Le 8 juin 793, le monastère de Lindisfarne était pillé par les hommes du nord, plongeant la chrétienté dans la crainte et la consternation… Dans ce jeu de Damien Fleury et Alain Pradet nous propose d’incarner des Jarl désireux de siéger au Conseil du Roi Harald… Pour se faire, ils devront rivaliser d’audace et de chance en menant des raids sur l’Europe…
Règles et matériel
Rune Edition a encore fait du bel ouvrage en soignant le matériel qu’il nous propose. Signées Ann&Seb, les illustrations du jeu sont tout juste somptueuses et c’est tant mieux car les cartes destinations collectées en cours de partie forment ainsi de superbes fresques. L’idée des boucliers pour connaître l’emplacement de la carte dans la fresque du pays est tout juste brillante alors que l’iconographie complétant la couleur des cartes permet aux joueurs daltoniens de jouer sans soucis…
Composée de trois plateaux, la carte est fragmentée, comme devait être la vision qu’avait de l’Europe les Vikings… Elle est ingénieusement réversible, offrant une piste de score très utile et particulièrement élégante. Ajoutons à cela des jetons vikings très esthétiques, un pion premier joueur en 3D, un boitage superbe et vous obtenez un jeu auquel on a furieusement envie de jouer…
Si on devait titiller un peu, les dés auraient pu être thématisés, à base de runes par exemple… mais ça aurait été au détriment du prix du jeu…
La règle du jeu (8 pages, complétée par une fiche d’aide de jeu réversible) est claire et bien écrite. Elle propose une variante 2 joueurs…
Contenu de la boîte :: 3 Plateaux formant une carte maritime (réversibles pour former une piste de score), 6 Dés, 38 Cartes Destination, 20 Cartes Objectif, 12 jetons Rune, 1 pion Premier joueur et, pour chacun des 4 joueurs, 6 jetons Viking. Une fiche d’aide de jeu.
Déroulement d’une partie
Mise en place
La mise en place s’avère particulièrement rapide et fluide: le plateau est placé au centre de la table, chaque paquet de carte mélangé et deux cartes Destination dévoilées à côté de chaque plateau.
Déroulement
A son tour de jeu, le joueur a le choix entre deux options :
1Préparer une expédition: Le joueur lance autant de dés qu’il a de jetons Viking encore en sa possession. Il peut dépenser autant de dés qu’il le souhaite (mais au moins 1) pour placer ses jetons Viking sur le plateau de son choix dans la colonne indiquée par le dé (au besoin en les empilant). Les jetons sont placés sur la rangée la plus au nord encore inoccupée ; elle pourra être complétée au prochain tour.
2Rentrer au village et prendre autant de jeton Rune qu’il lui reste de jeton Viking, les Runes servant à modifier d’un point le résultat d’un dé.
S’il est le premier à rentrer, il s’empare du pion Premier Joueur.
Fin de la manche
La manche prend fin lorsque tous les Jarl sont rentrés au village… Pour chaque plateau, on détermine un rang en fonction des majorités, chaque plateau fonctionnant différemment (la plus forte somme pour le premier, la plus longue suite pour le second et la plus haute pile pour le dernier). Le joueur placé le plus au nord remporte l’éventuelle égalité.
Dans l’ordre ainsi déterminé, chaque joueur présent sur le plateau peut soit prendre une carte Destination, soit renoncer à une carte pour piocher deux carte Objectif, en choisir une qu’il conserve secrètement et remettre l’autre sous le paquet…
Fin de partie
La partie s’achève après six raids. On retourne les plateaux afin de constituer la piste de score et on procède à un décompte. Les joueurs marquent alors des points : 10 points pour chaque objectif rempli, les points indiqués sur les cartes Destination récoltées ainsi que 4 points par pays où il obtient la majorité … Il marque enfin des points en fonction des fresques reconstituées…
Le joueur totalisant le plus de Prestige siégera au Conseil du Roi Harald…
l’Avis de la Rédaction
S’il est un truc qui nous plaît tout particulièrement aux SdI, c’est les jeux aux règles épurées offrant des parties tout à la fois tendues et délicieusement subtiles…
Lindisfarne est incontestablement de cette veine là… Si la mécanique de base évoque celle de
Las Vegas, pépite de Rüdiger Dorn, le jeu offre néanmoins des sensations ludiques très différentes, ajoutant une composante stratégique qui fait tout son charme…
Chaque lancer de dé offrira au joueur des choix éminemment cornéliens… La possibilité de placer un ou plusieurs jetons Viking et tout simplement diabolique… Car si on peut prendre de sérieuses options sur tel ou tel plateau en y plaçant plusieurs pions, on se prive par la même de la possibilité d’étendre son influence sur les autres ! Délicieusement frustrant !
