Anastasia Nikolaïevna n’a pas fini de faire couler de l’encre, même si des analyses génétiques semblent avoir apposé un point définitif au mythe de la survivance de la Grande Duchesse. Hélas pourrait-on dire! Car si l’Histoire a tant fait rêver les jeunes enfants, c’est aussi grâce à ces incertitudes, ces zones étrangement flous dans lesquelles pouvaient s’enfoncer fantasmes et rêveries… Néanmoins, le récit concocté par Patrick Cothias et Patrice Ordas s’avère d‘une part fortement ancré dans l’histoire, et d’autre part délicieusement crédible…

Les cendres de koptiaki fait naturellement suite aux tragiques évènements s’étant déroulés dans la Villa Ipatiev. Anastasia a donc survécu, avec le concours de Félix Volodine, jeune officier loyaliste qui risque sa vie pour celle qu’il aime secrètement. Il va lui offrir une nouvelle identité et une nouvelle vie, alors qu’une enquête est diligentée pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé ca cours de la nuit tragique du 17 au 18 juillet 1918. Le juge Sokolov, intègre et méticuleux, arrive donc sur les lieux du drame pour tenter d’y faire toute la lumière, assisté par le colonel Voodine…

Parallèlement à cette enquête aussi pleines de dangers et de rebondissements, Patrick Cothias, Patrice Ordas développe un nouvel arc narratif en mettant en scène Anna Schwankowska, plus connue sous le nom de Anna Anderson qui a tenté de faire croire à ceux qui le voulait bien qu’elle était la Duchesse Anastasia, survivante du drame. Entrée dans l’histoire après son suicide, c’est les événements antérieurs à cette tentative manquée que les auteurs se proposent de nous conter. La façon dont les auteurs introduise ce personnage dans l’histoire en en faisant une femme fragile présentant d’étrangères semblances avec la duchesse mais à l’esprit perturbé s’identifiant peu à peu à Anastasia… Ainsi les auteurs tissent une intrigue croisée plus complexe, s’intéressant aux différentes hypothèses de survivance pour créer une histoire fortement ancrée dans l’histoire, tirant plusieurs fils narratifs de façon plutôt convaincante.

Le dessin plein de finesse et de subtilité de Nathalie Berr, joliment colorisé par Sébastien Bouet, porte élégamment cette fiction historique. Son tait précis et réaliste immerge le lecteur dans la Russie tourmentée de la révolution, donnant tant à voir qu’à ressentir. Les personnages qu’elle met en scène s’avèrent crédibles et souvent très touchants, à commencer par les duchesses, réelles ou chimériques… Difficile de rester insensible au charme du dessin de cette talentueuse artiste…

Ce second opus poursuit cette série où histoire, mythe et fiction se mêlent de la plus élégante des façons. La série vaut incontestablement le détour, que ce soit pour le scénario précis et documenté de Patrick Cothias et Patrice Ordas que pour le dessin de la talentueuse Nathalie Berr. Ce triptyque remplit décidemment toutes ses promesses…