L’homme de l’année est une série-concept originale qui entraîne le lecteur au cœur d’évènements historiques marquant à travers le destin d’anonymes qui les ont, à leur façon, influencé…
1492. Pour beaucoup cette date est associée à la découverte des Amériques par Christophe Colomb alors qu’il cherchait à ouvrir une nouvelle voie maritime pour les Indes. Mais ce que peu de personne savent, c’est que ce talentueux navigateur n’aurait peut-être tracé sa route vers l’ouest inconnu si un mystérieux pilote ne l’avait guidé…
On aurait tôt fait de croire que cette idée de pilote mystérieux est une invention scénaristique inventive mais fantasque… Mais est-il plus aisé de croire que Colomb aurait fait voile vers l’ouest au petit bonheur la chance, que Colomb aurait sans arguments convaincu Isabelle de Castille et son mari de financer ce voyage risqué vers les Indes? Car le récit de Céka mêle avec efficacité histoire et fiction, s’appuyant sur une base historico-légendaire qui a fait en son temps couler beaucoup d’encre : la fameuse légende du
pilote inconnu… Certes, le récit des historiens des époques passées manque de rigueur et d’exactitude et ne convaincrait sans doute pas un historien moderne… mais il possède cette dimension savoureuse et romantique qui, à l’instar de la survivance d’Anastasia, de Jeanne d’Arc, de Louis XVII ou de Napoléon, donne une furieuse envie d’y croire…
Céka s’empare donc de ce mythe historique pour lui donner corps à travers le personnage de Salvador, capitaine de vaisseau pour le compte de la couronne portugaise qui a disparu en mer lors d’une expédition africaine et qui, après des années de silence, vient retrouver d’anciens amis… Une maladie le contraint de regagner Madère pour y retrouver Miguel, un vieux médecin qui comptait parmi ses amis, laissant sa compagne amérindienne sur la plage… Mais cette dernière va être arrêtée et conduite auprès du gouverneur de l’île Madère... Salvador n’aura de cesse que de la retrouver…
Les amateurs d’histoire verront de nombreux et discrets jalons posés au fil du récit et il est presque dommage que tous n’aient pu être développés plus avant. De cette
mer herbeuse tout juste évoquée et qui fait référence à la Mer des Sargasses en passant par l’argumentation de Colomb pour convaincre ses contemporains du bien fondée de l’expédition qu’il souhaite entreprendre… Tout cela aurait mérité un petit dossier pour clore l’album tant le scénario titille la curiosité du lecteur… Mais n’est-ce pas là le propre d’une bonne histoire que d’inciter le lecteur à en apprendre plus ?
La (superbe) couverture de Manchu cache le magnifique dessin du trop rare Patrick Tandiang qui signe une fois encore un album de toute beauté. Ses planches, rehaussées par ses superbes couleurs très lumineuses, sont de toute beauté. Sa reconstituions du Madère de la fin du XVième siècle est saisissante et contribue à immerger le lecteur dans ce récit historique captivant…
Le récit romantique et romanesque de Céka, porté par un dessin de haute tenue, remplit parfaitement le cahier des charges de cette série-concept en plongeant le lecteur dans les coulisses d’un évènement en passe de bouleverser à jamais l’histoire du monde… l’Homme de l’année s’avère décidemment être une série originale et inventive qui ravira les amateurs de récits historiques s’inscrivant en marge de l’histoire.