Quand et comment es-tu tombé dans la marmite du jeu de rôle?
En 1984, lorsque les Livres dont vous êtes le Héros sont arrivés au Québec. Après mon premier, le Talisman de la Mort, je savais que j’étais condamné. Mon premier jeu de rôles fut l’Oeil Noir, en 1985.
Si Tu devais en quelques mots définir le JdR à ta grand-mère, que lui diriez-vous ?
Il s’agit d’une sorte de joute oratoire coopérative où les participants tentent de collaborer pour raconter une histoire. Un joueur sert de narrateur, alors que les autres incarnent les personnages de l’histoire.
Quels sont en ce jour tes jeux de chevet ?
Présentement il s’agit surtout de Réalités 2015, parce que je suis en pleine rédaction de la nouvelle édition. Cependant dans les quelques temps de libre que j’ai je joue surtout à des jeux de plateau ou des jeux de cartes : Zombies !!, Dungeon Twister, Chez Geek, Munchkin.
Quel sont tes plus grand et tes plus désastreux souvenir d’une partie de Jdr?
Mon meilleur souvenir est une campagne d’Ambre mémorable. Mon pire souvenir est une campagne de Witchcraft qui m’a demandée 4 mois de préparation (plus de 100 pages de notes) pour être complètement foutu en l’air au bout de deux soirées seulement. Classique.
Comment se porte le JdR outre Atlantique?
Ici au Québec, le jeu de rôles ne se porte pas bien du tout. Les grandes distances permettent mal de se réunir en clubs, les quelques jeux francophones sont des imports hors de prix, l’absence de jeux d’initiation (comme les Livres dont vous êtes le Héros ou des jeux comme Talisman) fait en sorte que peu de jeunes y sont initié, et la majorité des boutiques ont complètement délaissés le jeu de rôles au profit des jeux de cartes et de figurines. Je n’en suis pas encore à crier que le jeu de rôles est mort cependant. La situation a déjà été meilleure, comme elle a déjà été pire. Il y a des efforts à faire pour rétablir la situation, mais c’est très faisable. Notamment nous allons présenter le jeu de rôles ici comme un type de jeu de société et profiter de leur nouvelle popularité pour se glisser dans les boutiques.

Malgré un retard évident sur l’Allemagne, le jeu de société semble en plein essor en France, peut-être au fil du vieillissement des joueurs de jeux de rôle qui trouvent là un loisir plus compatible avec la vie de famille et la vie professionnelle … A l’instar de l’Allemagne, existe-t-il au Québec une culture du jeu?
Je dirais qu’il se produit ici la même chose qu’en France. Le jeu de société prend de plus en plus d’ampleur et les québécois commencent à peine à s’apercevoir que c’est un loisir plus vaste que « Monopoly », et qu’il s’adresse aussi aux adultes. C’est donc un secteur en plein essor.
Les concepteurs québécois se multiplient et ceux-ci sont bourrés de talent et d’originalité. Les événements ludiques commencent à se multiplier. Je crois sincèrement que le jeu de société a un avenir solide ici.
Comment est née le Studio Mammouth, jeune éditeur de jeux de rôles?
Tant moi que mes associés étions pris dans des emplois mornes pour lesquels nous étions surqualifiés et nous avions besoin de créer quelque chose et du désir de voir nos efforts récompensés de façon satisfaisante. Nous avons pris ces deux dernières années pour faire quelques tests et préparer nos produits. La période de pré-démarrage de Studio Mammouth a pris fin en janvier 2007, avec la publication de nos premiers produits papier.
Entre la création et les premières publications, combien de temps s’est il écoulé?
Près de deux ans entre la création de notre premier jeu et de nos première publications papier.
Parallèlement à l’édition papier, vous proposez vos créations sur le net au format PDF, à un prix moindre. Pourquoi avoir fait ce choix éditorial?
Plusieurs raisons :

C’est un format qui permet de tester le marché avant d’investir dans une impression. Publier des jeux de rôles est coûteux et risqué, et les retours sont maigres. Le PDF nous permet de mieux évaluer les risques avant de s’engager pour plusieurs millier de dollars d’impression.

C’est un format qui permet de faire des erreurs, ce qui pour un petit éditeur avec peu d’expérience est un atout non négligeable. Selon le retour des fans, il est aisé de voir ce qui a été apprécié ou non. Nous avons nous-même publiés des versions révisées de Réalités : Sphères en Collision et Wuxia peu après la parution de l’original et remplacés sans frais les exemplaires déjà vendus. Le PDF est un format qui offre de la flexibilité.

