Whaligoë est un diptyque envoûtant qui évoque les poëtes(*) et écrivains romantiques britanniques. Le premier tome entraînait le lecteur à la lisière du fantastique en développant une atmosphère romantique, confrontant les principaux personnages à leur tragique destin dont l’issue ne peut, semble-t-il, n’être que funeste.

L’action prend place dans le petit village de Whaligoë nichée au cœur de l’écosse profonde. C’est là qu’ont échoué Sir Douglas Dogson, dandy nihiliste et poëte(*) en quête d’inspiration, et son ancienne muse et sa maîtresse toxicomane, Speranza, pour fuir Londres à la suite d’un scandale. Le couple n’en finit plus d’agonir. Entre eux, il y a longtemps que l’amour a laissé place au cynisme, voir aux sarcasmes. En romantique, Sir Douglas songe à mettre un terme à son existence avant d’être gagné par la décrépitude alors que Speranza trouve refuge dans le laudanum. Mais, une nuit, Sir Douglas croise la route d’un séduisant spectre hantant le cimetière de la bourgade alors que sa muse apprend que le célèbre Ellis Bell, énigmatique et célèbre écrivain dont la plume secoue le milieu littéraire londonien aurait trouvé refuge dans ce village… Deux raisons de s’attarder dans ce lieu reculé… Mais, très vite, ils vont s’attirer l’inimité des villageois, à commencer par Branwell, un personnage aussi vaniteux que brutal qui prétend être Ellis Bell, sans vraiment parvenir à convaincre…

C’est avec un réel plaisir que nous retrouvons Yann pour un scénario dont le romantisme sombre n’est pas sans rappeler celui de Sambre dont il signait le premier album sous le nom de Balac. Par de nombreux aspects, Whaligoë est bien plus proche de cette série romantique par excellence que des autres séries de ce prolifique auteur. Le scénario qu’il a concocté est plein de charmes et de mystères. La façon dont son récit flirte avec le fantastique s’avère particulièrement efficace et renforce la noirceur du récit. Ses personnages délicieusement tourmentés sont les acteurs d’un drame sombre et élégant, riche en mystères et fertile en rebondissements. Ses dialogues, finement ciselés, sont très littéraires, collant parfaitement à l’ambiance distillée par cette intrigue parfaitement maîtrisée. Le sens de la répartie du couple en pleine déliquescence est particulièrement fin et percutant…


Révélée par le sublime Alim le Tanneur (signé par l’immense Wilfrid Lupano), Virginie Augustin signe là un diptyque somptueux. Toujours plein d’élégance et de charmes, son trait très stylisé s’y fait plus sombre et plus nerveux que dans ses œuvres précédentes, accentuant le romantisme du récit.

Whaligoë est un récit historique et dramatique qui rend hommage à la littérature romantique du XIXième siècle, de William Cowper à Lord Byron, en passant par les sœurs Brontë ou Walter Scott, en insistant sur les affres de la création… Le superbe dessin de Virginie Augustin est en parfaite osmose avec le scénario gothique et romantique d’un Yann très inspiré…


(*) comme se plaisait à l’écrire Baudelaire.