Un puissant guerrier et une femme sont perdus dans un désert de sable. L’une est une jeune esclave à la beauté sauvage prénommée Natala. L’autre, son amant, n’est autre que Conan… Seuls survivants d’une armée en déroute, tous deux se sont enfoncés dans ce désert hostile pour échapper à leurs poursuivants…

Leurs réserves d’eau et de nourriture sont épuisées et sous un soleil écrasant, la mort resserre sur eux son emprise… Alors qu’il s’apprêtait à tuer la jeune femme pour lui épargner une lente agonie, le Cimmérien aperçoit les contours d’une antique cité… A moins que ça ne soit qu’un mirage… Il prend son amante sur ses puissantes épaules pour gagner ce refuge inespéré, symbole d’une survie possible…

Mais lorsqu’ils pénètrent dans les murs de la cité, un silence de mort y règne. C’était comme si la ville avait été désertée de ses habitants… Natala et Conan l’ignoraient encore mais les entrailles de cette cité habitée par des rêveurs sous l’emprise du lotus noir sont hantées par Thog, un dieu ancien impitoyable et cruel…

Xuthal la crépusculaire ne fait pas partie des nouvelles les plus connues de Robert E. Howard. Comme le souligne Fabrice Louinet dans la postface, elle fait partie de ces nouvelles alimentaires destinée à faire la une de Weird Tales, magazine pulp mythique qui révéla des pointures comme e H. P. Lovecraft, Fritz Leiber ou… Robert E. Howard… Cette nouvelle épurée au style encore incertain préfigure aux Clous rouges, considéré par les amateurs comme l’une de meilleures de l’auteur.

C’est pourtant ce récit que Christohe Bec et Stevan Subic se proposent d’adapter, avec audace, voir témérité. Mais les deux auteurs le font avec suffisamment de talent pour rendre entraînant une histoire dont la version originelle ne suscitait guère d’enthousiasme. Le scénariste et le dessinateur s’avèrent très complémentaires, comme ils nous l’ont prouvé avec leur sombre et sauvage Tarzan et comme ils le montrent sur cette aventure de Conan.

Comment ne pas être impressionné par le talent de Stevan Subic dont les compositions s’avèrent somptueuses. Il joue avec virtuosité sur les contrastes et use les masses sombres pour structurer des planches de toute beauté. Particulièrement efficace, son découpage donne la mesure de l’immensité du désert comme du gigantisme de l’inquiétante et labyrinthique cité de Xuthal. Les architectures qu’il met en scène dans certaines cases évoquent l’œuvre fascinante et vertigineuse de Philippe Druillet et les improbables mégapoles préhumaines dont parle Lovecraft dans ses écrits hallucinés… Cette impression se trouve renforcée par les couleurs tranchées de Giulia Brusco qui accentue la folie qui règne dans les pages de l’album. Le dessinateur serbe parvient à distiller cette ambiance oppressante d’inspiration lovecraftienne qui baigne le récit de bout en bout tout parvenant à retranscrire la charge érotique de certaines scènes, celles-là même qui valurent à la nouvelle d’avoir les honneurs de la une de Weird Tales…

Christophe Bec signe un scénario particulièrement convaincant en parvenant à rendre un récit somme toute assez fade particulièrement entraînant. On appréciera ce savoureux twist qui voit Conan, mâle dominateur et protecteur dans la première partie du récit, obligé de s’appuyer sur Natala qui devient sa béquille dans la seconde moitié du récit.

Il fallait de l’audace pour s’attaquer à cette nouvelle mineure de Robert E. Howard… Mais Christophe Bec s’en sort avec un évident panache, rendant le récit particulièrement immersif tout en conservant ses origines littéraires grâces à ses récitatifs et des dialogues nerveux et percutants…

Le formidable travail graphique de Stevan Subic, par ailleurs dessinateur de son impressionnant Tarzan, n’y est certes pas étranger. Jouant avec art des contrastes, le dessinateur serbe retranscrit avec force l’ambiance crépusculaire de l’oppressante et tentaculaire Xuthal…

Si vous ne connaissez pas la nouvelle éponyme, inutile de vous y plonger, vous seriez immanquablement déçu, ce treizième opus de Conan le Cimmérien étant bien plus captivant que le récit originel, texte alimentaire sans grand relief ni intérêt si ce n’est qu’il servit de canevas aux Clous Rouge, véritable chef d’œuvre du romancier…

- Qui êtes-vous ? Que cherchez-vous à Xuthal ? Qui est cette fille ?
- Toi d’abord, femme ! qui es-tu ?
- Je suis Thalis la Stygienne. Êtes-vous fous pour venir ici ?
– Et toi, tu ne pars pas en courant à travers la pièce, hurlant comme une folle ? Comme l’a fait l’homme à qui j’ai parlé dans l’ombre…
- A chacun son destin… Et il est stupide et vain de crier comme un rat pris au piège… Quand Thog me voudra, il me prendra.dialogue entre Thalis et Conan