La plus vieille trace écrite de la légende du joueur de flûte de Hamelin remonteraient aux environs de 1440. De grand nom s'en sont emparé, de Goethe aux frères Grimm en passant par Mérimée. Tragique histoire que celle-ci où l'on voit un inquiétant musicien entraîner au fond d'une grotte les enfants de la ville de Hamelin au son envoûtant de sa flûte... Cruelle vengeance contre ces villageois qui n'avaient pas cru bon de lui payer son dû lorsqu'il débarrassa la ville des hordes de rats qui y pullulaient... La légende voudrait que seuls deux enfants échappèrent à l'ire du musicien... Les nombreuses versions diffèrent par leur fin mais dans chacune, les parents ne revirent jamais leurs enfants...

C'est autour de ce canevas connu que le talentueux André Houot (Le Mal, Septentryon, le Khan...) tisse un conte envoûtant et glaçant superbement mis en image. Son trait riche et foisonnant n'est pas sans évoquer celui de François Bourgeron dans la trilogie des Compagnons du Crépuscule. Mais ses ombres toutes en hachures et la finesse de ses encrages lorgnent aussi du côté des gravures de Gustave Dorée. Avec des bâtiments à colombages magistralement mis en images, des costumes riches et variés, des trognes inquiétantes dignes des tableaux de Bruegel l'Ancien et des phylactères d'inspiration moyenâgeuse, le moins que l'on puisse dire c'est que le travail d'André Houot ancre le récit dans la trame historique d'une façon qui force le respect.
Ses planches sont de toutes beauté et leur découpage est savamment pensé... Le travail d'illustration est réellement superbe et sert cette histoire inquiétante de la plus jolie des façons. Le style qu'il a épousé pour mettre ce récit en image s'impose comme une évidence...

Côté scénario, l'auteur a su conserver le canevas du récit original tout en le truffant d'inventions bien pensée. Du vielleux conteur de cette tragique histoire à cette histoire d'amour contrariée, l'auteur apporte au conte un habillage captivant, respectueux du conte traditionnel tout en lui apportant une subtile variation qui accentue encore sa dimension tragique. La morale iconoclaste de l'histoire achève de nous convaincre de l'excellence de l'ouvrage...

Il n'y a rien à redire sur cette superbe version du joueur de flûte de Hamelin, si ce n'est qu'on espère qu'André Houot se piquera de l'envie de mettre en scène d'autres contes avec la même inventivité et le même respect de l'œuvre originale...