Les interactions entre les joueurs s’avèrent particulièrement subtiles : il y a certes la lutte âpre et acharnée pour les majorités… Mais l’orientation du jeu de chacun permet d’avoir une petite idée de la carte Destination qu’il convoite et on peut prendre le risque de n’être que second si l’autre carte nous semble intéressante…
Seules deux cartes Destination étant disponibles, on peut se dire que la troisième place n’a que peu d’intérêt puisqu’il faut pouvoir renoncer à l’une d’elle pour pouvoir prendre une carte Objectif, source conséquente de points si on parvient à le remplir ! Mais il suffit que l’un des joueurs nous devançant choisisse de prendre un Objectif pour qu’on entre dans la danse… Et pour peu qu’aucune des deux cartes ne l’intéresse vraiment ça peut être une option bougrement intéressante…
La possibilité de revenir au village, lorsqu’on ne pense pas pouvoir bien se placer sur le plateau, s’avère particulièrement subtile, apportant au jeu une appréciable composante stratégique… Si on est le premier on devient le premier joueur de la prochaine manche suivante, ce qui est un atout de taille puisqu’on se placera en premier sur un plateau, remportant une éventuelle égalité… Mais rentrer au village permet aussi de prendre des Runes qui permettront de modifier le résultat des dés et d’atténuer les effets du hasard! Savoir abandonner à temps un combat indécis peut permettre de prendre l’avantage à la manche suivante…
Notons que certaines cartes offrent des effets activables lorsqu’on les récupère, en fin de partie ou quand on le souhaite (une seule fois par partie cependant)… Chacun s’avère précieux si on parvient à les utiliser à bon escient, sans toutefois venir chambouler le déroulé d’une partie… Et tout le sel de ces effets réside dans ce subtil équilibre…
Les différentes façons de scorer assurent quant à elles un excellent renouvellement du jeu en permettant la mise en place de différentes stratégies qui toutes peuvent s’avérer payantes!
La variante à deux joueurs introduit un joueur fantôme : au début de la manche, on lance les dés et on les place sur les différents plateaux en fonction de leur résultat… A la fin de la manche, une des deux cartes Destination sera défaussée, soit par le dernier joueur s’il le fantôme est majoritaire, soit par le joueur majoritaire sinon… C’est à la fois simple et bougrement malin, rendant les parties à deux toutes aussi subtiles… et disputées !
Si les mécanismes de base évoquent ceux de Las Vegas de Rüdiger Dorn, Damien Fleury et Alain Pradet nous livrent avec Lindisfarne un jeu aux sensations très différentes en proposant des règles simples offrant des parties âprement disputées dotée d’une savoureuse et subtile composante stratégique.
Car les cartes collectées peuvent se combiner pour permettre d’engranger des points de différentes façons et d’ingénieux petits mécanismes (les runes, le retour au village, les pouvoirs de certaines cartes et les cartes objectifs) permettent aux joueurs d’influencer subtilement le hasard des dés… Ajoutons à cela une délicieuse composante de planification et vous obtenez un excellent jeu de dés, qui plus est superbement illustré par Ann&Seb…
Aussi, ne vous fiez pas à la taille de la boîte : Lindisfarne est indéniablement un grand jeu!
On aime...
le matériel et les superbes illustrations
les règles épurées
les parties tendues et disputées
les choix cornéliens et la frustration qu’ils induisent
On n'aime pas...
les dés qui auraient gagnés à être plus thématisés