David Elliot Hanneth Solomon n'a pas la vie facile. D'abord tout le monde l'appelle Soda, ce qui est moins long à dire (et à écrire dans les phylactères) et rappelle astucieusement qu'il est un héros de BD. Ensuite, tout New York sait que cet inspecteur de police quitte chaque matin l'appartement de sa maman déguisé en pasteur, afin d'épargner le coeur fragile de sa génitrice qui semble tout droit sortie d'une publicité pour une marque de café bien connue. Lorsque par malheur il ne parvient pas à se changer à temps dans l'ascenseur, Soda est contraint d'accomplir son devoir tout de noir vêtu, crucifix et faux col en option.

On pourrait croire à une blague (franco-)belge, compte tenu du graphisme « ligne-claire » de cette série. D'autant que Soda partage avec Spirou la même chevelure rousse (la houppette en moins, je vous l'accorde). Et pourtant, le taux de mortalité des enquêtes de Soda est bien au dessus de la moyenne municipale. Pour tout dire, on ne serait pas surpris qu'il lui arrive de faire face à un malfaiteur, Magnum.45 au poing, en débitant quelque chose du genre « je sais ce que tu penses : c'est six balles qu'il a tirée, ou cinq seulement... ».
C'est certain, Soda a le physique émacié d'un Clint Eastwood. Comme l'inspecteur Harry, il doit combattre les criminels tout autant que la société qui les crée. Soda est cependant un peu plus « politicaly correct », il semble porter encore un espoir malgré sa vision pessimiste du monde... Sans doute est-ce l'innocence de sa mère qui le sauve, elle qui vit derrière une porte à fermeture cinq points, sans lire les journaux (trop violents). Les aventures de Soda relèvent cependant bien du même genre narratif que celle de Harry : le « noir »...
Et même le « hard-boiled » si l'on en juge par sa féroce envie de (sur-)vivre même lorsque tout semble perdu face aux éléments qui s'acharnent contre lui. Quitte à répandre le rouge sang sur bon nombre de planches de papier, Soda n'est pas prêt de se laisser abattre.

Toute une galerie de personnages secondaires vient animer les albums : un chef de la police passionné de petites bêtes, un gros matou de compagnie, une plantureuse coéquipière afro-américaine...
Mais ces derniers cachent difficilement le côté obscur de la série. Tour à tour Soda les entraîne avec lui dans un univers contre-nature où existent bel et bien la violence, le sexe ou la cupidité propres à notre monde d'aujourd'hui...

On l'aura compris, derrière les apparences innocentes d'un héros de « bédé » traditionnel, Soda est un personnage ambivalent, tout en demi-teintes. Cerise sur le gâteau : chaque album est un « one shot » que l'on peut lire indépendamment. Toutefois, quelques fils rouges entretiennent l'intérêt du lecteur de l'un à l'autre. Notamment ces mystérieux doigts manquants à la main gantée de notre héros.

[Chronique rédigée par Julien F.]

Soda, c'est les aventures new-yorkaises d'un flic qui a toujours fait croire à sa mère qu'il était pasteur et pas flic, car son père de flic est mort dans l'exercice de ses fonctions. Bref, la vie tranquille mais un jour sa mère débarque chez lui pour s'installer et elle est cardiaque maman... Ni une, ni deux, notre flingueur joue le jeu et se déguise tous les matins en pasteur, se désape pour retrouver son allure de flic dans l'ascenseur et part au boulot où tout le monde s'amuse de cela et le soir après une journée toujours d'enfer et d'action, se resape en pasteur dans l'ascenseur. Une série humoristique décalée et même un peu noire avec des quiproquos et des découpages de scène toujours surprenants et emballants. Un chef d'oeuvre scénaristique et graphique dans la bande dessinée, une vraie référence, à ne pas manquer, sous peine de voir les portes du paradis se refermer devant vous...

(par Vincianne)