C’est un format qui permet de publier des produits (suppléments ou scénarios) qui ne seraient pas nécessairement rentables au format papier.

C’est un format qui offre un potentiel d’interactivité plus grand que le format papier. Nous n’utilisons pas encore le plein potentiel de cette technologie, mais au cours des prochains mois/années nous avons l’intention de tester ces possibilités.

Finalement, c’est un marché en lui-même, du moins du côté anglophone. Il se développe très vite et semble-t-il que certains joueurs n’achètent plus que du PDF. Il permet également à ces rôlistes qui préfèrent lire les jeux plutôt que d’y jouer de s’adonner à leur hobby sans se ruiner. Du côté francophone, ce marché est plus long et laborieux à se développer.
J’ai lu que vous alliez prochainement vous diversifier et vous ouvrir aux jeux de cartes et jeux de plateau. Peut-on déjà connaître le nom, le thème et le principe des premiers jeux que vous allez éditer?
Du côté jeux de cartes nous avons en préparation :
Les Collégiens, un jeu de cartes humoristique sur la gestion de temps inspiré de mes années de Cégep (qui se situe ici entre notre équivalent du Lycée et de l’Université). Dans l’essentiel, un groupe d’étudiants doivent co-habiter pendant un an, en répartissant leur temps entre étudier, courir les filles, fêter un max et travailler pour payer les factures. Bien que le thème semble similaire à Chez Geek, le jeu est en fait très différent.
Goblin Attack ! un jeu de cartes à l’humour noir où quelques bandes de gobelins doivent coopérer pour attaquer et piller un village humain. Cependant il ne peut y avoir qu’un seul gagnant et les gobelins sont particulièrement retors…
Côté jeux de plateau :
Seigneurie, un jeu de gestion de ressources dans lequel vous devez exploiter et développer l’une des seigneuries de Nouvelle-France pour accumuler assez de faveur royale pour être nommé Gouverneur Général.
De plus, nous avons toute une gamme de jeux de société anciens (comme le Senet égyptien, le Jeu Royal d’Ur sumérien, le Tafl viking, etc) qui seront édités au cours de 2007 et 2008 en éditions destiné au grand public.
Nous avons plusieurs autres projets en préparation, mais ceux-ci sont prévus pour plus tard ou les contrats avec les concepteurs ne sont pas encore finalisés. Alors pour le moment, je dois me taire
Bigre, le programme semble chargé!
Effectivement, il l’est. La plupart sont soit en préparation depuis plusieurs mois déjà (ce qui explique notre silence relatif), soit ils nous ont étés présentés dans un état presque publiable. L’acquisition de nos propres moyens de production nous permet de nous développer un catalogue étoffé dans un laps de temps relativement court (étant donné que nous n’avons pas à faire imprimer de grands inventaires). Cependant il ne faut pas s’imaginer que tout sera disponible internationalement tout de suite. Le commerce avec l’Europe est bourré de difficultés pour une entreprise de notre taille…
Le jeu HEX sera prochainement disponible en France. Comment est née cette aventure ludique?
J’ai découvert Maléfices il y a maintenant une douzaine d’années. Bien que j’ai perdu la trace du jeu jusqu’à il y a deux ans, je suis toujours demeuré un amateur. Depuis le début du Studio que nous avions l’envie de travailler sur un jeu touchant à la même époque. Le jeu n’aurait probablement pas vu le jour si Cédric Ferrand n’avait accroché à l’idée. C’est entre autre lui qui nous a présenté les auteurs du jeu.
Pouvez-vous en quelques mots faire le pitch de ce jeu?
Hex est un jeu de mystères situé dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est un monde où les sciences modernes naissent et remplacent progressivement les croyances anciennes. La différence entre la raison et la superstition n’est pas toujours claire et les causes de la plupart des mystères sont ouvertes à interprétation. Les personnages de romans comme Arsène Lupin et le capitaine Némo existent, tout comme les auteurs qui ont racontés leurs aventures. Hex exploite un sentiment de l’époque, où même l’impossible semble probable.
Une bonne partie de l’ouvrage est consacré au surnaturel et ses différentes pratiques à la Belle Epoque. Pouvez vous nous en dire plus sur le surnaturel d’Hex?
Dans le livre de base, il n’y a pas vraiment de règles pour utiliser le surnaturel. Celles-ci seront présentés dans les suppléments.
