Ce premier tome du Bois des Vierges est un réel délice. C’est avec un plaisir énorme que nous retrouvons le trait fin et poétique de Béatrice Tillier, talentueuse dessinatrice de Fées et Tendres automates. Cette fois-ci, le scénario est à la hauteur de son immense talent. Signé par un Jean Dufaux très inspiré, il pouvait difficilement en être autrement.

L’histoire est superbe, épique et romantique. L’histoire d’une haine ancestrale que se voue Humains et Bêtes, une histoire de guerre et de son cortège d’horreurs, une histoire de familles, déchirées, une histoire où Histoire et fantastiques se mêlent de la plus élégante des manière, une histoire qui évoque le conte mais aussi et surtout une tragédie shakespearienne, une tragédie sanglante et implacable, comme il se doit…
Nous sommes dans une époque évoquant notre renaissance de par les costumes, l’architecture et les mœurs des différents protagonistes mais la nature même des personnages, leur animalité la place hors du temps...

Cette histoire a sans nul doute était difficile à mettre en scène pour qu’elle conserve sa force sans sombrer dans le burlesque et l’anecdotique. Et les pinceaux si sensibles de Béatrice Tillier ont une fois de plus fait merveille. Après avoir été dépossédé de ses enfants de papier (elle n’a pu achever la trilogie de fée et tendres automates après un différent imbécile), elle revient en force avec ce premier tome d’une trilogie qui devrait faire date. Sa représentation des loups, Bêtes de Haute Taille, est saisissante. Difficile de ne pas être enthousiasmé par ces êtres si humains mais aux expressions si féroces. L’intrigue aurait pu se contenter d’humains déchirés par une guerre fratricide mais l’idée d’humaniser des animaux confère à cette guerre une dimension épique voir mythique. Et c’est avec une facilité déconcertante que l’on accepte la nature bestiale de certains personnages.

Le scénario est construit de façon habile et astucieuse. On suit en parallèle la guerre et ses ravages chez les hommes comme chez les loups, on les suit dans leur lutte acharnée pour conserver l’hégémonie sur un monde qui se délite. On comprend que chacun a ses raisons de vouloir la disparition de l’autre, de l’Ennemi, mais c’est l’horreur de la guerre qui éclate de façon saisissante sous les couleurs chaudes et évocatrices de Béatrice Tillier.

Cet album est sans nul doute l’un des meilleurs de ce premier trimestre par la puissance qui se dégage cette histoire, de ce conte féerique et cauchemardesque où pointe le fantastique dans ses dernières pages…
Incontournable, le Bois des Vierge l’est assurément. Gageons que la suite de ce triptyque sera à la hauteur de cette délicieuse mise en bouche… Les éditions Robert Laffont ont trouvé là un joyau finement ciselé…