Fantômas, le génie maléfique du crime né de l’imagination de Pierre Souvestre et Marcel Allain, reprend du service sous la plume virtuose d’Olivier Bocquet et les pinceaux diaboliques de Julie Rocheleau. Avec la Colère de Fantômas, ils renouent avec la noirceur de l’œuvre originelle, délaissant la vision burslesque des films de André Hunebelle où Jean Marais tenait, entre autre, le rôle titre aux côte de Louis de Funès pour un salutaire retour aux sources grandguignolesque…
S’il n’a jamais vraiment quitté l’imaginaire collectif, Fantômas n’en reste pas moins un grand méchant méconnu, comme si le temps avait érodé sa méchanceté, son refus de tout ordre établi et sa volonté de défier l’Etat à travers des actions spectaculaires et sanglantes pour servir sa gloire…

Dans le premier tome, alors que le tout Paris avait assisté à l’exécution du pire criminel qu’est connu la capitale, voilà que ce dernier semble revenir d’entre les morts lors d’une représentation mettant en scène sa vie. Tout naturellement, l’inspecteur Juve se lance à la poursuite de son Némésis… Lorsque Fantômas annonce par défi qu’il va dérober tout l’or de Paris, les forces de l’ordre sont, à la demande de Juve, chargées de protéger l’or de la banque de France et l’Hôtel de la Monnaie. Las! En une nuit, au cours d’une action aussi audacieuse que spectaculaire, les sbires de l’Homme aux mille Visages dérobent les dorures recouvrant les Invalides ou le Pont Alexandre III, ridiculisant une fois de plus la police en général et l’inspecteur Juve en particulier. Ce dernier pressent que ce coup d’éclat n’est qu’une diversion destinée à masquer les véritables intentions de Fantômas mais sa hiérarchie ne suit pas… Et le fait est que l’infâme Fantômas, se faisant passer pour l’inspecteur Juve grâce à son art du déguisement, dérobe les réserves d’or de la Banque de France, garante de la valeur monétaire du franc, menaçant ainsi de déstabiliser le pays tout entier… L’inspecteur mis aux arrêts, c’est Fandor, journaliste et fils spirituel de Juve, qui se charge de traquer l'insaisissable Fantômas, assisté par deux adjuvants que sont Louis Feuillade (cinéaste qui mit en scène les premiers Fantômas) et Georges Méliès dont les auteurs se plaisent à montrer la folie créatrice…
En compagnie d’une Lady Beltham tiraillée entre sa morale et son amour, Fantômas se débarrasse sans vergogne de tous ceux qui ont le malheur de croiser sa route et d’être témoin de ses maléfiques agissements… Les acteurs de son procès en seront les victimes expiatoires au cours d’une action éclatante et sanglante… La vengeance de Fantômas contre l’Etat français est en marche et sa colère semble ne pas connaître de limites. Tremblez misérables mortels! Il est trop tard pour fuir désormais!

Le scénario virevoltant d’Olivier Bocquet est une fois de plus formidablement mis en scène par une Julie Rocheleau toujours aussi inspirée. Son trait aussi dynamique qu’élastique est un régal pour les mirettes. Le découpage dynamique de ses planches est d’une rare efficacité alors que sa colorisation si particulière, avec ses teintes fauves et sépia, confère à la série son identité graphique. Alors que la couverture du premier tome évoquait l’affiche du film de Louis Feuillade (1913), la seconde montrant deux inquiétants montes en l’air sur les toits de Paris,s’avère tout aussi élégante et énigmatique…

L’atmosphère de l’album est délicieusement sombre mais le graphisme de Julie Rocheleau tempère et exacerbe tout à la fois le récit. L’humour distillé par les ouailles de Fantômas ou les répliques cinglantes du supérieur de Juve apaisent le propos et contrebalancent la folie destructrice d’un Fantômas ivre de vengeance. La présence de Lady Beltham à ses côtés lui confère en de rares instants un semblant d’humanité, mais c’est pour mieux plonger le lecteur dans la noirceur de ses actes innommables.

En revenant aux sources et à la noirceur du mythe originel, la Colère de Fantômas est une trilogie feuilletonesque jubilatoire et rafraîchissante. Le subtil équilibre entre le propos et sa mise en image en font une série captivante qui met en scène un Fantômas plus diabolique que jamais. Le premier tome nous avait fait forte sensation et le second opus s’inscrit dans la droite lignée de celui-ci… Vivement le troisième et dernier opus de ce premier cycle trépidant et inquiétant pour qu’on sache comment l’inspecteur Juve va faire pouvoir se tirer de ce mauvais pas et mettre un terme aux sinistres agissements de ce génie du crime.