Difficile, voire impossible de résister aux charmes indicibles des illustrations du duo formé par José-Luis Munuera et Sédyas. Ensemble, ils ont signé les superbes dessins de Fraternity qui nous entraînait durant la Guerre de Sécession dans un huis clos inquiétant au cœur d’une communauté isolée. La couverture de Sortilèges, où dansent des ombres sinistres et leurs inquiétants reflets, est une délicieuse invitation à plonger dans ce conte sombre et envoûtant concocté par un Jean Dufaux très inspiré. Les planches de l’album sont elle de toute beauté. Le travail sur la lumière est saisissant et les couleurs de Sédyas posent d’emblée cette ambiance à la fois féérique et inquiétante propice aux développement d’un conte.

L’histoire prend place dans un moyen-âge fantastique peuplé de sorcières sulfureuses, des bossus aigris, de démons imbéciles servant un maître que la naïveté et la candeur rendent attachant.
Il était une fois Blanche et Gaspard qui s’aimaient d’amour vrai. Mais le destin se joue de cet amour et le père de Blanche, roi de ces lointaines contrées, vient de trouver la mort, désignant dans un dernier souffle Blanche comme devant lui succéder en lieu et place de son frère, un bossu difforme. Blanche ne peut qu’accepter la lourde charge que lui lègue son père. L’amour qui la liait à Gaspard doit s’effacer devant son devoir de Reine. Gaspard, éconduit et blessé, décide d’aller trouver la terrifiante Miranda pour qu’elle soit l’instrument de sa vengeance… L’implacable destin se met alors en marche, pour le meilleur et pour le pire…

Brodant sur un canevas assez classique, Jean Dufaux tisse une trame captivante qui s’avère être en parfaite osmose avec ce dessin plein de magie et ce style envoûtant que le José-Luis Munuera a développé depuis le sublime Signe de la Lune. L’ambiance distillée au fil des pages est chargée de magie et de merveilleux. Truffé de références aux contes qui ont bercé notre jeunesse, les évènements qui nous sont narrés éveillent chez le lecteur une foule de souvenirs semblant sortis des brumes de l’enfance. L’image de Blanche Neige s’impose d’emblée avant d’être balayée par l’inventivité de Dufaux qui s’amuse à prendre le lecteur à contre-pied. La scène où Gaspard s’échappe alors que Miranda retrouve Horibili esquisse une trame des plus classiques, avant de se conclure de la plus surprenante des manières en est l’exemple le plus marquant.

On retrouve dans ce premier opus la magie et le charme désuet des premiers Disney mais teinté de l’obscure folie des films de Tim Burton. Les sentiments y sont exacerbés et l’Amour et la vengeance semblent être le fil rouge autour duquel se bâtit le récit.
Le pari était osé et le casting des plus prometteurs… Ce subtil mélange de candeur et de noirceur est si savamment dosé qu’il ne peut qu’envoûter les lecteurs ayant su conserver une part de leur enfance…
Difficile de savoir vers quelle fin vont nous conduire ces auteurs virtuoses mais nous avons été conquis par le charme de ce conte de fée à la fois sombre et léger.