Avant d’être un roman jeunesse avec
Le Gourbi du Sorcier,
les Godillots ont commencé par être un bande-dessinée scénarisée par Olier et (superbement) mis en image par Marko. Dans cette série (deux tomes disponibles), les auteurs explorent la Grande Guerre en l’abordant sous un angle peu commun, celui de l’humour. Avec un background historique solide, il revisite ce conflit dont on s’apprête à célébrer le centenaire, à la façon Raoul Cauvin Louis Salvérius (puis Lambil) se sont emparé de la guerre de Sécession dans leurs
Tuniques bleues.
Et force est de reconnaître que
Le Plateau du Croquemitaine et
L'oreille coupée proposaient des scénarios assez sombres tout en restant parfaitement lisible par de jeunes enfants par l’intelligence du scénario et de la mise en scène.
Le Gourbi du sorcier ne déroge pas à la règle et immerge une fois encore le lecteur au cœur du conflit, sans se départir de ce comique de situation qui fait la force des deux premiers opus. L’action semble se situer entre les deux albums, constituant un petit intermède permettant aux auteurs d’explorer d’autres facettes de la guerre…
Picardie, Août 1916. Le jeune Bixente, adopté par les Godillots, Palette et Bourru de leurs surnoms, est blessé alors qu’il devait effectuer le ravitaillement en eau. Ses deux comparses (et Salopiot, le petit singe) décident de l’emmener dans la tranchée B12 pour le faire soigner par ce qui ressemble le plus à un médecin dans les environs : Alphonse Seignolle dit «Le Sorcier» qui posséderait d’étranges pouvoirs et que tous semblent craindre… Très vite, Bichette, comme on le surnomme, va devoir le défendre contre la colère grandissante des hommes de troupes qui l’accusent de tous les maux…
Je ne sais pas vous, mais le ton de l’histoire, dont Bixente est le jeune narrateur, me fait furieusement penser au
Petit Nicolas de l’immense René Goscinny. Ce parti pris judicieux permet aux auteurs de conserver la fraîcheur et l’humour des BD tout en montrant la guerre à hauteur d’enfant. Cet attachant gamin qui a traversé la France pour retrouver son grand frère (mais si, « un grand brun baraqué… habillé tout en bleu ») nous prend par la main pour nous raconter sa vision de cette édifiante histoire du
Gourbi du sorcier. Bien sûr, l’adulte noircira le tableau en projetant dans l’histoire ses connaissances historiques, en comblant les non-dits esquissés par l’auteur… Mais les plus jeunes lecteurs découvriront l’histoire avec sa jeunesse et sa candeur, avec un récit historiquement solide qui, à l’instar de la série BD, s’avère fort didactique tout en étant captivant.
Car si l’ensemble est traité avec humour, le scénariste et romancier qu’est Olier n’en aborde pas moins la dure réalité du quotidien des soldats, de l’insoutenable attente au fond des tranchées aux sanglants assauts. Aucune vision d’ensemble de la guerre ne sera donnée dans cette série, l’idée étant de traiter la Der des Der à hauteur d’homme…
Ajoutons à cela un lexique bien pensé et des illustrations de Marko toujours très soignées qui souligne l’action avec efficacité.
Le Gourbi du Sorcier poursuit le plaisir procuré par la bande-dessinée et constitue comme cette dernière une façon prenante et ludique d’explorer l’histoire… Un roman jeunesse à offrir à tout bambin amateur d’histoire pour la fraîcheur de son écriture et le fond historique soigné…