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Les tableaux de l'ombre
Les tableaux de l'ombre



Fiche descriptive

Roman Graphique

Jean Dytar

Jean Dytar

Jean Dytar

Delcourt, Le Louvre

09 Mai 2019


14€95

9782413008194

Chronique

Parmi les oeuvres exposées au Louvre, certaines n'attirent l'attention d'aucun visiteur. C'est le cas de cette série de petites toiles, allégorie des cinq sens, dans laquelle Tobias symbolise l'ouïe.

Quand un petit garçon l'honore d'un véritable regard, le musicien ne se doute pas que cet écolier va bouleverser les choses deux décennies plus tard, l'année même de la révolte des tableaux de l'ombre...
un excellent album!


Les tableaux de l'ombre enfin dans la lumière !
Les tableaux de l'ombre, planche de l'album © Delcourt / Le Louvre / Dytar Le petit Jean est en sortie scolaire avec sa classe au musée du Louvre. Alors que ses pairs fatigués se plaignent d’avoir mal aux pieds, s’impatientent et se disputent, il admire la « Dentelière » de Vermeer et, absorbé dans sa contemplation, il ne voit pas que son groupe a quitté la salle. Perdu, il panique mais une des gardiennes du Louvre vient à sa rescousse et lui enjoint de l’attendre dans une salle pendant qu’elle part à la recherche de sa classe.

Assis sur une banquette, il fait face à un pentaptyque d’Anthonie Palamedes représentant les « Cinq sens ». Il les trouve aussi perdus dans la masse des tableaux présentés qu’il l’est lui-même dans cet immense musée. Les personnages de ces miniatures n’en reviennent pas : eux qui sont d’ordinaire dans l’ombre des chefs d’œuvre, ils ont réussi à attirer l’attention d’un visiteur ! Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises car vingt ans plus tard, ils vont être exposés comme ils ne l’auraient jamais imaginé !


Les tableaux de l'ombre, planche de l'album © Delcourt / Le Louvre / DytarLes éditions du Louvre continuent leur partenariat avec des auteurs et des maisons d’édition de bande dessinée : après De Crécy, Yslaire, Taniguchi, Libergé, Bilal, Durieux (entre autres) et tout récemment Lax chez Futuropolis, c’est au tour de Jean Dytar de signer un album. Mais il choisit de le faire chez son éditeur habituel, Delcourt, dans la branche plus orientée jeunesse, a priori moins ardue, de cette collection.

Il reprend donc le principe narratif que l’on trouve dans l’album illustré de Milan Trenc et ses adaptations cinématographiques Une nuit au musée : la nuit, quand le musée est désert les tableaux s’animent et les personnages sortent du cadre. Ils vivent, éprouvent de émotions, font la fête et se courtisent, se jalousent aussi parfois et fomentent des révoltes. Ainsi les petits tableaux délaissés projettent de se venger des chefs d’œuvres célèbres qui les méprisent en leur refusant l’accès à leurs fêtes VIP.

Dytar, comme à son habitude, remet également en question son approche graphique et l’adapte au public visé en employant un style beaucoup plus lisible, très ligne claire mâtinée de manga, avec des visages ronds, très expressifs et de grands yeux pour les personnages de tableaux comme pour les visiteurs du Louvre. Par souci de clarté enfin ( et de vulgarisation), il reproduit dans les pages de garde de l’album les chefs d’œuvre de la peinture qu’il cite : certaines déjà très connues du jeune public comme « la Joconde » de Vinci, « La liberté guidant le peuple » de Delacroix , « Le printemps » d’Arcimboldo ou encore les toiles de Vermeer ; d’autres beaucoup moins comme les toiles monumentales de David et de Véronèse, les « autoportraits » de Rembrandt, le « saint Sébastien » de Mantegna ou encore « la vue d’intérieur » de Von Hoogstraten. Il choisit, en outre, de présenter ces reproductions « à l’échelle » puisque d’après les canons classiques une peinture historique n’avait pas les mêmes dimensions qu’une nature morte ou une peinture intimiste. Cette approche extrêmement pédagogique (on voit qu’il a été professeur !) permet une véritable implication du jeune lecteur : à chaque fois qu’il voit un personnage de tableau dans la bande dessinée, il peut ainsi rechercher l’œuvre dont il est issu et s’en imprégner. Les tableaux de l'ombre, planche de l'album © Delcourt / Le Louvre / DytarGrâce à ces pages de référence, l’enfant parvient ainsi également à comprendre les différences de « taille » entre les différents personnages de l’album mais également à appréhender la notion de détournement : on voit en effet, par exemple, les Horaces de la toile de David dans la position originelle du tableau mais en train de trinquer lors d’une sauterie organisée au département de l’école du Nord !

Cette dernière dimension parodique élargit d’ailleurs singulièrement le public visé. Les adultes s’amuseront, eux, à goûter la transposition des cadrages et des postures des œuvres sources : Mona Lisa est ainsi présentée comme étant cul de jatte, Saint Jean Baptiste a une tendinite à force d’avoir le bras levé, Saint Sébastien est un fakir performeur etc …

Mais ce qui nous interpelle plus que tout et intègre pleinement cet album dans l’œuvre de Jean Dytar c’est son questionnement autour des images. Dans « le sourire des marionnettes » comme dans « la vision de Bacchus » ou dans « Florida », l’auteur réfléchissait sur les effets psychologiques et politiques produits par les images. En cette époque où tout est instagramable et où la popularité remplace souvent le talent, Il pose ici des questions sur l’essence de l’œuvre d’art et sur le grégarisme et le manque d’audace. On emprunte, en effet, souvent un chemin balisé en voulant voir les œuvres célèbres et en n’accordant pas un seul regard aux autres ; on suit bien trop souvent aveuglément les prescriptions de la mode et des youtubeurs. Les tableaux de l'ombre, planche de l'album © Delcourt / Le Louvre / DytarEt l’auteur médite enfin sur « l’invisibilisation » paradoxale de certains en cette période de surexposition qui peut engendrer frustrations et révolte, ce qui provoque des échos singuliers avec l’actualité … Ces réflexions multiples sont mises en scène grâce à une magnifique et vertigineuse mise en abyme de son album (et un grand clin d’œil à la « bd des parents » de Marc Antoine Mathieu, « Julius Corentin Aqcuefacques ») qui débouche aussi paradoxalement sur une glorification d’un 9eme art souvent méprisé !

On a donc un album polysémique bien moins anecdotique qu’il n’y paraît, tout public, intelligent, incisif et jubilatoire ! A consommer sans modération avant ou après une visite au Louvre !

Dans cet album de la collection du Louvre a priori destiné à la jeunesse, Jean Dytar renouvelle son style graphique et nous livre à la fois un divertissement parodique jubilatoire mais aussi une réflexion sur la visibilité et la célébrité.

A savourer en famille et surtout à méditer lors de votre prochaine visite au musée : vous n’y regarderez plus les « tableaux de l’ombre » de la même façon !


- depuis peu je découvre ce que ça fait d’avoir des foules d’admirateurs pendant toute la journée… C’est merveilleux mais éprouvant ! Je ne sais pas comment vous faites …
- Oh, merveilleux ... C’est vite dit. Si vous aviez …je regrette une peu les siècles passés.
- Ah bon ? Pourquoi ?
-Je suis devenue célèbre parce qu’on admirait ma beauté …Maintenant je suis admirée parce que je suis célèbre. Les gens ne savent même plus pourquoi ils m’admirent. Conversation entre Hilda l’un des personnages des tableaux des cinq sens et la Joconde de Vinci
bd.otaku



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