Si vous aimez les polars où pointe l’amorce d’une lueur d’espoir, passez votre chemin,
Succombe qui doit n’est pas fait pour vous… Trop sombre, trop noir, trop violent…
Tout commence à la manière de
Reservoir Dogs qui reste le chef d’œuvre de Tarantino. Quatre petites frappes masquées se retrouvent en huis clos après un braquage qui a considérablement dégénéré. L’un d’eux est grièvement blessé et agonise lentement, sa compagne à son chevet. Le troisième semble être le leader et tente tant bien que mal de prendre les bonnes décisions. Le dernier est un hystérique impulsif qui agit bien avant de réfléchir, si tant soit est qu’il réfléchisse… Après leur forfait, ils ont trouvé refuge dans une casse isolée et pris le patron, José Marchado, en otage. Mais ce dernier n’est pas tombé de la dernière pluie. Loin d’être impressionné par cette bande de chiens fous, il n’est pas homme à se laisser dicter sa conduite… Mais le hasard fait parfois mal les choses et, de taciturne, il devient féroce lorsqu’il apprend que le commanditaire de ce casse lamentable n’est autre que le sinistre La Vilette qui causa sa déchéance il a plusieurs années, après un combat de boxe truqué qui tourna court…
Le scénario d’Ozanam est une fois encore sombre, violent et sans concession, comme le suggère la (superbe) couverture. Servit par des personnages torturés, il joue avec les codes du huis clos de façon convaincante, entraînant le lecteur dans un nid de guêpe où tout semble pouvoir arriver. La tension et la violence vont crescendo dans ce scénario pêchu solidement charpenté qui recourt avec efficacité aux flashbacks pour préciser le sombre passé de José Marchado, ancienne gloire de la boxe qui a disparu des rings après un ultime combat remporté haut la main, et qui causa sa perte. Le récit est riche en rebondissements finement orchestrés qui accentuent à chaque fois la tension et le suspens, pour en devenir moite et étouffant, annonçant un final aussi ébouriffant qu’inattendu!
Le dessin âpre et puissant de Rica porte magnifiquement ce récit noir. Son goût pour les récits sombres et torturés et son trait à la Charles Burns (
Fleur de peau,
Toxic,
Black hole…) en faisaient bien évidemment le dessinateur idéal pour mettre en image ce polar où la violence règne en maître, cinq ans après
E dans l'eau déjà scénarisé par Ozanams. Ses planches sont d’une redoutable efficacité. Alors que ses cadrages déstabilisants et incisifs retranscrivent admirablement le chaos de certaines scènes, son trait épais et expressif campent les personnages de façon magistrale. Quant à sa mise en couleur, elle est tout simplement épatante en ce qu’elle renforce l’atmosphère de chacune des scènes de façon saisissante, en cherchant, à l’instar de son dessin, non pas l’esbroufe ou l’esthétisme mais l’efficacité…
On retrouve dans
Succombe qui doit tout ce qui fait le charme du premier film de Tarantino : un huis clos servi par des dialogues percutants, une mise en scène décoiffante, des flashback bien conduits, un scénario oppressant, des personnages « bigger than life » et un final magistral…
Ce nouvel album du duo Ozanam / Rica est un petit bijou de noirceur âpre et violent dont la fin laisse un goût de sang et d’amertume dans la bouche. On ne peut que se réjouir de voir que cet album de 128 pages a été édité dans un format plus grand que les autres titres de cette dynamique collection qu’est KSTR, ne serait-ce que pour rendre justice au formidable travail graphique de Rica qui habille avec efficacité le récit sombre et tourmenté d’Ozanam… A l’instar de Tarantino, Ozanam et Rica jouent avec brio avec les codes du genre pour créer une œuvre coup de poing parfaitement maîtrisée. On en redemande!