Ce film serait côté «excellent », grâce à son esthétique soignée et l’originalité de son sujet, si il ne pêchait pas par quelques défauts majeurs sur lesquels il appartiendra à chacun de se trancher une opinion (parce qu’elle ne pourra qu’être tranchée).
D’abord, et c’est peut-être le pire, vous payez pour voir de la pub. Oui, vous lisez bien.
Je n’ai jamais vu ça
. C’est de la lobotomie, tout simplement. Vous me direz que voir quelques marques discrètement peut renforcer la crédibilité d’un film ; mais là, franchement, c’est inquiétant pour l’avenir du cinéma. Ca commence par Puma, et ça enchaîne par tous les plus gros sponsors du moment (enfin surtout ceux qui ont misé sur la réussite du film et qui ont les sous-sous pour se payer la clientèle offerte et concentrée que nous sommes): Microsoft, Nokia, Apple, Cadillac, Mack, Tag Heuer, et j’en passe. Hallucinant. On tient un record, et une innovation qui fait froid dans le dos.
Je ne comprends même pas pourquoi ce fait n’a pas plus été décrié dans la presse.
Je rappelle au passage que le Spielberg est dans la danse de cette production, via Dreamworks. Il a cessé de nous faire rêver et il a choisi son camp. « Pauvres types » que ces prétendus artistes qui confondent le mot marge et le mot création…
A ce rythme là, dans 20 ans, on a des pages de pubs au cours du film, et des ralentis publicitaires genre gros plan sur les bulles noires. Franchement, ça me dégoûte.
Ensuite, et là certains d’entre vous s’en satisferont tout à fait (mais certaines, j’en doute), on tient aussi le record de passage de femmes plantureuses devant la caméra. Même chez les clones, on doit voir deux vieilles, les autres sont toutes en bonnet C. Ca a du bon, le clonage. On voit aussi des premiers plans « bas résille », des jupettes-bottes qui traversent la rue, et on arrive même à nous coller des maillots de bain (mais pas de mecs, hein, ils ne savent pas nager), dont au moins l’un des deux est gonflé au silicone. Ca en devient agressif sexuellement, pour les femmes comme pour les hommes. Au passage, Scarlett vient d’entrer dans le club pas si fermé des pétasses d’Hollywood (putain, c’est ses seins ?), même si ça lui coûte une décoloration au tuyau d’arrosage et un maquillage à coup de canon à neige. Ca rend bien, c’est sûr. Mais n’oubliez pas la réalité sous le masque de cire.
Ewan a droit lui aussi à sa glamourisation (cool, il se lève, sa coupe est déjà faite) ; et j’ai particulièrement apprécié son teint halé (c’est bronzé, un écossais…c’est bien connu. Ouai, ils font des UV, mais la génétique ?).
Ce ne leur enlève pas, ni à eux ni au reste du casting, le talent qu’il mette à crédibiliser la production. Y’en a au moins quelques uns qui ont du talent. McGregor est irréprochable, comme Scarlett, dans leurs rôles de benêts tombés de la lune. Le seul que je trouve sous-employé est Djimon Hounsou, dont la feuille de dialogue devait être un copier-coller de « On fonce, on fonce ! ». Pi il sue tout le temps, mais pas les autres. Quoi ? Les américains (dont les meilleurs athlètes sont tous nés dans du chocolat) croient-ils que seuls les noirs transpirent ?... Non non, si on fait un effort, on est capable de transpirer, une fois la couche de maquillage transpercée…
Au-delà de ces constatations affligeantes (mais comment aller au-delà ?), The Island est un remarquable film d’anticipation, qui n’hésite pas à nous montrer l’horreur de ce qu’est un centre d’élevage. Il s’aide parfois de décors glauques qui n’ont pas leur place (les produits coûtent cher, l’asepsie est donc une donnée primordiale), mais globalement l’esthétique est très soignée et les efforts de design donnent une identité visuelle au film qui n’est pas sans rappeler « Bienvenue à Gattaca » ou « Minority Report ». Ca un goût d’avenir « branché ». Les décors urbains sont tout de même assez vétustes, c’est assez étonnant si c’est l’avenir que promet Michael Bay à ses amis-requins. Sans doute une question de coût.
La première partie du film, centrée sur a vie des clones, est vraiment prenante ; mais Michael Bay (« Armageddon », « Pearl Harbor », bof…) retombe ensuite dans l’écueil de la production d’action à gros budget…à tel point que même le scénariste (Caspian Tredwell-Owen) doit se dédouaner de l’invraisemblance des cascades par un simple « Jésus vous a à la bonne ». Mon pauvre Michael, t’es peut-être riche (et ça se comprend vu que t’as vendu ton âme à tes « sponsors »), mais franchement, faut que t’arrête de jouer avec tes petites voitures. Range les dans la caisse à jouet (et non : une voiture, et encore moins une moto, ne peut pas traverser un immeuble de bureaux ! Et un camionneur qui perd des essieux sur la route… s’arrête !), apprends à lire des histoires, et peut-être que t’en raconteras une un jour…
Les incohérences s’accumulent sur la fin, avant un grand final « Gentil vs Méchant : Fight ! ».
Et les armes sont bien les plus connes jamais inventées. Mais c’est solide, le cuir, pi ça s’abîme pas facilement… C’est les maroquiniers qui vont être contents pour la pub.
J’arrête là.
Heureusement, je ne peux pas souhaiter à l’équipe de production d’aller se faire encloner, et c’est le seul truc qui me rassure pour le futur de ce support de l'imaginaire qu'est notre bonne vieille toile.
Difficile après tout ça de vous dire que c’est quand même bien, mais c’est vrai, c’est bien. Juste bien, mais c’est déjà un exploit de nous encul…pardon, de nous matraquer de pubs sans que l’on reste focalisé sur la douleur de savoir que nous ne sommes plus que des produits de consommation du grand capital...