La collection 1800 nous entraîne dans le XIXième siècle littéraire, celui des romans qui virent l’explosion du fantastique. Mêlant habilement personnages de fiction et personnages réels, elle propose aux lecteurs de délicieuse histoire mettant en scène des personnages inquiétants qui n’ont pas fini d’exercer une macabre fascination.

Cette nouvelle série scénarisée par Jacques Lamontagne (dessinateur talentueux et scénariste captivant) et mise en image par Sinisa Radovic met en scène Van Helsing, le célèbre chasseur de vampire né sous la plume de Bram Stoke. Ce premier tome s’ouvre sur une folle chevauchée qui évoque celle réalisée par Francis Ford Coppola dans son élégant et sensuel Dracula. Un groupe de cavalier parmi lesquels figure Van Helsing s’est lancé à la poursuite de Dracula et de ses séides. S’ils ne les rattrapent pas avant le coucher du soleil, le Nosferatu recouvrera tous ses pouvoirs et eux ne verront plus jamais le jour se lever…
Deux années ont passées… Victime d’une profonde dépression, Van Helsing vit en reclus dans sa demeure londonienne lorsque l’inspecteur Frédéric Abberline vient lui demander son concours pour lutter contre un meurtrier sanglant que la presse a surnommé « Jack l’Eventreur ». D’abord réticent, l’érudit Abraham Van Helsing va accepter et se lancer sur les traces du célèbre assassin, au grand damne de son majordome qui connaît ses fragilités.
Van Helsing se montre perspicace mais au fil de l’enquête, les soupçons semblent peser sur lui et, devant le faisceau de preuves qui s’accumule, le lecteur a tôt fait de penser qu’Helsing et Jack l’Eventreur ne sont qu’une seul et même personne. Van Helsing abrite-t-il en son sein un sombre passager, à l’instar du docteur Jekyll et de son Mister Hyde. Que lui a donc murmuré le conte Vald Dracul avant d’être réduit en cendres et qui semble être la cause de l’apathie de Van Helsing. Est-ce le majordome qui suit le docteur à la trace? Pour masquer les forfaits de son maître ou au contraire le faire accuser? Van Helsing cache-t-il, consciemment ou non, de sombres et noirs secrets? Les réponses se trouveront dans le second et dernier tome de ce diptyque jubilatoire.

Bien construit, élégamment mis en image et servit par une colorisation de haute tenue qui immerge le lecteur dans ce XIXième siècle à la fois fictif et historique, ce récit s’appuie sur un monument de la littérature fantastique en mettant en scène l’un de ses personnages emblématiques et sur un fait divers sanglant qui, un siècle après, n’en finit pas d’inspirer romanciers et scénaristes. Une fois encore, l’alchimie de la collection 1800 prend, entraînant le lecteur dans une histoire inquiétante et audacieuse.
D’autres titres avait déjà mis en scène le personnage de Jack l’Eventreur et si certains pouvaient craindre une redite, les premières pages de l’album annoncent un récit fort différent, dans sa structure et son esprit… Le mal peut prendre bien des visages et gageons que Jacques Lamontagne saura faire prendre à son intrigue un tournant des plus inattendus… Un premier tome alléchant sur lequel plane l’ombre de Dracula, de l’Eventreur… et de mister Hyde, bien que tout laisse à penser que ce n’est qu’un artifice destiné à égarer le lecteur, pour son plus grand plaisir!

Alors qu’il s’apprête à détruire Dracula, le monstre murmure quelque chose à l’oreille de Van Helsing qui semble le tétaniser. S’arrachant de l’emprise du vampire, le chasseur parvient à l'anéantir. Deux ans ont passé, Van Helsing est marqué par son dernier combat et a sombré dans une profonde dépression. L’inspecteur Abberline va le sortir de sa torpeur en lui proposant de l’aider dans l’enquête sur des meurtres sordides perpétrés par « Jack l’Éventreur ».

Bien évidemment, ce livre paraît alors que, le mois précédent, sortait Jack l’Éventreur dans la même collection. Bien sûr, les titres « X célèbre contre Y renommé » n’augurent pas spécifiquement d’œuvres de qualité. En l'occurence, Jacques Lamontagne a choisi un angle d’approche plutôt intéressant. Certes, la trame ne déborde pas d’originalité, l’auteur proposant une enquête très « holmesienne », mais la toile est habilement tissée, même si elle ne réserve pas de réelle surprise quant à la traque du sérial killer, et la lecture s’avère agréable et fluide. L’intérêt se situe au niveau de la personnalité de Van Helsing. Les mystérieux propos de Dracula, sa dépression, son addiction à la drogue, ses rêves, la réaction, à son réveil, de la victime qui est parvenue à échapper au tueur, tout contribue à créer curiosité et ambiguïté. Le fait qu’il soit manifestement suivi (par son valet qui cherche à le protéger ?) ajoute à l’ambivalence du héros.

Le dessin de Siniśa Radović remplit très correctement son office. Relativement classique, il offre des personnages bien caractérisés, des décors soignés de ce Londres de la fin du dix-neuvième siècle. La colorisation participe également à la création de l’ambiance.

Sans arguments majeurs, ce premier tome est suffisamment sérieusement construit pour éveiller l’intérêt et donner envie de découvrir la fin.