Le Grand Mort est un conte sombre et moderne orchestré par Régis Loisel et Jean Blaise Djian. Si l’histoire se teinte de fantastique et s’ouvre sur un univers parallèle, elle s’ancre néanmoins notre sombre quotidien pour étendre ses ramifications dans ce monde peuplé d’étranges créatures. Et réciproquement… Car les deux univers semblent tant imbriqués que lorsque l’un d’eux est menacé, le second l’est tout autant. En négligeant son rapport au monde, en ne respectant pas la nature qui l’entoure, l’homme menace non seulement de causer sa perte mais entraînera dans sa chute le peuple des faërims.
Car si le premier tome semblait conter une histoire se déroulant sur un périmètre restreint, celle-ci se déploie peu à peu, enfle et semble changer d’échelle. Ce n’est pas le quotidien de Pauline, Erwan et Gaëlle qui va être bouleversé, mais bien celui de notre petit monde, entraînant dans sa chute celui du royaume du Grand Mort. La nature semble se réveiller dans toute sa puissance comme pour rappeler à l’homme qu’il n’est qu’un hôte parmi d’autres et que s’il s’entête à négliger son environnement pour une illusion de bonheur consumériste, il ne fera qu’accélérer sa fin.

Si les mondes semblent peu à peu se déliter, les personnages ne cesse d’évoluer au fil des tomes. Réagissant aux différents évènements auxquels ils sont confrontés, chacun voit son comportement, et même parfois son apparence, se modifier, subtilement, de même que les relations qui les lient. La jalousie va s’insinuer entre eux, perturbant leurs rapports et les empêchant peut-être de bien appréhender les bouleversements que, semble-t-il, va connaître notre petite planète.

Le dessin plein de fraîcheur de Vincent Maillé fait une fois de plus merveille. Le soin apporté à la composition de chacune de ses cases est saisissant. Il joue avec cadrages et les profondeurs de champs avec un talent évident, conférant un relief à chacune de ses compositions. Son trait, très personnel, rehaussé par les impeccables couleurs de François Lapierre (un coloriste époustouflant et un dessinateur talentueux!) fait une fois de plus merveille, mettant en image avec talent ce conte inquiétant concocté Régis Loisel et Jean Blaise Djian.

Avec ce quatrième opus, l’histoire (qui porte bien son nom !) se fait plus sombre encore. Des liens inextricables se tissent entre les deux mondes et l’on ne sait encore quels furent les desseins de la prêtresse lorsqu’elle décida de donner vie à deux enfants avec des humains et dont chacun grandirait dans un monde qui n’était pas le sien… Le Grand Mort n’en finit plus de nous captiver et si l’avenir s’obscurcit pour la planète Terre, gageons que nos héros auront leur rôle à jouer, quand l’heure sera venue… Parviendront-ils à empêcher l’humanité de sombrer dans le chaos?