La sorcière de Bergheim n’est certes pas un chef d’œuvre de la bande dessinée, mais cet album, signé Roger Seiter (scénariste de Fog) et dessiné par Vincent Wagner possède de nombreuses qualités didactiques et pédagogiques.
Rédigé par deux inquisiteurs dominicains allemands (Jacques Sprenger et Henri Institoris), le Malleus Maleficarum se veut être une sorte de bréviaire du chasseur de sorcière. Ce livre, largement diffusé grâce à l’imprimerie naissance, a impulsé de nombreux et tragiques procès en sorcellerie dans l’Europe occidentale. Car pour ces deux auteurs illuminés, la sorcellerie n’était pas l’ouvres de sorciers isolés, mais s’inscrivait dans un vase complot organisé par Satan himself et diffusé par les femmes (n’ont-elle pas poussé Adam à croquer la pomme?

).
« Les sorcières de Bergheim » se propose de montrer comment, la cupidité, la jalousie, le désir et l’envie de certains vont entraîner une jeune femme dans l’engrenage fatal d’un procès pour sorcellerie. La question qu’elle subira l’entraînera à avouer les crimes les plus abominables et sa participation à de délirants et improbables sabbat, la lâcheté de certains cautionnant le procès… mais comment prendre la défense d’une femme qui a avoué les pires crimes sans risquer de se faire accuser de complicité?
Le personnage de Thibault Sainte-Foy, apportant un peu de lumières dans ce siècle d’obscurantisme, est bien trouvé. Il est le moteur de cette histoire de facture classique, qui est avant tout celle d’un complot qui enverra une innocente au bûcher. Peu des protagonistes en sortiront indemnes…
Si le dessin de Vincent Wagner manque encore d’assurance, il parvient à poser une ambiance lourde et pesante, tout comme l’est l’intrigue… Sa reconstitution de l’époque est néanmoins précise, tant dans les décors fourmillant de détails, que dans les costumes.
Le bouquin n’est pas à proprement parler historique mais il s’inspire de personnages ayant existé. Le lieu, la commune de Bergheim, n’a pas été choisi au hasard puisque qu’y siégeait un tribunal civil chargé de juger les sorcières qui instruisit près de 40 procès entre 1582 et 1683. De nos jours la ville accueille d’ailleurs la Maison des sorcières, musée de la sorcellerie destiné à comprendre cette époque sombre, à travers gravures, vidéos, archives et documents d’époque…
Une bande dessinée qui aborde un sujet rarement abordé avec efficacité et pédagogie, tout en restant intéressante.