacy monétaire version rapide et très allégé.
Et il t'es venu comment celui là ?
Pour la petite histoire… La mécanique centrale de Fantasy Business est celle de Grande Surface, Sim d'argent à Boulogne Billancourt, la même année que Vinci. Grande Surface était un GROS jeu, de type civilisation, dans lequel les joueurs étaient à la tête d'une chaîne de magasin style 'Casino' ou 'Carrefour' et se livraient une guerre des prix, de produits et de localisation impitoyable. Malgré que tous les éditeurs et joueurs aient reconnu l'intérêt et la richesse de Grande Surface, personne n'était prêt à se risquer sur le marché avec un jeu de longue haleine (Partie minimale en 2 à 3 heures de jeu). Heureusement, j'avais déjà dans un coin , l'idée de l'adapter en version plus 'light' et plus 'fun' dans un univers d'Heroic Fantasy en utilisant uniquement des cartes et de l'argent. Quelques années après qu'il ait été primé, j'ai travaillé sur cette version Heroic Fantasy que j'ai proposé à Descartes. Ils l'ont embarqué à Essen pour le tester avec des joueurs de tous les horizons, et comme tout le monde a craqué, j'ai eu tout de suite une réponse positive. Appréciant les dessins d'Emmanuel Roudier, j'avais demandé à ce qu'il le réalise, Descartes a suivi et c'est tant mieux, car je suis très content du résultat final. - T'u as d'autres projets officiels ? - Officiels, Non. J'attends actuellement les réponses de certains éditeurs Allemands qui ont quatre jeux. J'ai de nombreux autres projets en cours mais dont les maquettes manquent. Mais je suis aussi musicien et je compte lever un peu le pied sur la création des jeux pour me consacrer un peu plus à la composition et aux textes. Attention, cela ne veut pas dire que j'arrête de créer ! Je crois que cela m'est impossible. Cela veut simplement dire que je vais composer musicalement parlant et ludiquement parlant mais d'une manière plus détendue et selon les envies et les idées. Il y a tellement de jeux que j'aimerais finir, je ne sais pas par lequel commencer. Actuellement je suis en train de tester et 'régler' un jeu pour les plus petits (à partir de 7 ans) sur les poux !
A Essen, je t'ai vu fureter dans les stands des éditeurs avec des cartons sous le bras. Alors, bientôt un jeu Made in Germany ?
J'ai toujours aimé les jeux allemands et je pense avoir déjà été influencé par les jeux allemands lors de mes anciennes créations. L'enchaînement des plateaux dans Snowboard fait inévitablement penser à Mississipi Queen. Est-ce un hasard ? Je ne pense pas. Je pense que j'ai aimé ce jeu et que l'enchaînement des plateaux était la meilleure façon de traduire une descente en hors-piste toujours changeante. De plus en plus, on me colle l'étiquette de 'French Touch' pour les jeux. Je ne sais pas si c'est justifié, je dirais juste que mes influences proviennent de plusieurs mondes : des jeux américains (Avalon Hill), des jeux de plateaux (style ludodélire et autres) et des jeux allemands, doublé d'une surdose de jeux de rôle et des jeux de figurines (fantastiques principalement). Je pense que la créativité dans le domaine du jeu est comparable à celle de la musique. Vos créations ne sont qu'un mélange de ce que vous écoutez et de vos idées personnelles. Vous êtes forcément influencé par tout ce que vous avez aimé. Est-ce qu'on peut appeler cela la 'French-Touch' des jeux. Je l'appellerai simplement un 'Mixed-Universe' car mes jeux sont influencés par quasiment tous les univers de jeu que j'ai aimé et pratiqué. La dose de chaque univers dépend principalement du thème que j'essaie de simuler. Et justement, je pense que dans la plupart de mes jeux, une constante demeure, ' simuler au mieux possible le thème abordé tout en essayant de conserver une jouabilité maximum '. Mais s'auto-analyser n'est pas forcément bon ni évident, et ce sera plutôt à vous de me dire les tendances de mes jeux avec votre propre regard.
Un dernier mot ?
La plus grande récompense d'un créateur est de voir les joueurs s'éclater sur ses jeux. Et en toute sincérité j'espère honnêtement que vous aurez autant de plaisir à pratiquer ces jeux, que j'en ai eu à les créer et à les tester.
Merci !