C’est peu dire d’écrire que Car l’Enfer est ici faisait partie des albums dont j’attendais beaucoup…
Tout d’abord, le Pouvoir des Innocents étant l’une des séries BD dont la lecture m’avait époustouflé, j’exagère à peine si je dis que l’annonce de cette double suite m’a fait sauter au plafond… Connaissant les travaux de Luc Brunschwig, il était impensable que les Enfants de Jessica ou Car l’Enfer est ici soient des série commerciales. Non, s’il reprenait ces personnages (enfin les rescapés) avec son compère Laurent Hirn, c’est qu’il avait quelque chose à nous dire… Le discours, premier tome des Enfants de Jessica confirmait ce point de vue et, autant le dire tout de suite, 508 statues souriantes le confirme tout autant…
Ensuite, il y a David Nouhaud… D’emblée, avec son premier album, il s’est imposé comme un dessinateur particulièrement doué aux colorisations redoutables. Certes, le scénario original de Maxime Murène (écrit par Nicolas Jarry) faisait plus que tenir la route, posant en quelques pages un univers fascinant… Mais c’était surtout le dessin impressionnant de David Nouhaud qui attirait d’emblée l’attention. Son crayonné stylisé et sans encrage rehaussé par une mise en couleur saisissante et un travail sur les ombres et la lumière particulièrement soigné avait de quoi marquer les esprits… Sans parler de ses cadrages cinématographiques qui conférait à l’album son ambiance si particulière… Bref, pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître… Depuis, je guettais, comme d’autres, son prochain album et avait fini par me résigner… Mais lorsque Luc m’appris au détour d’une interview qu’il signerait les dessins d’une des suites du Pouvoir des Innocents, ce fut avec jubilation que j’attendais cet album aux premières planches si alléchantes… Et le fait est que ce dessinateur toujours aussi prometteur n’a rien perdu de son (immense !) talent…
Mais venons en au vif du sujet… L’action se situe six mois après les tragiques évènements relatés dans le cinquième tome du Pouvoir des Innocents. Joshua Logan, l’homme le plus recherché, et sans doute le plus haï, des Etats-Unis se rend à la police pour obtenir un procès équitable et être innocenté des charges qui pèsent contre lui… Ses révélations risquent fort d’ébranler la crédibilité de Jessica Ruppert, fraîchement élue maire de New-York après le tristement célèbre attentat du 4 novembre 1997… Personne ne semble vouloir entendre ces révélations sulfureuses, sauf la frange la plus dure des opposants à Jessica Ruppert et à sa politique sociale qui n’hésitera pas à faire de Logan le symbole de leur combat extrémiste (donnant par la même tout son sens à la couverture des Enfants de Jessica).
C’est peu dire que le scénario est captivant et scotche le lecteur de bout en bout… Une fois encore, l’histoire élaboré par Luc Brunschwig fait bien plus que tenir la route, elle s’impose comme une évidence, la suite logique aux évènements du Pouvoir des Innocents… La série mère et ses deux suites s’imbriquent parfaitement pour former un tout impressionnant de maîtrise scénaristique, d’une intensité dramatique peu commune, et d’une cohérence qui force le respect… Avec ce premier tome, le lecteur plonge dans les rouages kafkaïens de la machine judiciaire américaine et de ses accointances avec les milieux politiques, le tout saupoudré du racisme latent qui gangrène la société américaine… une plongée effrayante et dérangeante…
Côté dessin, David Nouhaud réussit le tour de force de conserver son identité graphique tout en s’inscrivant dans l’esprit de la série-mère. Le travail réalisé à quatre mains (Laurent Hirn se chargeant du story board) est particulièrement efficace et les planches sont de toute beauté… David Nouhaud impressionne une fois encore par la maîtrise de son sujet et la façon dont il s’empare de personnages créés par d’autres…
Cette chronique est certes quelques peu dithyrambique mais les attentes suscitées par cette nouvelle série étaient grandes et cet album leur répondant pleinement, je ne peux qu’être admiratif devant le travail réalisé par cet auteur et ces deux dessinateurs, tous bougrement doués…Un coup de cœur de cette rentrée, sans doute l’un des meilleurs albums de l’année pour une série impressionnante et tragiquement crédible…