Comme chaque matin, espérant retrouver la trace de sa fille disparue, un fermier s’aventure aux abords d’un lac nimbé de sibyllins mystères… Quelle ne fut pas sa surprise de trouver, flottant sur les ondes, une jeune fille aux cheveux laiteux, inconsciente… mais vivante…

Ne pouvant se résoudre à l’abandonner, il voit dans celle-ci comme un don du ciel et l’accueille dans sa masure où il vit avec son épouse et son jeune fils et se débarrassera, à la nuit tombée, du médaillon qui ornait son cou en le jetant dans le lac où il l’avait trouvée…

Les années passent… Alors que des moineaux sont régulièrement retrouvé morts aux abords du bois jouxtant leur maison, Anna grandit en compagnie de son frère avec qui elle noue une réelle complicité… Rejetée par les autres enfants du village qui la prenne pour une sorcière, ses nuits sont hantées de songes inquiétants tandis qu’un étrange corbeau semble vouloir l’entraîner vers la sombre forêt où, malgré les précautions de son père, elle allait rencontrer Morgane qui allait lui révéler sa véritable identité et une part de son destin…

En se plongeant dans la lecture de Nimüe, il est bien difficile de croire qu’il s’agit du premier album d’une jeune autrice espagnole tant l’on est subjugué par ses talents de dessinatrices, par la fluidité de sa narration et son audacieuse et fascinante relecture de l’histoire d’un personnage de la geste arthurienne… Mais la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre et l’impressionnante Aldara Prado n’est autre que la fille de l’époustouflantMiguelanxo Prado…

Aussi intrigante que somptueuse, la couverture exerce une attraction fascinante sur le chaland et, pour peu que ce dernier soit féru du mythe arthurien et de la Matière de Bretagne, impossible de rester impassible face à la beauté de ce regard aussi déterminé que mélancolique… S’abreuvant aux sources des récits arthurien, l’autrice espagnole nous livre un récit entraînant et iconoclaste qui égratigne au passage la figure tutélaire de Merlin qui, à l’instar de la Morgane de bon nombre de légende, cherche à accroître son pouvoir pour son seul profit… Instruise par la sulfureuse Morgane sur sa véritable nature et le lien étroit qui la relie à l’Avalon légendaire, Nimüe va nourrir une haine farouche pour l’enchanteur, Morgane, prétendant être sa sœur, l’ayant dépeint comme l’assassin de Coventina, leur mère… Mais pour rétablir l’équilibre rompu entre les mondes et panser les blessures d’Avalon, elle devrait retrouver Excalibur et s’assoir sur le trône… A moins qu’elle ne soit manipulée par sa machiavélique sœur qui ne désire rien d’autre que la puissance suprême et convoite le trône… entre la vision de Morgane et celle de Merlin, Nimüe devra s’affirmer et tracer sa propre voie…

Aldara Prado puise dans le formidable patrimoine littéraire gravitant autour du Roi Arthur pour tisser un récit original chargé de symbolique, tel ce gigantesque ours qui évoque peut-être la figure d’Arthur puisqu’en celteartos désignait étiologiquement à la fois le guerrier et l’ours qui aurait à déjouer les manigances de Morgane, sa demi-sœur, tout en s’affranchissant, contraint et forcé, de la tutelle de l’Enchanteur…

Si le récit s’avère aussi fascinant qu’iconoclaste, le dessin est loin d’être en reste. Venue de l’illustration jeunesse, la dessinatrice signe des planches de toute beauté qui distillent avec art la magie et les charmes d’Avalon, les maléfices de Morgane et les sortilèges de Merlin… Si son dessin s’avère particulièrement expressif, les couleurs de l’artiste espagnole s’avèrent somptueuses, baignant chaque séquence d’une atmosphère saisissante qui puise ses charmes dans le mythe arthurien que l’autrice déconstruit pour mieux le reconstruire, à sa convenance, nous donnant sa propre vision de la figure de Nimüe, la Dame du Lac, qui se confond dans bien des récits avec la fée Viviane…

Digne héritière de son père, l’incroyable Miguelanxo Prado, Aldara Prado signe un premier album hallucinant de maîtrise qui puise dans la « Matière de Bretagne » les éléments constitutifs de son récit pour tisser une histoire originale et intemporelle autour de la figure de Nimüe, la Dame du Lac, qui se confond dans bien des récits avec celle de Vivianne…

Découverte à demi-vive flottant sur les ondes d’un lac mystérieux, une jeune fille aux cheveux blancs est recueillie par un fermier qui l’accueil sans son misérable foyer et l’élève comme la fille qu’il a perdue. A quelques temps de là, les nuits de la jeune femme sont agitées de songes étranges et sibyllins tandis qu’un corbeau semble vouloir l’entraîner au cœur de la forêt… Répondant à son appel, la jeune femme va rencontrer Morgane qui lui révélera sa véritable nature, entrouvrant le voile recouvrant son passé et son avenir…

Résolument féministe, ce Nimüe s’avère de toute beauté. Vectrices d’émotions et sublimées par une mise en couleur pleines de charmes et de maléfices, les compositions de l’artiste espagnole s’avèrent tout à la fois fascinantes et inquiétantes et portent remarquablement ce récit iconoclaste qui revisite l’histoire de Nimüe qui, entre l’enseignements et les mensonges de Morgane et de Merlin, devra choisir sa voie pour être maîtresse de son destin…

- Qui êtes-vous ?
- Moi… ? Je suis Morgane, dernière protectrice d’Avalon.
- Vous êtes une sorcière ?
- Ha ha ha ha ! Pas plus sorcière que la lumière ou l’eau, la vie ou la mort. dialogue entre Nimüe et Morgane