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Entretien avec Sébastien Pauchon
accordé aux SdI en juin 2007


Tout d’abord, un grand merci de vous prêter au petit jeu de l’interview et un autre, plus grand encore pour Yspahan!
Tout le plaisir est pour moi.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton (parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse.)?
Eh bien j’ai eu 36 ans cet été, je suis marié et nous avons une fille de 7 ans.

Mon parcours n’est pas très orthodoxe : lycée, une année de fac (langues orientales) interrompue par une année de graphisme sur le tas, puis une deuxième année de fac (idem, chinois-japonais), cette fois interrompue pour me lancer dans le billard (américain), que j’ai pratiqué pendant 6 ans de manière professionnelle, de 1996 à 2002. En 2001, nous avons publié un ouvrage de référence en la matière que j’ai écrit et illustré, intitulé le billard.ch (http://www.lebillard.ch).

Ensuite, je me suis tourné peu à peu vers les jeux de société avec en parallèle plusieurs mandats de graphisme, ainsi que de muséographie pour le Musée Suisse du Jeu.

Finalement, je suis auteur / éditeur (avec GameWorks) à plein temps depuis maintenant 2 ans (2005).

Effectivement, tu as un joli palmarès au billard… Qu’est ce qui te passionne dans ce sport?
Tout ! L’esthétique, la stratégie, la créativité, le mental, la compétition, la technique et l’adresse requises, vraiment tout ! C’est dans les faits le sport et/ou le jeu que je trouve le plus passionnant, pour toutes les qualités mentionnées plus haut.

Enfant, quel joueur étais-tu ? Quels étaient alors tes jeux favoris ?
Le même qu’aujourd’hui, dans la limite de mes facultés d’alors, évidemment : autrement dit, un joueur qui était toujours prêt à jouer, motivé pour une partie de n’importe quoi. Aujourd’hui je suis par la force des choses plus exigeant sur la qualité des jeux pratiqués, mais toujours prêt pour une partie.

Mes jeux favoris d’alors étaient simplement ceux auxquels j’avais accès. Rien de très spécial, les classiques habituels : Echecs, Cluedo, Puissance 4, Dix de Chute, Stratego, Risk, Monopoly, etc.

Entre l’enfance et les jeux que tu pratiques actuellement as-tu mis ton sens ludique entre parenthèse ou n’as-tu jamais cessé de jouer ?
Je n’ai jamais cessé de jouer, à part peut-être pour faire du billard smiley

Quel joueur es-tu aujourd’hui et quels sont tes jeux de chevet en ce moment ?
Un joueur curieux de découvrir toute nouvelle idée. J’ai vraiment de l’intérêt pour toutes les catégories de jeux (stratégie, bluff, hasard, enchères, etc.), à l’exception des wargames, et des jeux trop « lourds ». Autant je joue volontiers 48 heures d’affilée à plein de jeux, autant je n’ai pas d’attrait pour les jeux dépassant les 2-3 heures. Des jeux comme Puerto, Amun-Re, Caylus ou Funkenschlag sont donc ma limite supérieure en terme de poids.

Les jeux de chevets ? Ces temps-ci, une création avec Bruno et Malcolm que nous avons retravaillée à fond et qui a de ce fait occupé la plupart de mes soirées jeux, ainsi que Jamaica, que nous allons éditer avec GameWorks, et dont nous réglons les derniers micro-détails.
Dans les jeux édités et, surtout, d’autres créateurs, les choses qui m’ont le plus accroché ces derniers mois sont Blue Moon City, Objets Trouvés, Time’s Up, Unanimo, Fairy Tale et Taluva, et je me réjouis de rejouer à Caylus Magna Carta, dont je n’ai joué qu’une seule fois le prototype.

Ah oui, et aussi Super Mario Sunshine sur Gamecube, que nous finissons en équipe avec Salomé (notre fille).

Qu’est-ce tu apprécies particulièrement dans la découverte de nouveaux jeux?
D’abord de belles illustrations. Ensuite, des règles bien écrites. Puis, la découverte d’une idée fraîche et aboutie. Ensuite, un jeu qui tourne bien et qui immédiatement demande à être rejoué, soit parce qu’on s’y prendrait autrement et qu’on veut essayer tout de suite, soit parce que les sensations procurées sont agréables et qu’on veut revivre ce genre de partie.
Je suis donc sensible à plein de détails d’un jeu, que ce soit son ergonomie, son matériel, son système de comptage de points, etc..

Le jeu de société fait peu à peu sa place en France où le jeu est culturellement moins présent qu’en Allemagne… Qu’en est-il en Suisse?
Pour ce qui est de la présence, on ne peut pas dire que le jeu est vraiment prédominant en Suisse. Il y a une certaine offre dans les grandes surfaces, mais elle est très MB, Hasbro ou Puzzle. Il y a quelques jeux de qualité qui apparaissent sur les étals, mais pas avant d’avoir montré patte blanche, autrement dit, pas avant d’avoir un certain pion rouge en couverture. Cela montre sans doute que les responsables des achats ne connaissent pas plus que cela les différents jeux proposés chaque année, et qu’ils se réfèrent aux labels.
Nous avons bien sûr des boutiques spécialisées, qui plus est de qualité, mais elles ne sont pas le reflet de la masse. Dès lors, je ne crois pas que l’on puisse décemment dire que le jeu est très présent dans notre culture.

