Ce qui attire d’emblée l’attention du lecteur, c’est le trait et la mise en couleur hallucinante de Benjamin Carré qui immerge d’emblée le lecteur dans une ambiance oscillant entre le cinéma des années 50 et Blade Runner et ses univers urbains sombres et délavés par la pluie. Après avoir travaillé pour le monde du jeu vidéo, du jeu de rôle et du jeu de société (Zombie), il signe là une première BD est de toute beauté…

L’atmosphère qui se dégage des planches est à la fois étouffante et dérangeante, comme l’était celle distillée dans un jeu vidéo très typé au design soigné : Max Payne. On y retrouve le cynisme du personnage principal et cette histoire à la première personne que l’on retrouve aussi dans les romans noirs.
Les plans et les angles choisis par le dessinateur sont très cinématographique, tant et si bien qu’en se laissant porter, on perçoit des mouvements de caméras fluides et dynamiques. Son traitement des décors est magistral et le soin apporté à l’architecture des bâtiments, écartelées entre des époques passées et futures est vraiment hallucinant. Ces personnages, cernés de noir, se détachent des décors léchés et confèrent à l’album une atmosphère envoûtante.

L’amorce du scénario évoque irrémédiablement « ocean eleven », le petit bijou de Steven Soderbergh, les paillettes hollywoodienne en moins. Le scénario se déroule impeccablement avec une mise en place des différents personnages qui se fait de façon très dynamique tout en introduisant de nombreux éléments flous qui font naître bien des questions : qui est ce mystérieux traître qui va livrer ses anciens comparses aux autorités? Qui est cet étrange commanditaire ? Pourquoi tient-il à réunir cet ancien équipe de monte en l’air de haut vol et quelles sont ses réelles motivations?
Les auteurs nous brossent une galerie de portraits très typés, hauts en couleur et délicieusement caricaturaux : de la vamp au braqueur alcoolique de bonne moralité en passant par le petit génie de l’informatique, le samouraï et le ravagé de service…
Un travail particulier a été apporté aux dialogues, incisifs et percutants, ce qui renforcent l’immersion dans cet univers sombre et oppressant, le rehaussant d’un humour vitriolé…
Mathieu Mariolle, après le très remarqué « de sang froid », signe là un nouveau scénario à la fois rythmé, captivant et envoûtant où l’univers classique du polar noir se teinte d’une pointe de fantastique des plus appréciable.

C’est avec une certaine impatience que l’on attend le second volume de ce diptyque qui s’inscrit d’emblée parmi les albums incontournables du genre avec une narration impeccable et une mise en image éblouissante et très cinématographique…