Rue Abbé de l'Epée est le premier opus de la nouvelle série signée par Eric Corbeyran, Bénédicte Gourdon et Horne Perreard. Son titre, Le port de la Lune évoque le surnom donné au port de Bordeau à cause du large méandre en forme de croissant de lune que fait la Garonne lorsqu'elle passe dans la ville et qui figure sous cette forme sur les armoiries de la ville.

Le port de la Lune est un polar intimiste qui met en scène Maya, une flic qui doit chaque jour s'adapter à ses collègues quelque peu machos. On suit sa vie et celle de ses collègues, leur boulot de flic, au quotidien, sans scènes d'actions superflus, avec ses enquêtes de voisinage, ses procédures routinières, le tout présenté sans fioritures inutiles. Le récit est sobre et efficace, et la progression de l'enquête lente et crédible. L'intrigue se situe à mille lieux des séries policières pleine de testostérones et d'adrénaline. Le personnage de Maya, flic malentendant qui trace sa route dans un monde macho apporte à l'histoire un relief et une saveur toute particulière. Elle est un personnage à part entière, crédible et attachant, pas la partie émergée des minorités visibles... Quand à l'homme qui reprend peu à peu conscience enfermé dans un sarcophage de béton et dont les angoissantes réflexions rythment le récit, il replonge le lecteur dans l'horreur de façon chronique dans l'horreur et la folie...

Et ces scènes sont formidablement mise en image par Horne Perreard, accentuant le malaise généré par la situation et ses propos décousus... D'un point de vue général, le dessin semi réaliste de Horne (qui travailla avec Corbeyran sur la série du Maître de Jeu et la Métamorphose) s'avère très épuré. La douceur de son trait colle parfaitement avec le personnage de Maya. Sa façon de retranscrire les scènes d'action est classique mais efficace et sa représentation des rues de Bordeaux particulièrement soignée. Le travail sur les visages et plus particulièrement sur l'expressivité des regards mérite vraiment que l'on s'attarde sur ses planches et sur les cases de l'album... On apprécie notamment le travail sur le personnage de Maya tant le dessin contribue à faire d'elle quelqu'un de très attachant. La colorisation de Catherine Moreau (qui signa les couleurs de l'incontournable Assassin qu'elle mérite sont discrète mais souligne fort joliment l'action.

Le Port de la Lune est une série policière qui prend le temps d'installer le décor et de faire vivre les personnages avant de les lancer dans l'horreur. Les auteurs ont tissé leur intrigue de façon particulièrement soignée, ce qui laisse augurer un développement de haute tenue... Un premier tome fort réussit qui donne une furieuse envie de connaître la suite...

Nouvelle série policière qui démarre d'une manière assez conventionnelle mais qui bénéficie de plusieurs éléments qui la font ressortir du lot.

Les auteurs nous proposent de suivre une équipe d'inspecteurs travaillant sur des enquêtes différentes. La narration se veut assez réaliste loin du style des séries américaines survitaminées. Il n'y a pas (ou presque pas) d'action. On assiste au quotidien de ces policiers qui enquêtent sur la base d'informations d'indics, de recherches "documentaires" et d'entretiens. Si cela peut paraître un peu mou et conventionnel, les différentes étapes des enquêtes sont bien menées et on comprend que rien ne sera simple et que de nombreux recoupements entre les enquêtes vont intervenir.
Le premier élément inhabituel est que notre personnage principal, une inspectrice dénommée Maya" est sourde. Là aussi le choix de pouvoir suivre les réflexions de Maya sur sa condition et son travail s'avère plutôt bien trouvé et rajoute à la qualité de la narration.
Le deuxième élément qui interpelle est que pour l'instant l'intrigue centrale ne nous est pas dévoilée. On ne voit pas vers quoi ces enquêtes pourraient converger. Les auteurs nous laissent seulement une sorte de fil rouge avec les pensées intimes d'une personne qui semble enfermée. Ces pensées nous sont livrées sur des planches toutes noires sur lesquelles apparait une silhouette fantomatique, un visage exprimant l'angoisse, la terreur.
Le reste du dessin est plutôt attrayant. Le trait est réaliste mais un réalisme doux, avec des personnages aux visages agréables et expressifs, sentiment confirmé par la colorisation pastelle.

Au final un début d'histoire policière qui, au fur et à mesure que les éléments tombent, devient de plus en plus captivante.