Dès le premier tome Blast s'est imposé comme une œuvre forte à la fois captivante et dérangeante. Car Polza Mancini, son héros hors normes, se fait tour à tour répugnant et séduisant. Il peut faire montre d'une grande empathie avec son environnement, mettant en avant sa part lumineuse, son humanité, puis soudain sombrer dans la violence alors que se réveille le monstre qui sommeille en lui, sa part obscure. Sa misanthropie le ronge tant qu’il se déteste et lacère son corps, corps hors norme auquel ses condisciples s’arrête pour ne pas voir l’homme tourmenté qui s’y cache. Corps meurtri qui semble être une carapace s’effritant au fil des pages alors que Polza poursuit son récit, un road movie inquiétant marqué par la violence et la poésie, porté par des dialogues ciselés, une voix off bouleversante et des silences qui en disent long…

On pense au Hannibal Lecter de Thomas Harris qui fascine autant qu'il inquiète. Comme lui, le personnage de Larcenet est tout en nuances et en contradiction. C'est sa complexité, sa façon de mener son récit contre vent et marée, ce jeu du chat et de la souris qu'il joue avec les inspecteurs chargés de l'interroger qui captivent le lecteur. Larcenet mène ce dernier sur des sentiers inexplorés pour un récit tout à la fois fascinant, poétique, répugnant et révoltant qui nous entraîne chaque fois un peu plus un dans les méandres ténébreux de l’âme humaine... Car ce troisième tome se fait plus sombre, plus tourmenté encore que les précédents, certaines scènes, celle du viol notamment, étant particulièrement insoutenable, sur le fond tant que sur la forme. L’ambiance se fait crépusculaire et Carole apparait comme un oasis de douceur, un petit coin de paradis qui apaise les souffrances et guérit les blessures. Le cliffhanger de la dernière planche relance ce récit qui se conclura dans le prochain tome.

Avec Blast, le trait de Larcenet s’affranchit de toute entrave. Il laisse libre court aux libertés graphiques qu’il affectionne pour accentuer la dimension étrange et dérangeante de son récit. Collages, dessin enfantins, peintures, lavis, ils mêlent les techniques pour mieux servir son propos. A travers Polza, il dénonce les dérives de cette société déshumanisée qui oublie jusqu’à la simple beauté de la nature.

Blast s’impose comme une œuvre majeure du neuvième art, au même titre que Larcenet est l’un des maîtres du genre.