Sara Lone vient enrichir le catalogue des éditions Sandawe dont les projets sont financés par es édinautes, passionnés de neuvième art qui ont ainsi l’opportunité de suivre et de soutenir un projet qui leur tient à cœur… Et le fait qu’ils ont été particulièrement bien inspirés en soutenant ce projet, associant le scénariste chevronné qu’est Erik Arnoux (La Dernière fée du pays d'Arvor, Sophaletta, Aigles décapitées…) et le jeune auteur espagnol David Morancho qui signe son premier album francophone…

L’album s’ouvre sur une plage déserte où batifolent de nuit deux jeunes personnes. Soudain, à la lueur de la lune, ils s’aperçoivent qu’ils sont observés par le vieux Ron « Santa » Carruthers. L’homme est mort, décapité, et ses deux yeux vides de vie donneront sans doute des cauchemars aux jeunes amants… Curtis est chargé d’aller annoncer la mauvaise nouvelle à Joy, fille et seule famille du vieil homme assassiné avec qui elle a coupé les ponts depuis de nombreuses années. Mais, alors que la mort brutale de son père va faire ressurgir des souvenirs enfouis, Joy, qui travaille dans un club de striptease de la Nouvelle-Orléans, va se retrouver, bien malgré elle, au cœur d’un vaste complot à cause d’un document dérobé dans le coffre du bureau de son patron qu’elle assomme alors qu’il tentait d’abuser d’elle. L’occasion pour une de ses collègues, profitant de ce que le boss du Blue Parrot soit inconscient, de vider son coffre des billets s’y trouvant, n’hésitant pas à l’estourbir pour de bon lorsque ce dernier revient à lui, s’arrangeant pour que Joy, alias Sara Lone, porte le chap6eau… Pour charger la barque déjà bien lourde, le lubrique employeur de Sara bossait pour Joe Vetriani, un ponte de la mafia qui ne peut laisser ce crime impunit…
Voilà donc la jeune fille quittant précipitamment la Nouvelle Orléans pour revenir sur les terres de son enfances, avec à ses basques des tueurs de la mafia et la police qui la recherche pour meurtre… Un avenir bien sombre semble s’esquisser pour la troublante Joy…

Le récit est mené de main de maître par un Eric Arnoux particulièrement inspiré. La trame, très sombre, lorgne clairement du côté des polars hardboiled torturés à souhait servi par des personnages intrigants plein de zones d’ombres. L’idée de faire s’entrecroiser deux trames narratives apparemment sans liens confère tout son sel au récit en lui impulsant un rythme appuyé. Qui a bien pu tuer le vieux Santa, père de Joy et patron d’une modeste entreprise de pêche et quelle est la nature du document dérobé à son insu par Joy dans le bureau de son patron trop entreprenant sont les deux principaux axes du récit, de nombreuses questions en découle : Pourquoi Santa traitait-il si durement sa fille unique? Qu’est ce qui a bien pu causer la disparition de son épouse, la mère de Joy, décédée plusieurs années avant que s’amorce ce récit… Qui est réellement Rip Vandoorne et pourquoi tient-il tant à garder la main sur Joy? Et, surtout, quels liens ont ces événements avec la tragédie de Dallas, le 22 novembre 1963…

La tonalité très polar du récit est accentuée par l’épatant dessin de David Morancho qui fait montre d’un talent de metteur en scène saisissant. Ses cadrages lorgnent clairement du côté du septième art alors que ses couleurs discrètes mais efficaces ancrent le récit dans l’Amérique de la guerre froide.

La trame savamment tissée par Erik Arnoux avec ces intrigues croisées qui se télescopent sur le personnage de Sara Lone et le dessin parfaitement maîtrisé du prometteur David Morancho raviront sans nuls doutes les amateurs de (bons) polars. Le tome 2 étant d’ores et déjà financé, c’est avec impatience que nous l’attendons pour connaître le destin de cette jeune fille au caractère bien trempé qui subit pour l’heure l’avalanche d’événements qui déferle sur sa vie… Mais gageons que cette petite crevette sera prendre en main des rênes de son destin…