Y’a-t-il eu une augmentation du phénomène jeu ou une diminution ces 5 ou 10 dernières années ? Je ne saurais le dire, je ne suis pas de la partie depuis assez longtemps. Il faudrait pour cela approcher différentes boutiques des 3 régions linguistiques.

De joueur à créateur, comment as-tu sauté le pas?
Comme tous les autres créateurs, je crois : on joue à plein de jeux, on imagine tout à coup une variante, on se dit que le jeu est bien mais pourquoi pas le jouer plutôt comme ci que comme cela, on lit mal une règle et le jeu qui en résulte est bien aussi, et on se dit que tiens, c’est intéressant de voir que cela peut fonctionner de diverses manières...
On ajoute à cela un zeste de créativité, un plaisir évident à jouer, jouer, jouer, et on se retrouve à imaginer ses premiers jeux. Ensuite de quoi, tout est possible…


Yspahan est-il né de la volonté de mettre en œuvre une mécanique ou la mécanique du jeu s’est-elle construite autour du thème?
D’abord la mécanique des dés, puis un jeu de majorités, puis le jeu tel qu’il est aujourd’hui.

Les phases d’ajustement et de réglage ont-elles pris beaucoup de temps?
Oui, pas mal. À la base Calife et Marchands était donc un jeu de majorités, et il a fallu du temps pour régler l’équilibre entre le Palais (La Caravane actuelle) et les points gagnés dans les quartiers, de même que les pouvoirs et les prix des bâtiments.
Quant les majorités ont été abandonnées, et que les cartes ont été introduites (il y en avait 18 différentes à la base), il a fallu remanier toutes ces échelles. Cela a notamment été l’occasion de simplifier le Palais, qui était bien plus compliqué.
Une fois tout cela en place, testé et équilibré, j’ai remontré le jeu à Cyril (d’Ystari) qui s’était déclaré intéressé par Calife et Marchands, mais pas par les majorités, et nous avons signé à Paris.
Ensuite de quoi Cyril et son équipe ont apporté encore quelques changements de points, de cartes, de micro-réglages, et le jeu était fini.



Prototype d’Yspahan


La gestion du hasard dans Yspahan est particulièrement fine et bien trouvée… Comment s’est construite cette idée plutôt novatrice?
Yspahan est né d’une réflexion autour de l’excellente idée de Teuber pour la production à Catane. Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours trouvé ce système d’une simplicité et d’une évidence à toute épreuve. Au point d’avoir de la peine à trouver autre chose. C’est en imaginant une production dépendant de dés mais complètement différente de Catane qu’est née la tour que l’on trouve dans Yspahan. Le jeu s’est ensuite construit autour de cette idée.

« Califes et Marchands », première mouture d’Yspahan, a été primé au fameux concours de Boulogne-Billancourt en 2005. En cette première version et la version éditée, quels ont été les principaux changements?
Dans Calife et Marchands, on pouvait vendre des marchandises pour de l’or, il y avait 18 cartes différentes, les points gagnés dans les quartier l’étaient par majorité, de même que ceux gagnés au Palais (qui était décompté par étage et par colonne, avec un bonus pour la majorité par étage), les joueurs avaient des paravents pour cacher leurs points de victoire, or et chameaux et il n’y avait pas encore la possibilité de dépenser un chameau pour envoyer un cube avec l’intendant tout en gardant son souk complet. Pas grand chose, somme toute smiley.



Prototype d’Yspahan


Travailles-tu en ce moment sur d’autres projets ?
Oui, non-stop. Avec GameWorks, Malcolm (Braff) et moi sommes en train de peaufiner l’édition de Jamaica, une commande pour la même compagnie d’assurance qui nous a commandé Animalia, et, toujours dans le cadre de nos activités GameWorks, nous avons entamé la création d’une autre commande avec Bruno (Cathala) ; un jeu sur la Suisse.
Comme projet personnel, je suis en train de remanier Oklahoma (primé à Boulogne 2006), dont le nom et le thème vont changer (peut-être Parys, rien n’est sûr) et qui sera édité à nouveau par Ystari pour Nuremberg 2008.
C’est tout pour les projets personnels, car le travail avec GameWorks nous prend tout notre temps. J’ai bien sûr plein d’idées notées dans des carnets, mais pas vraiment l’occasion de les développer. Alors je note, note, note.

Peux tu nous parler en deux mots de tes derniers coups de cœur? (ciné, romans, bd, musique) ?
Côté musique, c’est souvent la même rengaine : Un peu d’électro, un peu d’AC/DC (en voiture) et beaucoup de blues. Ah et puis du Jazz live au piano lorsque Malcolm passe à la maison, donc finalement assez souvent smiley

Côté cinéma, c’est plutôt DVD et, ces derniers temps, pas mal de séries, avec un faible pour les Soprano, dont l’interprète principal, James Gandolfini, est réellement époustouflant.

Y a-t-il une question que je n’aurais pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non, je ne crois pas… Mon top X peut-être ? Pour ceux que cela intéresse, au top je mettrais, sans ordre particulier et manifestement pour diverses raisons :
Puerto Rico, Rasende Roboter, Villes et Chevaliers, Catane Cartes, Medici, Time’s Up, Objets Trouvés, Carcassonne, Citadelles, China Town, Les Aventuriers du Rail, Les Chevaliers de la Table Ronde, Unanimo, Parys, et peut-être même Jamaica smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un petit portrait chinois assaisonné à la sauce imaginaire :
Là je vais devoir jouer mon joker, parce que j’ai trop aucune idée de comment répondre, désolé…

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…



Plateau d’Yspahan
Le Korrigan



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