Au fil des tomes, la personnalité et l’histoire du lieutenant David Salomon, Soda pour ses collègues, se révèlent et s’affinent. Ce policier inclassable et désabusé hors norme à su conquérir un public, par son humour sombre, son cynisme et l’affection touchante qu’il porte à sa mère. Imaginez que pour la préserver (son mari, lui même policier est mort en action et son cœur est des plus fragiles), Soda lui a toujours caché qu’il était flic. Pour elle, il est le révérend Salomon… Tout était si facile lorsqu’il habitait New-York et elle Providence, en Arizona … Mais un beau jour, elle a décidé de venir emménager chez son fils et depuis, la vie de ce dernier s’en est trouvé quelque peu bousculée…

Au fil des tomes, les enquêtes de Soda se font plus sombres avec des personnages plus étoffés. Le style de dessin que beaucoup compare à celui de Spirou, atténue la noirceur et l’aspect glauque et désespéré de ce New York imaginé par les auteurs. Le trait de Gazzotti (qui ô joie continuera malgré tout le dessin de Soda qu’il avait songé à abandonner) est efficace et dynamique, ses cadrages et sa manière de mettre en scène les scène d’action font de Soda une Bd efficace où le dessin est au service de l’histoire.

Parlons en de l’histoire! Tome est un conteur formidable à qui l’on doit notemment l’inoubliable Berceuse Assasine (édité chez Dargaud et dessinée par Ralph Meyer) ainsi que le plus contesté « Machine qui rêve », le quarante sixième tome des aventures de Spirou et Fantasio, qui faisait prendre un audacieux et fascinant virage à la série (personnellement, j’ai adoré)…

Il maîtrise une fois encore parfaitement son sujet avec ce douzième album (près de 4 ans après « Prières et balistique ») et dans lequel Soda va se voir entraîner dans une bien sale histoire au cours de laquelle le scénariste en profitera à sa manière l’exécrable dérive sécuritaire que connaît les des Etats-Unis depuis ce sinistre 11 septembre 2001…
Tout en menant une histoire efficace et rythmée, il prend le temps d’affiner et étoffer les relations qui lient Soda à sa mère (qui milite activement, à coups de pétitions, pour faire libérer des criminels que son fils s’escrime à faire enfermer) ou à sa collègue, le délicieux Sergent Linda Tchaïkowsky… Par le truchement de la voie off, il nous livre l’état d’esprit d’un héros (anti-héros ?) quasi dépressif qui a perdu depuis longtemps toutes ses illusions qu’il avait pu avoir sur la bonté de l’homme et le prétendu idéal américain. Sans doute un des tomes les plus sombres et pessimiste de la série qui renoue d’une certaine manière avec l’atmosphère pesante des premiers tomes…
Le personnage de Soda, flic désabusé et résolument cynique n’est pas sans rappeler certain des rôles de Clint Eastwood qui incarne souvent des personnages hantés par l’idée de rédemption et de sacrifice…

Soda fait partie de ces séries qui se bonifient avec le temps et dont on ne se lasse pas…

Être flic à New-York, c’est déjà difficile en soit. Mais être flic et devoir héberger sa mère cardiaque alors même qu’elle ignore votre métier et est persuadé que vous êtes pasteur, c’est une gageure! C’est défi risqué qu’accompli le lieutenant David Salomon, alias Soda pour préserver la fragile santé de sa maman.

Ce personnage aurait pu être gagesque par sa nature de l’usage de la ligne clair et pourtant… Soda est un flic désabusé, complexe et tourmenté qui s’est étoffé, bonifié même, au fil des tomes. Il est bien plus ambigu qu’il n’y paraît et possède une part sombre qui lui donne une profondeur qui se révèle une fois encore dans cet album où l’on retrouve Soda dans une situation bien difficile. La mort d’un jeune de ans sur la conscience, il devra une fois de plus jouer les équilibristes entre son adorable maman et son métier pour se tirer de cette mauvaise passe.