Metronom' est la nouvelle série signée par le prolifique Éric Corbeyran et mis en image par Ludovic Dubois, alias Grun, dont le trait et la remarquable mise en couleur avait fati sensation dès le premier tome de la Conjuration de l'Opale.

Se situant dans un avenir proche, la tétralogie a pour décor une mégapole déshumanisée où le béton a peu a peu rongé les vestiges du passé et où une apparente démocratie participative masque difficilement une sinistre dictature qui rogne chaque jour un peu plus la liberté individuelle, allant même jusqu'à légiférer sur le suicide...
L'univers sombre et étouffant qui est dépeint s'inscrit dans la droite lignée des nouvelles et romans de Philip K. Dick qui ont donné des films mémorables (Total Recall, Minority Report...) et de réels chef d'oeuvre (Blade Runner inspiré du roman les androïdes rêvent-ils de moutons électriques) et l'histoire échafaudée par Corbeyran semble confirmer cette filiation.

La machinerie dictatoriale qui broie chaque jour un peu plus l'être humain risque d'être grippée par trois grains de sable. Le premier est incarné par Lynn, jeune femme bien décidée à retrouver la trace de son mari qui a disparu suite à une missions spatiale de routine. Le second, par Linman, un homme bien décidé à accomplir sa mission de journaliste et de ne pas être qu'un simple relais du pouvoir. Le dernier, semblant être la clef de la série, est un album pour enfant joliment illustré et considéré comme subversif car enfreignant un certain nombre de décrets sur la liberté de pensée...

Le travail réalisé par Grun est des plus saisissant. Il pose en quelques cases un univers oppressant et inquiétant. Ses ciels délavés évoquant la première phrase de Neuromancien de Gibson («  Le ciel [...] était couleur télé calée sur un émetteur hors service. »), l'architecture massive et écrasante des bâtiments, les teintes ocres figurant la rouille qui semble ronger chacun d'entre eux, ces silhouettes mornes et délavées qui arpentent les rues tels des zombis sans âme... rien n'est laissé au hasard pour dépeindre le sombre avenir esquissé dans ces pages, avenir d'où l'art même est proscrit.

Avec Tolérance Zéro, Corbeyran et Grun ont réussi le coup de force de poser avec un talent évident un décor savamment travaillé et des personnages intéressant qui ont pris le temps de s'arrêter pour regarder le monde tel qu'il est : figé mais donnant l'illusion du mouvement.
Utilisant sur notre présent un miroir à peine déformant, accentuant les travers de notre société contemporaine pour les pousser à leur paroxysme, ils dépeignent un monde effroyablement crédible, élément indispensable à une bonne histoire d'anticipation...

Métronom est l'un de nos coups de coeur de ce début d'année... gageons qu'il s'imposera comme une référence en matière de BD d'anticipation...