
Je, François Villon est un roman époustouflant de Jean Teulé qui retrace la vie agitée et mouvementée de François Montcorbier dit François Villon. Son roman est tout simplement sublime, invitant le lecteur à arpenter, aux côtés du poëte (comme aimait à l’écrire Baudelaire), les ruelles sales et pestilentielles du Paris du XVième siècle. D’abord trublion puis agitateur, il glissa peu à peu des blagues potaches au délit puis au crime. Brigand, voleur, assassin, coquillard même peut-être !, poëte des putes et des étudiants comme des ducs et des rois, il a écumé tout ce que Paris comptait de tavernes et bordels, forgeant son mythe et finissant même par être rattrapé puis dépassé par sa propre légende. Avec le talent de conteur et l’érudition qu’on lui connaît, Jean Teulé a redonné vie à ce poëte maudit qui a érigé lui-même son purgatoire. Empruntant à l’histoire et au mythe, il a su brosser un portrait réaliste de l’homme en en faisant le propre narrateur en comblant les nombreuses zones d’ombre de sa vie…
Luigi Critone s’est emparé du roman pour signer seul, et pour la première fois, scénario et dessins d’une série, après avoir brillamment mis en image des histoires écrites par d’autres (Sept, les premiers tomes de la Rose et la Croix). Et le fait est que pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.
L’auteur parvient avec une apparente aisance à retranscrire avec fidélité l’esprit du récit de Jean Teulé, oscillant entre poésie et violence sanguinolente. Son trait, tendant vers l’épure semble jouir d’une certaine liberté, liberté qui entre en résonnance avec celle du jeune Villon que l’on découvre étudiant turbulent et agité après avoir été enfant marqué de l’ombre du gibet de Montfaucon. De plus le style graphique très soigné atténue la noirceur de certains pans du récit, bien que ce premier tome ne couvre que le premiers tiers du livre, bien moins glauque que les chapitres qui vont suivre.
Orphelin de père dès ses premières heures, puis de mère quelques années plus tard, le chanoine de Saint-Benoît-le-Bétourné le prend sous son aile et tente, tant bien que mal, de lui donner une éducation. Las! Le jeune Villon préfère l’hypocras qui coule à flot dans les tavernes plutôt que s cours que lui prodigue d’éminents professeurs, fuyant l’école, comme le fait le mauvais enfant.
Ce premier opus est une invitation à lire le roman et, surtout, à découvrir (ou redécouvrir) les vers de Villon dont Jean Teulé a écrit un portrait si saisissant, en inscrivant dans les zones d’ombre de la vie de Villon des inventions brillantes sortie de son esprit fertile ou de la légende du poëte-brigand qui ravi nobles et gueux de ses lais et ballades. Entre histoire, fiction et légende, Luigi Critone et jean Teulé nous entraîne à côtoyer un homme dont l’œuvre fit souffler un vent de fraîcheur sur la poésie médiévale. Un premier tome brillant, sombre, beau et violent, comme l’est un poème de Villon…