Notre intention est de présenter tant les science que le surnaturel de façon à être utilisable en jeu, mais dont les résultats seront plus près de la perception du grand public. Les méthodes utilisées seront celles décrites pour l’époque. Les effets seront soit subtils, soit ouvert à interprétation. Il n’y a bien souvent peu, voire aucune façon de déterminer un véritable sorcier ou scientifique d’un charlatan, et c’est quelque chose que nous désirons bien intégrer au jeu.
Maléfices, Crimes, Hex, et prochainement les Héritiers… Comment expliquez-vous que la Belle Epoque et l’Ere Victorienne semblent revenus à la mode dans le monde ludique?
C’est une période fascinante, suffisamment proche de nous pour que nous y retrouvions les bases de notre monde moderne, mais suffisamment éloigné pour permettre un fort dépaysement. Avec la popularité grandissante des jeux narratifs, les jeux qui ont le mystère comme thème au lieu des jets de dés ont la cote. Or cette époque se prête tellement bien au mystère, en plus d’avoir de nombreux films, romans et images d’époques qui permettent de s’y immerger facilement.
Vous êtes le créateur du système de jeu d’Hex… Comment avez vous travaillé à son élaboration? Quels principes ont guidés son élaboration?
Je travaille sur Persona depuis les tout premiers moment de Studio Mammouth. Je désirais un système qui puisse s’adapter à tous nos jeux (plutôt que d’adapter le jeu au système), mais dont les grands principes demeurerais les mêmes. Quelque chose de simple et rapide, mais qui met le contrôle sur le résultat des actions aux joueurs plutôt qu’au Narrateur (MJ). J’aime bien les systèmes à cumul de succès, mais je désirais offrir une façon pour rendre chaque succès intéressant. Donc le résultat est que Persona est rapide à prendre en main, simple à gérer, et qui permet un éventail de résultat d’action qui est très large.
Pouvez vous nous présenter succinctement le principe des règles?
Tout le système est basé sur une mécanique de cumul de succès : on lance un nombre de D10 égal à l’Attribut le plus approprié en fonction de l’action contre un seuil de réussite ajusté en fonction d’une compétence. Le joueur investit ensuite ses succès dans divers effets selon son désir. Le résultat d’une action est donc toujours plus complexe que le simple réussite/échec, et c’est le joueur qui décrit le résultat en fonction de la façon dont il a dépensé ses succès.
N’est-ce pas délicat de se glisser dans ce système pour un joueur débutant?
Pas vraiment, parce que ce système est très simple et ne demande pas de mémoriser de nombreuses règles ou d’utiliser de tables de références. En fait, nous avons pu remarquer lors du playtest que les joueurs débutants tombent plus naturellement dans le système que les vétérans de D&D.
Les jeux édités par le Studio Mammouth feront-il l’objet de la publication de suppléments ou de scénarios, que ce soit en ligne ou en version papier?
Oui. Un supplément de Wuxia est d’ailleurs déjà en chantier. R.O.B.O :T a déjà un écran et un petit supplément de virtuellement prêt. Le reste viendra au cours des prochains mois.
Cependant, ce sera Réalités 2015 qui bénéficiera du meilleur suivi. Nous avons beaucoup de matériel déjà prêt qui n’attend plus que la parution de la nouvelle version du jeu de base.
Peux-tu nous donner l’actualité du Studio Mammouth dans les semaines et les mois à venir?
Le 18 avril dernier, nous avons remportés la 3e position dans la catégorie Commerce pour la division Sud-Ouest du Concours.
Notre jeu de rôles R.O.B.O :T devrait être disponible sous forme papier vers la fin avril au Québec, et un mois plus tard en France.
Seigneurie est prévu pour septembre.
Nous venons également tout juste de signer un nouveau jeu de plateau qui se nomme "La Quête du Kadra". Il s'agit d'un jeu d'aventure coopératif, où une équipe de 4 joueurs doivent collaborer pour réussir une mission dans une crypte inexplorée en une heure maximum. Il s'agit du premier jeu d'une série de trois. L'ambiance et le style de jeu devrais plaire aux amateurs le Livres dont vous êtes le Héros. Il est prévu pour Noël.
Réalités 2015 devrait arriver en fin d’année. Pourquoi si tard ? Parce que nous travaillons à produire un jeu très immersif tant dans son contenu que dans sa présentation et ça demande beaucoup de boulot supplémentaire. Dites-vous simplement que l’attente en vaut la peine.
Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé…