Grand admirateur des travaux de Pascal Croci, j’attendais avec jubilation son adaptation du mythe de Dracula. Ses superbes dessins, ces silhouettes fantomatiques prolongées par des ombres inquiétantes, sa façon si particulière de construire ses décor, les baignant d’une lumière crépusculaire, ses personnages inquiétants qui semblent jouer un antique drame… Son style graphique est tel que d’apprendre qu’il travaillait sur le mythe de Dracula était presque une évidence… Et ce d’autant plus que Françoise-Sylvie Pauly, sa complice de longue date (elle a travaillé sur les dialogues de Lady Tara Cornwall et de Gloriande de Themines) avait il y a quelques années écrit un subtil prolongement du roman de Bram Stocker, l’invitée de Dracula (dont je recommande la lecture, tant pour le style que pour la construction du récit)…

Le scénario original de cet album, mêle subtilement le personnage historique de Vlad Tepes et le mythe du vampire crée par Bram Stocker. Le résultat est à l’image de la couverture : superbe. Les premières planches nous propose de suivre une discussion entre archiviste du British Museum qui a exhumé des textes anciens et un certain Bram Stocker… De cette rencontre supposée, naîtra le roman que l’on connaît et qui a inspiré tant de romancier et de cinéaste… Un étrange histoire de revenants hantant un cimetière proche de Munich et dans laquelle des fouilles ont permis d’exhumer un tableau représentant un ancien prince Valaque, un certain Vlad Tepes… Etrange découverte, surtout que la description de l’apparition, homme pour certain, femme pour d’autre, ressemble étrangement à un personnage décrit au XVième siècle dans les écrits de la princesse Cneajna, malheureuse épouse du sanguinaire Vlad Tepes…

Et les deux hommes entraîneront le lecteur à voyager dans le temps et l’espace, à quitter leur confortable salon londonien pour une plaine enneigée où sont érigés des pals où pourrissent des cadavres décharnés, dévorés par les rats et les corbeaux. L’ambiance est saisissante, à la fois oppressante et suffocante…

Et le lecteur découvre avec horreur quel fut ce personnage qui inspira Stocker pour son roman… Mais non content de le présenter tel qu’il fut (revenant notemment sur la sordide anecdote qui vit le tyran inviter les pauvres à se restaurer dans la chapelle, leur promettant que jamais plus il ne souffriraient de la faim ou du froid, avant de faire condamner les portes et mettre le feu à l’édifice), Pascal Croci et Françoise-Sylvie Pauly introduisent subtilement une note fantastique en la personne de cet énigmatique peintre qui fut selon toute vraisemblance l’auteur du portrait retrouvé au XIXième siècle et dont la description ressemble à s’y méprendre à celle de l’apparition du cimetière de Munich…

Admirablement construit, servi par des dialogues théâtraux et des dessins magnifiquement sombres et tourmentés, cet album est une réussite… Ceux qui apprécient les travaux de Pascal Croci apprécieront sans nul doute! Pour les autres, ce sera l’occasion de les découvrir et de se plonger dans ses autres albums…